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8 février 2016

Judith Miller contre Élisabeth Roudinesco et le Seuil : épilogue en Cassation

polémiquer plutôt que procéduriser

par Philippe Grauer

l’imparfait du subjonctif l’emporte sur l’imparfait du subjectif

FINAL : consigné au Dalloz

Non seulement le pourvoi en cassation de Judith Miller contre le Seuil, Olivier Bétourné (nommé M.B dans le texte) et É. Roudinesco a été rejeté après cinq ans de procédure, mais l’affaire est devenue un cas d’école en matière de liberté de la presse et de l’édition. Elle est entrée dans le Dalloz et le rejet ainsi que le jugement de la cour d’Appel feront désormais jurisprudence. É. Roudinesco s’en réjouit par ailleurs pour tous les auteurs, journalistes et éditeurs attachés à la liberté d’expression, et félicite ses avocats ainsi que tous ceux qui ont eu le courage de la soutenir pendant ces cinq années pénibles.

Voilà le document d’une page passionnant à lire : [Document : Sans titre]

Laquelle est enfin tournée.

Ah ! quand un imparfait du subjonctif agace les oreilles du clan il intente un procès. Ainsi en trois temps trois mouvements, Judith Miller s’est vue renvoyée à ses chères études sur le subjonctif, pour lequel nous ne saurions trop recommander le remarquable ouvrage de Paul Imbs(1), qui demeure une référence incontournable.

1) Le Tribunal de Grande Instance de Paris jugeant en première instance (novembre 2011) avait d’abord donné raison à Judith Miller mais n’avait pas empêché la diffusion de l’ouvrage.

2) Élisabeth Roudinesco, et ses co-accusés, Olivier Bétourné et les Éditions du Seuil, avaient alors interjeté appel. Septembre 2014, l’arrêt du jugement en appel infirma les décisions du jugement précédent. Constatant la nullité de l’assignation délivrée à Olivier Bétourné il conclut en affirmant que les propos reprochés ne sont pas diffamatoires à l’égard de Judith Miller.

voir à ce propos

Michel Rotfus, JUGEMENT EN APPEL du procès intenté par Judith Miller contre Élisabeth Roudinesco, précédé de « Victoire de la liberté d’expression » par Philippe Grauer [mis en ligne le 26 septembre 2014]

3) Le clan Miller se pourvut en cassation. Résultat : 4 février 2016, la Cour de Cassation confirme le jugement de la cour d’appel de Paris de septembre 2014, qui avait jugé que les propos de l’historienne et psychanalyste Élisabeth Roudinesco « ne portaient pas atteinte à l’honneur et à la considération » de Mme Miller.

Fin de partie. L’imparfait du subjonctif de l’historienne a définitivement gagné contre l’imparfait du subjectif de Judith Miller.

l’étrange affaire Kadivar – avril 2013

Puisse cela modérer les ardeurs judiciaristes du clan qui, on s’en souvient, avait dans la foulée en 2013 intenté un autre procès groupé à Élidabeth Roudinesco, à la SIHPP, à Henri Roudier son Secrétaire général, au SNPPsy (Président Philippe Grauer), au CIFP, et à votre serviteur personnellement. Procès également perdu.

voir à ce sujet

Jacques-Alain Miller : procès & invectives. Soutien aux assignés, Élisabeth Roudinesco, CIFP & SNPPsy. [mis en ligne le 2 avril 2013]

assignation en justice vs. débat et liberté d’expression

Entre intellectuels exprimant des opinions adverses s’organise généralement un débat, une polémique, mais changer de terrain et mobiliser la 17ème à répétition pour diffamation ! où va-t-on ? Les avocats y gagnent, les petits y perdent leur chemise, les friqués procéduriers n’y gagnent pas en estime de la part de leurs collègues. De plus, ces coups-ci ils y perdent aussi leur procès. Bonne nouvelle.

la manœuvre d’intimidation n’a pas fonctionné

La stratégie déployée visait à décourager par intimidation toute personne, toute institution, qui oserait soutenir une opinion susceptible de contrarier les très susceptibles majestés lacaniennes côté J-A Miller. On pouvait également calculer que la médiatisation de l’opération organiserait une sorte de rideau de fumée permettant à l’opinion de confondre dans le mépris l’agresseur et l’agressée, se combattant en justice pour des broutilles. Tout cela au grand dam de la psychanalyse, qui ne sortirait pas grandie de ce toxique buzz. Ce qu’on ignore parfois c’est que lorsqu’on vous attaque en justice vous devez vous défendre. Quoiqu’il en soit la justice a fait entendre le bon droit, et le bon sens suit celui de notre argumentation, qu’entre honnêtes gens on polémique mais ne se traîne pas devant les tribunaux pour un imparfait du subjonctif ou pour une foucade à propos d’un délire s’étant efforcé de prendre la diplomatie de notre pays en otage.

