RechercherRecherche AgendaAgenda

Newsletter

Revenir

14 février 2013

Bulletin de la société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse(Ed. Henri Roudier)

Newsletter

Chers amis
Voici quelques informations parisiennes
Bien à vous
Henri Roudier

Note Les membres de la Société souhaitant qu’on leur adresse un reçu pour leur cotisation
peuvent le demander à notre trésorier Didier Cromphout (didiercromphout@skynet.be)

Examen du projet de loi ouvrant le mariage aux personnes du même sexe.
Vous trouverez à la fin du bulletin, l’intervention d’Elisabeth Roudinesco à la Commission des lois du Sénat


Paris le jeudi 14 février 2013
de 21h à 23h Café Malongo, 50 rue Saint André des Arts, 75006 Paris

APM Cycle de conferences « De la guérison. Psychanalyse et vérité »

Alain DIDIER-WEIL
Abandonner un symptôme ou trouver un « sinthome ?

http://www.psychanalyse-medecine.org


Paris à l’ENS Rue d’Ulm
IHEP
Jeudi 21 février 2013 à 21h — salle Celan
Jeudi 28 mars 2013 à 21h — salle Cavaillès

René MAJOR
De la croyance et de la cruauté. Le cru et le cruel

L’économie de la dette sur laquelle repose l’économie capitaliste est aussi pour l’économie psychique une économie de la cruauté.
La « dette souveraine » maintient que tout sujet est endetté, envers l’État, envers Dieu, envers tout Autre dont il doit assurer la souveraineté, la domination, la cruauté. La peine liée à l’endettement a un sens économique de rachat sur un marché, sur un marché devenu mondial.
Si la cruauté (originaire) n’a pas de contraire, selon Nietzsche et Freud, et ne connaît que des intensités différentes, elle est régie par une économie paradoxale : « comment ne pas être cruel », selon les deux vecteurs qu’admet cette question. Celle de la fatalité (je ne peux qu’être cruel) ou celle de la révolte (comment faire pour ne pas être cruel — avec l’autre et avec moi-même ?).
Cette question de la cruauté vient se greffer sur celle que nous soulevions l’an dernier à partir de « la fausse monnaie » de Baudelaire : « comment croire et comment ne pas croire ? ». En la parole de l’autre par exemple. Question aussi paradoxale qui implique l’incrédulité dans la croyance, selon une Verleugnung freudienne qu’il convient de généraliser tout autant que le refoulement.

http://psychanalyse.ihep.fr/edition/IHEP/IHEP


Paris, EPHE
Cycle de conferences de
Jacques LE RIDER
L’Europe et le monde germanique (époque moderne et contemporaine)

1. Le censure pour ou contre la culture ? Redéfinitions du rôle de la censure de la fin du XIXe siècle à 1914.
2. Temps et récit.
Les lundis de 14h à 16h. INHA, salle EPHE.
Date de reprise : 18 février 2013.

Contact : lerider@ens.fr
http://www.ephe.sorbonne.fr/details/1874-le-rider-jacques-leurope-et-le-monde-germanique-epoque-moderne-et-contemporaine.html


Paris le 22 février 2013
à 21 h au CENTRE OCTAVE ET MAUD MANNONI
12, rue de Bourgogne 75007 – Paris
Espace analytique (A.F.P.R.F)

Suite des Conférences de
MOUSTAPHA SAFOUAN
Le désir de l’analyste et le sophisme de la formation des psychanalystes


Paris, le lundi 4 mars 2013
Ecole Nationale des Beaux-Arts, 14 rue Bonaparte 75272de 17h00 à 19h00, Amphi du Mûrier

PSYCHANALYSE, ART ET IMAGE V
Cycle de 5 conférences, sous la direction de Alain Vanier, Professeur des universités, Directeur du Centre de Recherches Psychanalyse, Médecine et Société (CRPMS – EA 3522) de l’Université Paris Diderot – Paris 7.

