RELATION D’AIDE / COUNSELING
Psychothérapie douce. Par analogie avec la médecine du même nom. Lacan a inventé le mi-dit. La psychologie humaniste a inventé une mi-distance, celle afférente au terme counseling. C’est dans le jeu de cet entre-deux que le counseling s’est développé comme un des noyaux de la psychologie humaniste. À mi-distance entre développement personnel et psychothérapie. L’anachronisme consistant à utiliser une expression née en 2001 pour qualifier ce que les psychanalystes ont coutume de désigner en France par thérapie(1) de soutien, fait sauter aux yeux que la chose a largement précédé le nom. Car la relation d’aide et la psychothérapie rogerienne se fondent incontestablement sur la relation. Sur une relation anti autoritaire fondée sur la confiance dans la capacité de guérison (healing), d’auto réparation et reprise de croissance d’une personne qui n’est pas un patient (médecine) mais un consultant, sujet souverain s’adressant à un professionnel du dépannage psychique comme on s’adresse à un avocat en qualité de client. Le patient est dépendant d’un détenteur du savoir sur lui, médecin, médecin-psychanalyste, psychologue, tandis que le client est « roi », c’est lui qui va libérer sa créativité (influence d’Otto Rank) grâce à l’aide d’un professionnel centré sur lui et non sur son savoir ou sur lui-même (problématique démédicalisante).
On a également utilisé à cette occasion l’expression de psychothérapie pour normaux, à mi distance entre la psychothérapie et le développement personnel. Le counseling (avec deux L en Europe) s’occupe des problèmes (mêmes « petits ») de la vie quotidienne des gens ordinaires [Vogel, D.L., Wade, N.G., & Hackler, A.H. (2007). « Perceived public stigma and the willingness to seek counseling: The mediating roles of self-stigma and attitudes towards counseling. » Journal of Counseling Psychology, 54, 40–50. In simpler terms what needs to be known is that one doesn’t have to have a mental disorder to seek counseling therapy, is built for people with even the smallest of problems. In http://en.wikipedia.org/wiki/Counseling_psychology]. Par là on côtoie l’idée de thérapie populaire, en tout cas de thérapie ordinaire pour des gens ordinaires, de ce que nous désignons actuellement comme une profession de santé ni médicale ni psychologique(2).
Ce qui finirait par devenir en 1961, vingt ans plus tard, à l’instigation d’Abraham Maslow appuyé entre autres par Carl Rogers, la psychologie humaniste, était en train de naître. Ce charivari allait bouleverser le paysage psy dominant alors aux États-Unis. L’axe linéaire : psychiatrie-psychanalyse (médicalisée normatrice du bonheur américain) / behaviorisme, allait accoucher d’un triangle, dont la pointe, Troisième force s’appellerait de façon longtemps ambigüe, psychologie humaniste, mêlant selon l’occasion et les secteurs concernés les deux vocables de counseling et de psychothérapie. Ce moment n’alla pas sans laisser de traces, dont une certaine confusion d’appellations et de genres, indifférente aux contemporains pourvu que chacun puisse exercer selon ses convictions éthiques, méthodologiques et scientifiques.
Un article Wiki en ligne intitule l’un de ses §§ :
« Counseling relationship
Main article: Therapeutic relationship
The relationship between a counselor and client is the feelings and attitudes that a client and therapist have towards one another, and the manner in which those feelings and attitudes are expressed.[20][21] The relationship may be thought of in three parts: transference/countertransference, working alliance, and the real- or personal-relationship.[22] »
La note renvoie à :
Gelso, C.J. and Hayes, J.A. (1998). The Psychotherapy Relationship: Theory, Research and Practice. (p. 22–46): John Wiley & Sons: New York.
Vous avez bien lu. Difficile d’être plus clairement confus.
Si, peut-être, sur le site rogerien officeil PCAI France (PCAII, Fondateurs, Carl Rogers, Ph. D. (1902-1987), Charles Devonshire, Ph. D. (1928-1999), Alberto Zucconi, Ph. D) que dirige notre estimée consœur Olga Kaufman où l’on peut lire (en date du 25 janvier 2014)
« COUNSELING ET PSYCHOTHÉRAPIE
L’objet d’une formation au counseling est de développer chez le participant ses qualités d’écoute et d’accompagnement. Sur ce point il n’y a pas de différence avec la psychothérapie [c’est nous qui soulignons]
Le redoublement du etc. valant son pesant de Couseling Relish. Tout ceci fait du counseling un objet intermédiaire étrange.