rappel historique de notre coopération avec l’École de la Cause freudienne

Jadis et naguère, au moment de la Bataille des charlatans (1999-2010), Jacques-Alain Miller eut le mérite de combattre l’ostracisme jeté contre les psychothérapeutes en butte aux attaques politiques destinées à liquider à terme la psychanalyse en commençant par s’en prendre aux praticiens de la dynamique de subjectivation qui n’étaient point diplômés en psychologie. Ce fut le moment de la Coordination psy (2004-2009), réunissant l’École de la Cause freudienne, le SNPPsy, l’AFFOP et la FFdP (qui ne deviendra FF2P qu’en 2006). Le combat unitaire fut fructueux. Jacques-Alain Miller au dernier moment comme prévisible décrocha, pensant avoir décroché pour l’UER de psychanalyse de Paris-8 un privilège universitaire comparable à celui des psychologues.

Depuis, les psychanalystes psychologues en déconfiture sont devenus officiellement des « psychothérapeutes » (titre d’exercice), alors qu’ils aborraient cette appellation(2) et nous, tenants de la psychothérapie relationnelle depuis 2001, exerçons dorénavant sous le titre d’exercice professionnel indépendant de psychopraticiens relationnels®, un nouveau moment de notre histoire s’étant ainsi depuis ouvert.

Peu de temps après, le 23 septembre 2010, à l’initiative de Philippe Grauer, se créa le GLPR, réunissant en groupe de liaison ie de concertation et coopération, les Quatre : acteurs historiques français responsables de la psychothérapie relationnelle.


communiqué de l’AFP

Une dépêche de l’AFP informe aujourd’hui, 04 février 2016, que la Cour de Cassation vient de mettre un terme définitif aux procédures judiciaires engagées par Judith Miller contre l’historienne Élisabeth Roudinesco et l’éditeur Le Seuil.

Paris, 4 fév 2016 (AFP) – La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de Judith Miller, l’une des filles du psychanalyste Jacques Lacan, déboutée en appel dans un procès en diffamation contre Élisabeth Roudinesco et Le Seuil pour le livre « Lacan, envers et contre tout », a-t-on appris jeudi auprès de la maison d’édition.

Dans son arrêt, la Cour de Cassation donne raison à la cour d’appel de Paris qui, en septembre 2014, avait jugé que les propos de l’historienne et psychanalyste Élisabeth Roudinesco « ne portaient pas atteinte à l’honneur et à la considération » de Mme Miller.

En conséquence le pourvoi a été rejeté et Mme Miller, philosophe et psychanalyste, condamnée au dépens.

Selon Mme Miller, une phrase du livre d’Élisabeth Roudinesco, publié en septembre 2011, était diffamatoire à son égard.

Dans son essai Élisabeth Roudinesco écrivait qu’un jour, Lacan, matérialiste athée mais attaché au rituel de l’Église romaine depuis toujours, avait souhaité des funérailles catholiques. Né le 13 avril 1901, Jacques Lacan est mort le 9 septembre 1981 à Paris.

Le procès en diffamation concernait la phrase suivante: « Bien qu’il (Jacques Lacan) eût émis le vœu de finir ses jours en Italie, à Rome ou à Venise, et qu’il eût souhaité des funérailles catholiques, il fut enterré sans cérémonie et dans l’intimité au cimetière de Guitrancourt » dans les Yvelines.

Judith Miller s’estimait gravement mise en cause par cette phrase supposant, selon sa lecture, qu’elle n’avait pas respecté les volontés de son père, et qu’elle aurait ainsi « trahi » la volonté d’un mort, ce qui constitue une faute grave contre la morale, et un délit.

En première instance, en 2012, le tribunal de grande instance de Paris avait donné raison à Judith Miller mais n’avait pas empêché la diffusion de l’ouvrage.

Mme Roudinesco et ses coaccusés, les Éditions du Seuil et leur PDG Olivier Bétourné, avaient alors interjeté appel.

Saisie, la cour d’appel avait infirmé le jugement de première instance et conclu que les propos reprochés n’étaient pas diffamatoires, déboutée Judith Miller et l’avait condamnée à verser 3.000 euros à Élisabeth Roudinesco et 3.000 euros aux Éditions du Seuil au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La cour avait jugé que la phrase incriminée visait à « mettre en lumière des « paradoxes » de Jacques Lacan et « nullement imputer à ses proches un quelconque grief de trahison ».

commentaire de Michel Rotfus

Ce sera certainement un objet de curiosité pour les temps à venir : comment chez le couple Miller, – Judith, l’une des filles de Jacques Lacan, et son mari Jacques-Alain –, au moindre désaccord, au moindre propos qui semblait leur faire de l’ombre, ils se sont mis à porter plainte pour diffamation. Au lieu, de débattre, de s’expliquer, d’argumenter, ils ont judiciarisé les désaccords, faisant vainement procès sur procès(1).

Les historiens de l’avenir diront quelles conséquences sur le destin de la psychanalyse auront eu ces bien tristes pratiques.