Conférence de Patrick TOSANI
avec Alain Vanier


EPHE Paris le Jeudi 7 mars 2013
9h00-17h00
Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM) – Salle Lombard, 96 bd Raspail, 75006 Paris

Femmes, féminismes et islams en France
Un colloque organisé par
Diletta Guidi et Carlotta Gracci, doctorantes GSRL-EPHE

Pour tous renseignements : http://www.ephe.sorbonne.fr/details/2674-femmes-feminismes-et-islams-en-france.html


Paris le 16 mars 2013. CRPMS (Paris 7 Diderot)
de 09h00 à 17h30
Amphi – 11 E Université Paris 7, Denis Diderot
(Halles aux Farines, rue F. Dolto, 75013, Paris, Métro RER, Bibliothèque François Mitterrand) Entrée Libre

L’anthropologie à l’épreuve du féminin :
Féminité et anthropologie psychanalytique

Colloque organisé par l’équipe de recherches (interne)
« Corps, pratiques sociales et anthropologie psychanalytique » du CRPMS (Centre de recherche psychanalyse, médecine et société),

Université Paris 7, Denis Diderot. Directeur d’Equipe interne : Pr. Paul-Laurent ASSOUN Directeur CRPMS : Pr. Alain VANIER

Pour tous renseignements : http://www.crpm.univ-paris-diderot.fr/spip.php?article424
ou Elizabeth Kaluaratchige : kaluara@voila.fr


Paris les 23 et 24 mars 2013
Faculté de Médecine – Amphi Binet 45 rue des Saints-Pères 75006 Paris

Espace analytique : Journées de printemps
L’hystérie dans l’air du temps

Comité d’organisation : André MICHELS, Marie PESENTI-IRRMANN, Claude-Noële PICKMANN, Gérard POMMIER, Guy SAPRIEL, Catherine VANIER, Alain VANIER

Renseignements : Espace analytique
Centre Octave et Maud Mannoni 12 rue de Bourgogne, 75007 Paris Tél. : 01 47 05 23 09 espace.analytique@wanadoo.fr www.espace-analytique.org
Programme http://www.espace-analytique.org/attachments/article/299/DépPrint2…pdf


Paris le 6 avril 2013
à l’ASIEM – 6, rue Albert Lapparent, 75007 Paris

Journée d’études de la SPF consacrée à
François PERRIER

Comité d’organisation : Marine ESPOSITO VEGLIANTE, Liliane GHERCHANOC, Suzanne GINESTET-DELBREIL, Yves LUGRIN, Jean SZPIRKO

MATINÉE Président de séance Patrick GUYOMARD
9h00 Accueil des participants
9h15 Marine ESPOSITO VEGLIANTE : La passion de l’analyse
10h00 Liliane GHERCHANOC : Amour, sublimation, création du féminin
11h00 Marcianne BLÉVIS : Être séduite par rien, l’Amatride
11h45 Jean SZPIRKO : Thanatol, l’appel à l’Autre

APRÈS-MIDI Présidente de séance Liliane GHERCHANOC
14h15 Dominique SIMONNEY Yves LUGRIN : Du traitement possible de la psychose
15h30 Table ronde : Irène DIAMANTIS Janine FILLOUX Suzanne GINESTET-DELBREIL Daniel KOREN : Filiation, formation et transmission
Conclusion Sylvie SESÉ-LÉGER


Liens Radio
Vous trouverez ci-dessous quelques liens vous permettant d’écouter en différé des émissions de radio auxquelles ont participé nos amis. La parution d’un ouvrage est l’occasion de ces émissions

France Culture 18.01.2013 – Les Nouveaux chemins de la connaissance
Roland GORI
A propos de l’ouvrage : Les nouvelles figures de l’imposture

http://www.franceculture.fr/personne-roland-gori

France Info 29.01.2013
Marie ALLIONE

A propos de l’ouvrage de Claude Allione & Marie Allione : Autisme. Donner la parole aux parents

http://www.franceinfo.fr/education-jeunesse/question-d-education/autisme-comment-mieux-scolariser-les-enfants-875115-2013-01-29


PARUTION (Brésil)
German Berrios e Roy Porter
Uma história da psiquiatria clínica – v. III
A origem e a história dos transtornos psiquiátricos
As neuroses e os transtornos de personalidade
(Escuta)

Este livro demonstra que historiadores e clínicos trabalhando juntos produzem boas pesquisas. Também mostra aos historiadores profissionais que há valor em investigar a história dos transtornos mentais e neuropsiquiátricos; e aos clínicos que seu conhecimento por familiaridade é essencial para produzir bons históricos clínicos. A ideia diretora do livro é abordar cada doença ou tópico desde uma perspectiva clínica (enfatizando observações originais, amostras clínicas e relatos biográficos) e uma perspectiva social (incluindo explicações construtivistas e contextuais).

