mots-clés : autisme packing, Delion, Vaincre l’autisme, TED/TSA, automutilation, humanisme.
Rien ne vaut l’exposé de la situation par le protagoniste lui-même. Ce qui inquiète dans ce débat c’est l’incroyable diligence lobbyiste déployée. Les questions d’importance scientifique où et comment se débattent-elles ? quelles nouvelles formes de pouvoir se font jour, quels nouveaux « maîtres du monde » viennent occuper la scène, y compris la scène psy ? il n’existe pas qu’une association de parents d’autistes, que font et disent les autres ?
Et qu’est-ce que ce fantasme devenu militant de torture autour d’un enveloppement humide accompagné d’une enveloppe de présence et de parole contenantes, auprès de personnes torturées, elles, par l’absence ou la grande carence d’une limite psychocorporelle suffisante ?
Il est vrai que certains discours psychanalytiques furent à côté de la plaque. Il semble qu’à idiot idiot et demi, le sectarisme comportementaliste ne vaut guère mieux que certaines lacaneries de bas étage. Passons aux choses sérieuses, soutenons pour commencer le professeur Delion. Avez-vous signé la pétition en sa faveur ?
PHG
http://www.autismeuneapprocheplurielle.org/phpPetitions/index.php?petition=3
L’avez-vous signé ?
Janvier 2012
Par Pierre Delion
_ professeur à la faculté de médecine de Lille 2, chef du service de pédopsychiatrie au CHRU de Lille.
L’ampleur de la polémique autour du packing enfle chaque jour et les informations qui circulent à son propos sont tellement erronées et outrancières que je me résous à rédiger cette mise au point. Je ne peux évidemment répondre que des pratiques conformes à ce que j’enseigne depuis de très nombreuses années, et je n’ignore pas que, par ailleurs, des entreprises douteuses peuvent être incriminées car elles dérogeraient à la pratique et à l’éthique médicale. De plus, le packing ne concerne que quelques enfants porteurs de TED/TSA lorsqu’ils présentent des signes graves voire gravissimes de troubles du comportement, pour lesquels une indication précise doit être posée et une formation de l’équipe réalisée dans de bonnes conditions.
Lorsque j’ai pratiqué les premiers packings avec des enfants autistes dans les années 1985, il s’agissait pour moi, en tant que pédopsychiatre hospitalier sectorisé, de trouver une solution de traitement pour des symptômes extrêmement préoccupants que présentaient quelques enfants avec Troubles envahissants du développement/Troubles du spectre autistique, notamment des automutilations pour lesquelles les soignants n’avaient aucun autre recours (une des premières enfants concernées s’était automutilée l’œil avec son ongle, et son symptôme automutilatoire a cédé en quelques semaines de packing). Les bons résultats de cette méthode, utilisée par mes prédécesseurs pour traiter la dissociation schizophrénique des adultes, m’ont conduit à en formaliser la pratique sous la forme d’écrits de cas cliniques parus dans diverses revues et livres. J’insistais déjà à l’époque sur le fait que la technique du packing permet de traiter l’automutilation et d’autres symptômes graves du comportement, mais ne guérit pas l’autisme.
Lorsque les possibilités de conduire des recherches dans le cadre de Programmes hospitaliers de recherche clinique ont été créées (1992), j’ai présenté des projets en ce sens au CHU d’Angers, mais sans succès. Entre-temps la pratique du packing avait rencontré un vif succès auprès de nombreuses équipes de pédopsychiatrie qui constataient que cette technique ouvrait une possibilité de traiter les symptômes graves des enfants TED/TSA déjà évoqués. Peu après ma nomination à la faculté de médecine et à la chefferie de service au CHRU de Lille, nous avons, avec l’aide de Jean Louis Goeb, construit un nouveau projet et l’avons déposé auprès des services concernés.
En 2008, un PHRC National a enfin été accepté (PHRC 2007/1918, No Eudra CT : 2007-A01376-47) et le ministère de la Santé a financé notre projet de recherche visant à mettre en évidence « l’efficacité thérapeutique du packing sur les symptômes de troubles graves du comportement, notamment les automutilations, des enfants porteurs de TED/TSA ». Je rappelle que les PHRC reçoivent obligatoirement un avis favorable du Comité de protection des personnes du CHRU à l’origine du projet de recherche pour être validés.
Actuellement, après trois ans de travail avec l’aide de Céline Lallié (psychologue PHRC) et de Maud Ravary (psychomotricienne PHRC), nous sommes toujours en phase d’inclusion des enfants dans cette recherche dans la mesure où un certain nombre d’actions ont été conduites par ses détracteurs pour en empêcher la réalisation de la recherche, ce qui nous a obligé à demander une prolongation de deux ans de l’étude, ce qui a été accordé, mais sans obtenir pour autant de financement supplémentaire.
