par Philippe Grauer
Jean-Michel Fourcade nous a quittés ce 13 avril 2020, à la veille de la bousculade pandémique de cette Histoire qu’il aura marquée de son empreinte sur un demi siècle. Il aurait aimé mourir en scène, sur son fauteuil. Il l’a presque fait, dirigeant l’AFFOP jusqu’à la fin de 2019, enseignant jusqu’au bout en 2020 dans sa NFL chérie.
Max Pagès venant d’introduire de façon éclatante Carl Rogers en France en1966, récidive en introduisant à Charbonnières en 1969 deux jeunes gens de la génération suivante, Tan Nguyen et Jean-Michel Fourcade, de retour d’Esalen. Avec eux, qui me firent rapidement l’honneur de m’intégrer à leur entreprise, prenait pied en France le Mouvement du potentiel humain — par ailleurs illustré ne l’oublions pas Jacques Durant-Dassier, précurseur de l’expression de psychothérapie relationnelle, dont le concept fut repris et fortifié par Jean-Michel Fourcade & Philippe Grauer au tournant du siècle.
Depuis la diffusion en France à partir du CDPH du message de la psychothérapie humaniste américaine, en passant par la fondation du SNPPsy (1981) puis de la FFdP (1995) puis par l’organisation des événements majeurs de l’AEPH (dont le 6ème congrès européen de Paris 1982, entièrement porté par JMF), des congrès EAP (Vienne, européen 1995, mondial 1996, européen 1997 (adoption du CEP), Rome 1998, etc., la fondation de l’AFFOP (1998), et de la FFraPIM (1998, congrès parisien de l’EAIP, Association européenne de psychothérapie intégrative dont JMF est élu président en 2003, dans les locaux du CIFP), la production du concept de psychothérapie relationnelle et son institutionnalisation au tournant du siècle, la participation à la Coordination psy (2004-2009), à laquelle succéda le GLPR (2010, suspendu en 2019), sans compter sa collaboration aux travaux du Laboratoire du changement social de Max Pagès à Paris VII, la mise en place d’un département de formation du CDPH (ISFP 1981), devenu FLDP (1991), puis NFL (2000), la créativité de l’auteur des Patients limites (sa thèse), fondateur de la psychanalyse intégrative (SFPI, 2011) et sa présence sur tous les fronts des « Nouvelles Thérapies » et de la psychanalyse, en font un leader et intellectuel éminent de la psychothérapie relationnelle et de l’idée intégrative auxquelles il était très attaché.
Président de l’AFFOP constamment renouvelé (exception faite d’une brève période intérimaire sous direction problématique), il conduisit cette organisation comportant parmi ses membres les deux (puis un seul) syndicats historiques, avec la ferme volonté de maintenir les principes fondateurs de l’organisation, à savoir le principe du « Cinquième critère » du SNPPsy, celui de la confirmation du praticien par ses pairs réunis en assemblée confraternelle, le refus corrélatif de toute dépréciation par dénivellement administratif de la profession de psychopraticien relationnel, au motif d’un système de méconnaissance prôné par les pouvoirs publics, et le principe fondateur de l’AEP que ses organismes nationaux regroupent exclusivement des organisations, réservant l’organisation des personnes aux syndicats et sociétés savantes.
Courageux, il avait osé prendre la responsabilité historique de protester quand, dans le cadre du GLPR, en qualité de Président de l’AFFOP, aux côté d’Alain Naissant, Président du Psy’G, et de Philippe Grauer, Président du SNPPsy, à la suite de longues réflexions communes sur la situation et le destin de la psychothérapie relationnelle dans sa réalité de terrain et ses institutions, il avait organisé la diffusion d’une sorte d’Appel des Trois, avertissant solennellement notre profession qu’insister pour entrer dans le cadre RNCP, réfractaire, de par la nature administrative des pouvoirs publics dans leur orientation politique actuelle, à la psychothérapie comme relationnelle, précieuse aux yeux des trois organisations, était dangereux.
Il s’agissait de prendre le risque d’expliquer et exposer aux regard de l’ensemble des responsables de notre profession, les termes d’un désaccord de fond en matière de ligne politique professionnelle, sur l’opportunité pour nos écoles d’accepter pour survivre (?) de se déguiser par pure logique administrative et financière en institutions sous-classées Bien-être (développement personnel, « savoir mieux vivre »), sous-évaluées bac+3, alors que, centrée sur le psychothérapique, leur domaine relève à titre exclusif du soin pris de soi en situation de souffrance, autre paradigme.
La circonstance de la disparition de Jean-Michel Fourcade, brouillée par l’épisode covid, requiert l’organisation à venir d’un événement en l’honneur de sa mémoire et de son combat — actuellement en préparation —, digne de son importance.
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