A psicopatologia é, por meio destas páginas, enriquecida por uma multiplicidade de enfoques que não apenas relativizam historicamente suas categorias, mas, principalmente, abrem a reflexão psicopatológica para as transformações do devir humano.


Elisabeth Roudinesco
Sénat, le 13 février 2013
Commission des lois présidée par Jean-Pierre Sueur. Rapporteur : Jean-Pierre Michel
Examen du projet de loi ouvrant le mariage aux personnes du même sexe. A la suite du vote solennel à l’Assemblée nationale, le 12 février

Monsieur le président de la commission des lois, Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’avoir fait l’honneur de m’inviter à cette audition. J’ai déjà apporté mon témoignage le 12 novembre 2012 à l’Assemblée nationale et, depuis ce jour, les débats ont pris une ampleur étonnante et l’on a vu se déployer une grande violence, non pas tant contre les homosexuels eux-mêmes, que contre leur désir, déjà exprimé de longue date, d’entrer dans l’ordre familial.
Je suis favorable depuis longtemps à cette intégration et donc à la loi qui permettra aux homosexuels de se marier et d’adopter des enfants. Mais, comme j’ai eu l’occasion de le dire, je pense que le slogan du «mariage pour tous» ne convient pas : il ne reflète ni le combat des homosexuels, ni ce qui figure dans la loi. Il s’agit exclusivement, avec cette loi, de donner à des couples du même sexe le droit de se marier et il ne s’agit en aucune façon d’étendre le droit au mariage à toutes les personnes qui le souhaiteraient. Rappelons, une fois encore, que dans toutes les sociétés, les conditions requises pour l’union de deux personnes supposent plusieurs éléments : prohibition de l’inceste, ce qui implique que l’on exclue du mariage les personnes d’une même famille : le père et la fille, la mère et le fils, les soeurs et les frères et désormais, dans le monde occidental, les cousins. Sont exclues également, dans les sociétés démocratiques modernes, toutes les variantes de la polygamie. Dans des sociétés de droit, où les relations sexuelles entres personnes consentantes sont libérées de l’ancien carcan des mariages arrangés, où l’adultère n’est plus un délit, où le divorce est légalisé, il n’est plus possible de restaurer la polygamie qui suppose la possession de plusieurs femmes par un homme (ou, fait rarissime, de plusieurs hommes par une femme). On comprend aisément pourquoi ce modèle, encore en vigueur dans des sociétés théocratiques ou tribales, ne convient pas à ce qu’est devenue la famille dans les sociétés laïcs. On a vu le casse tête que cela a représenté avec l’intégration de Mayotte comme département français. Elle y est interdite désormais mais il a fallu tenir compte de l’existence des familles polygames fondées avant cette interdiction.
Ce qui veut dire que pour fonder une famille, il faut au moins un échange entre deux familles qui existent préalablement et une liberté de choix. Ce qui se traduit dans l’institution du mariage par le fait que deux personnes, même si elle sont volontaires, ne peuvent se marier que si elles ne le sont pas auparavant. Dans notre système, la famille ne peut être que composée d’un couple et de ses enfants ou recomposée, ce qui suppose toujours l’existence d’un couple. Pas de mariage pour tous donc. Et j’ajouterais que du point de vue de la filiation, le mariage n’est plus nécessaire, comme vous le savez, pour concrétiser légalement l’existence d’une famille : les enfants nés hors mariage ont le même statut que les autres, ce qui est une avancée pour le droit des enfants.
La vraie question est de savoir pourquoi, après avoir été exclus d’un ordre familial jugé d’ailleurs haïssable et qui a été si fortement contesté dans les années 1970, les homosexuels ont, vingt-cinq ans plus tard, manifesté un tel désir de normativité. La réponse est assez simple. Dés lors qu’une orientation sexuelle minoritaire est progressivement dépénalisée, et ce fut le cas en France à partir de 1981, elle se normalise au fil des années. Et c’est en vertu de cette transformation que les homosexuels ont cessé de refouler leur désir d’enfants. Ils ont voulu être comme tout le monde et lier, eux aussi,orientation sexuelle, vie amoureuse, vie conjugale et engendrement ou procréation : ils ont voulu «faire famille».