Encore qu’en introduisant le concept de
dans le § qui suit l’auteur nous fournit une piste. Facilitation, accompagnement, écoute, autant de mots-clés qui désignent le cœur théorique et méthodologique d’une pratique qui s’étend en effet à de nombreux domaines extra psychologiques et se décline selon leur modalité propre. On avoisinerait alors de ce que nous avons appelé parathérapie pour désigner le co-counseling, aussi par nous dénommé à l’époque (années 70) Soutien mutuel thérapeutique, forme de psychothérapie populaire autogérée mais en fait pas tant que ça, « autogérée » autoritaire, dans le cadre d’une institution fortement hiérarchisée d’après un modèle proche de celui des Alcooliques anonymes révisé mao, cherchant pour maintenir un certain dogmatisme non exempt d’esprit sectaire à se tenir à distance institutionnellement et méthodologiquement des autres formes de psychologie humaniste. Cf. Harvey Jackins. Donc une variété exotique un peu à part, mais l’idée de parathérapie tient, et si la Reevaluation Co-Counseling s’est appelée ainsi ça n’est pas tout à fait par hasard.
Reprenons. Toujours dans le même article on relève une candidature à remplacer le terme de psychothérapeute alors mis en péril par la bataille des charlatans par l’anglo-saxon counselor (counsellor en Europe). Il s’agit de l’écho d’un conflit difficile à régler en Grande Bretagne au sein de l’UKCP, s’agissant de déterminer si les counsellors sont ou non des sous-psychothérapeutes. En se situant de la sorte l’auteur du site, dans le cadre de l’AEP et de l’institution du CEP, s’efforce de déborder par la bande les psychothérapeutes en danger. L’unification par le vocable de counsellor aurait en effet arrangé les choses en éteignant de fait le différent, qui repose bien sur une différence, même difficile à cerner :
« Il est et sera alors difficile de trouver un terme simple substitut du terme psychothérapeute. En Europe, c’est le terme anglo-saxon counselor qui a pris cette place. En France il n’y a pas d’accord unanime sur une dénomination substitut et, à défaut, le terme counseling pourrait être le terme choisi.
Le terme de «counseling» pourrait alors remplacer le terme dorénavant protégé. »
On ne saurait être, pour une fois, plus clair.
En fait en 1942 quand Rogers publie son livre éponyme la ligne de partage entre psychothérapie et counseling demeure floue. Dans certains états américains on ne peut pas pratiquer la psychothérapie si l’on n’est pas médecin ou psychologue. L’établissement de la psychothérapie comme profession clairement délimitée s’est effectué en plus d’un demi siècle, restant à déterminer si le processus est achevé. On pourrait vu sous cet angle aller jusqu’à considérer le counseling comme le symptôme du champ psy.
Deux dates à retenir
– vers 1900 naissance du counseling(3).
– 1942 – Carl Rogers, Counseling and Psychotherapy, Western Behavioral Sciences Institute [La relation d’aide et la psychothérapie, ESF éditeur, 1970 (17ème édition en 2011,) 235 p.-]. In Chronologie
Le geste de Rogers comporte une signification historique originaire qu’on ne saurait ignorer. Limpide, quand on peut lire sur le site du P.C.A.I.- France (école agréée Affop) :
« Carl Rogers a particulièrement aidé à la promotion du counseling à l’occasion d’un conflit qui a opposé des membres d’organismes de psychiatres aux psychologues. Les psychiatres américains voulaient empêcher les psychologues de pratiquer la psychothérapie. Carl Rogers suggéra de modifier le nom de l’activité de psychothérapeute en {« counselor » et permit ainsi aux praticiens de poursuivre leurs activités en désarmant l’opposition des psychiatres. Ces « counselors », professionnels de la relation d’aide, s’organisèrent en un large panel de disciplines qui n’étaient plus soumises au monde de la médecine ou de la psychologie. »}
Cela eut pour effet que la relation d’aide constitue actuellement de fait une zone d’intervention psychique nous disions plus haut à mi distance entre psychothérapie et développement personnel. Dans la mesure où la personne qui la sollicite vient se plaindre d’une souffrance on est déjà dans la relation psychothérapique. Dans la mesure ou le praticien a fait des études plus courtes et ne peut pas accompagner la personne plus loin qu’un certain seuil on est encore dans la relation d’aide. Si le praticien ne dépasse pas ses capacités il reste pertinent. S’il va au-delà, il passe du côté du charlatanisme, pratique d’une méthodologie qu’on ignore puisqu’on n’en détiens qu’une parcelle, au nom d’une science qu’on ne possède pas puisqu’on en reste à ses prémisses.
Cela nous conduit à définir et distinguer science, demi science, fausse science.
Nous laisserons provisoirement Catherine Tourette conclure (26 février 2008), avec un § tiré de son Que sais-je N° 31 33 (épuisé).