Cela s’est fait, au fil des années, pour une nouvelle génération d’homosexuels qui, finalement, est entrée en contradiction avec la génération précédente, laquelle ne souhaitait pas forcément entrer dans l’ordre procréatif et se contentait du PACS ou de la dépénalisation. A cela s’est ajouté un autre désir, lié à l’hécatombe du SIDA. Au désir de transmettre des biens, s’est ajouté le désir de transmettre la vie et d’avoir une descendance. La normalisation de cette orientation minoritaire a donc débouché sur le contraire de ce qu’on imaginait. Ruse de l’histoire. On pensait il y a 40 ans que la dépsychiatrisation de l’homosexualité permettrait aux homosexuels de rester des êtres à part, de pouvoir librement appartenir à la «race maudite» des Proust, des Rimbaud et des Wilde, à la catégorie des pervers fièrement revendiquée comme inassimilable, sans être regardés comme des malades mentaux atteints de je ne sais quelle «tare». Et voilà que l’on a assisté à tout le contraire, à une volonté de normalisation qui choque d’ailleurs certains homosexuels désireux de rester symboliquement les maudits de la civilisation. Personne d’ailleurs ne les en empêche mais je suis frappée de constater que les opposants à la loi sont en retard sur leur époque.
Eux qui refusaient autrefois la dépénalisation aux anciens pervers et autres invertis et sodomites, eux qui avaient refusé le PACS en craignant une apocalypse, sont favorables aujourd’hui à ce qu’ils condamnaient hier. Ils vantent désormais les mérites des homosexuels bien visibles, voire travestis ou transgressifs, déguisés, maquillés, revendiquant leur différence et ils lespréfèrent à ces nouveaux jeunes homosexuels, plus invisibles et plus anonymes, dont les revendications normatives leur paraissent dangereuses. Ils aiment la Cage aux folles pour mieux rejeter l’homosexuel tranquille qui n’a plus besoin d’afficher sa différence pour exister.
Mais enfin de quoi a-t-on peur? De l’apocalypse de la famille? Mais elle n’a jamais été aussi désirée. De la fin des familles normales? mais les normes ont changé et la famille idéalement normale est en voie de mutation depuis 50 ans. De la fin de la différence des sexes et de la marchandisation des corps par les différentes modalités de procréations médicales? Mais c’est une terreur irrationnelle. Rassurez vous, a-t-on envie de dire à ceux qui ont de telles craintes. Les homosexuels sont et resteront toujours minoritaires dans le monde, moins de 10% de la population mondiale, et les procréations médicales également, de même que les personnes infertiles, même si les naissances tardives, de plus en plus fréquentes en occident, favorisent la stérilité.
Sachez bien, a-t-on envie de leur dire, que l’humanité continuera pendant des siècles à se reproduire par les moyens les plus classiques : l’acte sexuel entre un homme et une femme, majoritaire dans le monde entier à hauteur de 90%. Nousn’assisterons pas dans les années à venir à une «homosexualisation» généralisée des sociétés ni à l’avènement d’une humanité barbare fondée sur l’abolition des lois de la nature et de la culture. Et si cela arrivait, ce ne serait pas àcause des homosexuels. Car cela est déjà arrivé au XXe siècle et avant et cela arrivera peut-être encore sous d’autres formes. La pulsion de destruction est inscrite au coeur de l’humanité et jusqu’à ce jour ce sont les minorités qui en on étés souvent les victimes. Et quand cela s’est produit, l’humanité a su lutter aussi contre cette part d’elle-même qui désirait sa propre mort.
Alors pourquoi avoir aussi peur? La peur est toujours engendrée par l’ignorance, elle est irrationnelle, irréductible, incurable. On a entendu des propos incroyables : risque de zoophilie, de pédophilie, de polygamie, d’inceste, terreur à l’idée de porter atteinte au bonheur de l’enfant ou à un droit de l’enfant à recevoir de bons parents. Mais depuis quand les bons parents se recrutent-ils exclusivement dans des familles dites normales, c’est-à-dire composées d’un homme et d’une femme? Qui a produit les criminels, qui a enfanté les assassins? Qui étaient les parents des tortionnaires, des bourreaux et des dictateurs?Toute la littérature est là pour nous prouver que les familles les plus normales en apparence ont engendré le crime ou la violence en même temps que l’amour, le courage et la beauté. Depuis le théâtre grec en passant par les tragédies de Shakespeare et par le roman du XIXe siècle – Hugo, Tolstoï, Flaubert – on n’a pas cessé de d’écrire de quoi était fait le terreau familial : du pire et du meilleur.
Je comprends fort bien que, pour des raisons politiques, le gouvernement ait écarté du débat et de la loi la question des procréations médicales et qu’il préfère, avant de légiférer, recueillir l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Et je comprends, en assistant aux débats houleux suscités par cette loi, qu’il ne veuille pas entendre parler, pour le moment, de la gestation pour autrui (GPA). Je suis frappée d’ailleurs par l’intensité de ces débats : à l’évidence, les opposants à cette loi se sentent troublés, sincèrement, au plus profond d’eux-mêmes, comme si cette loi venait abolir selon eux des pans entiers de leur histoire ou de leurs traditions. Impressionnant.
Mais cela n’empêche pas la science d’évoluer et d’avoir une histoire. Et cela n’empêche pas que l’on puisse en parler en attendant que la question refasse surface en politique. Ce qui ne saurait tarder.
Car de même qu’il était évident que la loi sur PACS ouvrait au mariage, malgré les dénégations, il est évident que plus on accorde de droits aux homosexuels et plus on sera contraint d’aborder la question des nouvelles formes de procréation. Non pas seulement pour les homosexuels mais pour toutes les personnes qui ne peuvent pas avoir d’enfants par d’autres moyens, c’est-à-dire, je le répète, pour une infime minorité de personnes.
On n’a jamais vu en effet dans l’histoire des hommes qu’un progrès de la science ne soit pas utilisé. Les avancées dans le domaine de la biologie reproductive sont évidentes et il faudra bien un jour les encadrer par la loi afin de pouvoir énoncer ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Aujourd’hui, il est possible à des femmes infertiles ou nées sans utérus d’avoir recours à la gestation pour autrui plutôt qu’à l’adoption rendue de plus en plus difficile. Et l’on sait, par ailleurs, que jamais on ne parvient à éradiquer le désir d’enfant chez une être humain : ce désir est une pulsion et quand l’être humain y renonce, c’est pour la sublimer et pour accomplir un autre acte de création : une oeuvre artistique, un engagement politique ou mystique, etc….
En conséquence, si la science fournit de quoi satisfaire cette pulsion, on ne pourra pas empêcher les êtres humains d’y avoir recours. Et plutôt que de tout interdire, il faut maitriser, grâce à des lois, les dérives potentielles induites par le progrès des sciences. La gestation pour autrui révulse ceux qui ne voient en elle que ce qu’on leur a dit ou montré : des femmes ukrainiennes ou indiennes, d’autres encore venues d’une autre monde et traitées comme des esclaves et leurs corps comme des choses.
Mais si l’on ne voit que cet aspect de la GPA, on oublie alors que le don existe et qu’il est l’un des moteurs de la société humaine, une offrande sans contre-partie apparente. Que des femmes aient envie d’en aider d’autres comme autrefois chez les peuples premiers des femmes portaient des enfants pour d’autres femmes, rien de plus naturel et rien de plus culturel. Et même si une rémunération existe, cela n’empêche pas le don. D’où la nécessité d’un rite, c’est-à-dire d’une réglementation, d’un choix organisé permettant à des familles de se rencontrer, à des femmes de se détacher de l’enfant qu’elles portent parce qu’elles en ont eu d’autres avant et qu’elles souhaitent sauver des existences. En se plaçant du point de vue du don, pratique ancestrale dans toutes les sociétés, pratique généreuse à laquelle devraient songer tous ceux qui protestent contre la marchandisation des corps, on peut envisager qu’elle puisse s’inscrire dans ce qu’est devenue en occident la famille nucléaire. Pourquoi pas? Et cela ne dérogerait pas à ce principe fondamental de toutes les sociétés qui est que pour faire une famille il en faut une autre. Et du même coup, pourquoi ne pas penser aussi à la possibilité de répondre à des demandes de couples homosexuels qui, de plus en plus, tenteront de fonder des familles en utilisant les moyens de la science.