« Selon nous, le counseling est une forme de « psychologie situationniste » : c’est la situation qui est cause du symptôme et non l’inverse. En ce sens, le counseling, forme d’accompagnement psychologique et social, désigne une situation dans laquelle deux personnes entrent en relation, l’une faisant explicitement appel à l’autre en lui exprimant une demande aux fins de traiter, résoudre, assumer un ou des problèmes qui la concernent. De notre avis, l’expression « accompagnement psychologique » serait insuffisante dans la mesure où les champs d’application du counseling, auxquels nous consacrons tout un chapitre, désignent souvent des réalités sociales productrices à elles-seules chez les individus d’un ensemble de troubles ou de difficultés. »
Elle-même songe à une réédition remaniée, dans laquelle elle ferait place au… counseling motivationnel (ques aco ?). C’est dire que l’on n’en a jamais fini avec cet étrange objet des sciences humaines.
Bon travail de dégagement du concept : Les bases du counseling.
« Dans la culture anglo-saxonne, le terme de « counseling » est utilisé pour désigner un ensemble de pratiques aussi diverses que celles qui consistent à orienter, aider, informer, soutenir, traiter. H.B. et A.C. English définissent le counseling comme « une relation dans laquelle une personne tente d’aider une autre à comprendre et à résoudre des problèmes auxquels elle doit faire face. »[résolution de problème, un cas de figue mitoyen entre counseling et coaching. PHG]
Un thème, concernant la philosophie du counseling, prédomine dans toute la littérature anglo-saxonne : la croyance en la dignité et en la valeur de l’individu dans la reconnaissance de sa liberté à déterminer ses propres valeurs et objectifs et dans soin droit à poursuivre son style de vie.
L’individu a une valeur en soi en dehors de ce qu’il peut accomplir. Souvent il n’en a pas conscience et ignore son potentiel de développement, aussi le counseling vise-t-il à l’aider à développer sa singularité et à accentuer son individualité. Au-delà d’une philosophie qui, à première vue, pourrait se lire comme une forme d’individualisme sauvage, les grands textes du counseling font tous référence à la responsabilité de la personne vis-à-vis d’elle-même, d’autrui et de son environnement. L’individu n’est ni bon, ni mauvais par nature ou par hérédité. Il possède en lui un potentiel d’évolution et de changement. De la même manière, le counselor prend en compte le sens et les valeurs que le client attribue à la vie, à ses propres attitudes et comportements dans la mesure où un changement nécessité par l’environnement peut venir se heurter aux options philosophiques de la personne et et être en soi une cause de difficulté (ex : changement d’attitudes face au travail, à la famille, à la sexualité, à la mort, …). (1)
Selon Catherine Tourette-Turgis, » le principe de cohérence du counseling réside fondamentalement en ceci : beaucoup de situations de la vie sont causes à elles seules de souffrances psychologiques et sociales et nécessitent la conceptualisation et la mise à disposition de dispositifs de soutien auprès des publics concernés. »
Pour elle, « le counseling est une forme de « psychologie situationniste » : c’est la situation qui est cause du symptôme et non l’inverse. En ce sens, le counseling, forme d’accompagnement psychologique et social, désigne une situation dans laquelle deux personnes entrent en relation, l’une faisant explicitement appel à l’autre en lui exprimant une demande aux fins de traiter, résoudre, assumer un ou des problèmes qui la concernent. … l’expression « accompagnement psychologique » serait insuffisante dans la mesure où les champs d’application du counseling, … désignent souvent des réalités sociales productrices à elles-seules chez les individus d’un ensemble de troubles ou de difficultés. »(1)
Le counseling répond en ce sens aux besoins de personnes qui cherchent l’aide d’une personne pour résoudre, dans un temps relativement bref, des problèmes qui ne ressortissent pas forcément de leur propre pathologie. Ces problèmes peuvent en effet être liés aux contraintes ou à un contexte spécifique avec lequel elles doivent composer ou dans lequel elles doivent survivre et pour lesquels, la plupart du temps, la société ne les a pas préparées (ex: traumatisme de guerre, prévention du sida, chômage, …) ou n’assure pas les fonctions de soutien adéquates en temps réel.
– aux méthodes actives dans la relation d’aide
– à la croyance dans le potentiel d’un individu ou d’un groupe
– à la croyance au changement dans un délai bref
– à l’établissement d’une relation où l’empathie l’emporte sur l’autorité, où la réalité l’emporte sur le passé lointain
– à l’environnement comme facilitateur du changement et de l’évolution personnelle (groupe, travail dans les communautés).
Une variété intéressante : l’intervention limitée à un type de problème. Ici l’assuétude au jeu. Counseling centré sur le symptôme.
excellent article, centré sur la réalité états-unienne.
Counseling philosophie a remporté le prix de l’Innovation Jeunes Entrepreneurs de l’Année 2013. Intéressant à savoir. On mesure l’extensibilité du champ du concept.
(1) C Tourette-Turgis (1996). Le counseling. Ed. PUF, Coll. Que Sais-je ?, p. 25.-