Pourquoi avoir peur? Ces techniques ne sont rien d’autre que la continuation de l’adoption par d’autres moyens. A ceci près que l’enfant n’est pas abandonné pour être ensuite recueilli par une autre famille salvatrice mais qu’au contraire il est désiré, ce qui est différent…
Je voudrais terminer avec une réflexion sur l’usage contemporain de la psychanalyse. Peu aptes à penser leur époque comme l’avaient fait Freud, les psychanalystes – malgré quelques belles initiatives qu’il faut saluer – se sont mis en position d’experts de la famille pour s’opposer à la loi. Ils se sont emparé du sacro-saint complexe d’Oedipe pour expliquer qu’un enfant avait besoin, pour exister, de deux références, l’une masculine, l’autre féminine. On a parlé de père séparateur et de mère fusionnelle en oubliant que la signification première de la référence de Freud à la tragédie d’Oedipe est l’idée que le sujet est conduit par un destin qui lui échappe : l’inconscient.
En aucun cas, cela ne signifie qu’un enfant aurait absolument besoin de la différence des sexes dans le couple parental pour devenir un sujet à part entière. Cette proposition est devenu le slogan d’une psychologie des bonnes moeurs au service d’une police des familles. Et de même, certains ont affirmé que l’homosexualité ne concernait pas la psychanalyse puisque du point de vue clinique elle n’existerait pas et ne serait que la traduction, dans la réalité, d’une bisexualité commune à tous les êtres humains : peu importerait donc aux yeux de ces praticiens la question de l’acte sexuel réel puisque nous serions tous «freudiennement» et «cliniquement» des homosexuels. En écoutant de tels discours, on se dit que les psychanalystes sont parfois les meilleurs ennemis de leur discipline.
S’agissant de Jacques Lacan, combien de déclarations extravagantes ? J’ai ainsi entendu un débat entre un rabbin et un philosophe, tous deux se réclamant de la trilogie lacanienne du symbolique, de l’imaginaire et du réel – selon laquelle chaque sujet est soumis à la loi du langage, à des représentations fantasmatiques et à une réalité impossible àsymboliser – pour affirmer, l’un son opposition radicale au mariage homosexuel, l’autre son adhésion. Il y a là une manière comique d’utiliser une théorie et de plaquer des concepts sur une réalité pour leur faire dire n’importe quoi. Autrement dit, je récuse l’idée que l’on puisse se servir d’une discipline – quelle qu’elle soit – comme d’une grille d’expertise. La meilleure façon d’hériter d’une doctrine, c’est non pas de lui être fidèle comme à un texte sacré, mais de lui être infidèle, c’est-à-dire de faire travailler saconceptualité, de la penser, de la modifier, d’en retracer l’histoire.
Ni Freud, ni Lacan, ni aucun autre théoricien de la psychanalyse n’avait songé à cette nouvelle configuration de la famille qui est la nôtre aujourd’hui pour la bonne raison qu’elle ne se posait pas à leur époque, alors même que la question des relations de parenté a toujours été au coeur de la doctrine psychanalytique, tant du point de vue clinique que du point de vue historique. Freud fut le théoricien d’une certaine époque de la famille occidentale marquée par la déclin de l’omnipotence patriarcale et par la montée en puissance de l’émancipation des femmes et du droit des enfants, qui accédaient au statut de sujet à part entière. En fondant sa conception de la famille oedipienne surl’idée que la mère est le premier objet d’amour et que cela se répète ultérieurement dans des choix d’objets, en montrant que le sujet est habité par une conscience coupable et par un désir de meurtre du père, Freud théorisait la famille moderne nucléaire et non plus élargie comme avait été la sienne. Son objet c’était la famille traversée par les névroses, une famille déstabilisée, déconstruite, fragilisée, celle des débuts de l’ère démocratique et libérale. D’où la référence à Oedipe d’un côté, tragédie du destin, et à Hamlet de l’autre, conscience coupable, héros incapable de venger son père. Sa conception de l’homosexualité était émancipatrice : il était favorable à la dépénalisation et ne regardait pas les homosexuels comme des malades ou des anormaux mais comme des sujets à part entière.
Quant à Lacan, dés 1938, il théorisait bien autre chose, une époque de la famillemarquée d’abord par la Première guerre mondiale qui fut l’hécatombe des hommes – fils et pères – et l’avènement des femmes devant faire face à la mort en assumant des responsabilités civiles qui les conduisirent à une véritable émancipation, puis au droit de vote. Il théorisait ainsi autre chose que Freud, une fois acquise l’idée du déclin de la figure du père : l’avènement du fascisme d’un côté, qui prétendait revaloriser de façon grotesque la figure archaïque d’un père viril, le communisme de l’autre, qui prônait l’utopie généreuse de l’abolition de la famille. Et puis, après Auschwitz, c’est-à-dire après une guerre qui avait eu pour objectif final l’extermination d’une humanité jugée inférieure – homme, femme, enfant -, Lacan prit pour référence de sa conception de la clinique et de la famille, non pas Oedipe, non pas les névroses familiales, mais Antigone, figure de l’absolutisation du désir, celle qui refusait de procréer, qui refusait d’être mère et épouse et qui se sacrifiait au nom du passé afin de donner une sépulture à son frère mort.
Autrement dit, la conception lacanienne de la famille était très différente de celle de Freud, ce qui montre au passage que les guerres, les hécatombes et les massacres sont une des modalités essentielles de la transformation d’un ordre familial : on désire d’autant plus que les vivants se souviennent des morts que ces morts ont perdu la vie trop tôt en regard de ce qu’aurait pu être une mort naturelle.
Homme du XXé siècle, Lacan voyait dans la famille tout à la fois le seul creuset possible de la société mais aussi, et beaucoup plus que Freud, le lieu de toutes les turpitudes et de toutes les déviances possibles : une norme nécessaire mais aussi le lieu d’émergence des anormalités.
Je tiens à dire pour ma part qu’après avoir écrit un livre sur la famille et étudié les différentes modalités de procréation, et surtout après avoir lu un nombre impressionnant de ces fameuses expertises socio-psychologiques qui montrent que les enfants d’homosexuels ne sont pas différents des autres enfants, à niveau égal de milieu social et intellectuel – des milieux aisés en général – j’en ai conclu qu’il ne fallait pas expertiser la condition humaine. On peut évaluer l’efficacité d’un traitement médical, on peut expertiser la solidité d’un pont, on peut et on doit, dans le domaine des sciences, appliquer un principe de précaution, on peut et on doit se livrer à des expérimentations.
Mais, fût-ce pour la bonne cause et fût-ce pour prouver ce que l’on sait déjà – que les enfants d’homosexuels ne sont pas plus perturbés que les autres – on ne devrait pas prendre l’existence humaine comme objet d’expertise. Et de même pour les enfants nés de procréations médicales. Seule la loi – c’est-à-dire la définition par le droit de ce qui est autorisé et de ce qui est interdit sous peine de sanction – est une avancée de la civilisation sur la barbarie. C’est ce que pensait Freud en 1930 et c’est ce que ne pensent plus une majorité de ses héritiers, hélas.
On ne peut pas éternellement interdire ce qui relève de la science car alors les dérives seraient plus terribles encore que ce qu’on voit aujourd’hui. Soyons humains, généreux et rationnels et posons nous de vrais problème éthiques àpartir d’une réalité qui ne doit en aucun cas susciter des terreurs mais des solutions rationnelles. Sachons aussi qu’aucune doctrine, aucune expertise ne saurait donner aux humains imparfaits que nous sommes la solution miracle pour fabriquer des familles parfaites capables d’engendrer des êtres parfaits et sans la moindre défaillance.