Les conditions de réalisation de cette étude, ainsi que la pratique du packing de façon plus large, restent problématiques pour les raisons que je vais tenter de résumer comme suit.
Le président d’une association de parents d’enfants autistes (d’abord Léa pour Samy puis désormais Vaincre l’autisme) décide de faire interdire la pratique du packing, la jugeant contraire à ses idées d’éthique et de recherche en matière d’autisme. Il élabore une stratégie utilisant la dissuasion et la menace auprès des praticiens de terrain et le lobbying auprès des scientifiques et des politiques pour arriver à ses fins. Il commence par organiser diverses manifestations spectaculaires pour attirer l’attention des médias et, lors de la journée mondiale de l’autisme (2009), sa prestation sur le pont des Arts et au ministère de la Santé à Paris lui permet d’être reçu par les plus hautes autorités de la Santé auxquelles il demande un moratoire sur ces pratiques en France.
Sensibilisée à la question de l’autisme, Valérie Létard, alors secrétaire d’État à la Solidarité, se fait l’écho exact de ces revendications, en soutenant de façon officielle les positions de cette association, ce qui aura des effets durables auprès de l’ensemble du secteur médicosocial dans lequel elle est très implantée. Heureusement, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, plutôt que de céder à ces demandes tendancieuses, demande le 30 juin 2009 un avis au Haut conseil de la Santé publique. Cette instance reconnue rend le 2 Février 2010 un avis favorable à la pratique du packing, à la condition de suivre la méthode telle qu’elle est stipulée dans le PHRC déjà évoqué. J’ajoute que les risques psychologiques évoqués par le rapport et mis en avant par le président de l’association Vaincre l’autisme pour disqualifier la pratique du packing, font partie des précautions que j’ai moi-même transmises au Haut conseil afin d’éviter d’utiliser cette technique sans la garantie d’une supervision. Le président de l’association en question, surpris et scandalisé de l’avis du Haut conseil, décide de poursuivre la mission qu’il s’est fixée. Il arrive par l’intermédiaire de scientifiques appartenant ou ayant appartenu au conseil scientifique de son association, à organiser, lors d’un congrès international (Catane 2010), une réunion rassemblant plusieurs grands scientifiques, reconnus sur le plan international pour leurs travaux en matière d’autisme, et que je respecte à ce titre, qui signent une lettre (ce qui n’équivaut pas, loin s’en faut à un article scientifique) qui paraîtra dans le JAACAP (Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry) en février 2011, intitulée « Against the packing ». À noter que dans la liste de ces grands scientifiques, plusieurs ne sont pas précisément en position d’experts et/ou de médecins chargés de soigner les troubles graves du comportement (Pr. Bourgeron généticien, Pr. Rizolatti neuroscientifique des neurones miroirs…). À noter également que la réponse (en France on parle de « droit de réponse ») que j’avais proposée à cette prestigieuse revue (« Again the packing ») n’a pas été publiée, montrant à l’évidence que le débat intellectuel et scientifique n’était pas à l’ordre du jour. À noter enfin que les dits grands scientifiques, lorsqu’ils seront confrontés à la publication des résultats de la recherche actuelle sur l’efficacité du packing, à condition que les résultats soient positifs, regretteront sans doute de s’être laissés embarquer dans cette aventure peu scientifique. En effet, ils savent bien qu’avant de pouvoir démontrer quelque vérité scientifique que ce soit, le chercheur émet des hypothèses abductives (j’ai l’intuition que) puis conduit ses recherches pour tenter de démontrer de façon déductive et inductive les hypothèses émises. S’il n’y avait pas d’abord des intuitions basées sur la clinique, aucune découverte n’aurait pu être faite en médecine, ni a fortiori démontrées dans le cadre de l’Evidence Based Medicine.
Ensuite, lors d’une récente réunion à Glasgow, en mars 2011, le Professeur Gillberg, un des auteurs de la lettre citée précédemment, lance, à l’initiative de Vaincre l’autisme dont il préside le comité scientifique, un manifeste déclarant le packing contraire à la déontologie. Non content de ces manifestations plus idéologiques que scientifiques (le président de l’association déclare dans les lettres de mise en demeure qu’il adresse aux directeurs du CHRU de Lille et de Pitiè-Salpêtrière/Paris, que les signataires de ces manifestes ne connaissaient pas le packing ! et je me permets de douter de la qualité de l’information « loyale » qu’ils ont dû recevoir à ce propos), une association proche intervient auprès d’une autre revue internationale, le Journal of physiology-Paris, pour faire retirer un article modeste que j’y avais fait paraître, intitulé « Towards a dialogue between psychoanalysis and neurosciences/vol 105, issues 4-6, december 2011, p.220-222 » exposant ma position de pédopsychiatre intégratif, et dans lequel j’ai eu le malheur de mettre le mot « packing » dans les mots-clés. Est-ce que cet article, maintenu malgré les pressions pesant sur la rédaction, présentant succinctement le packing, les articles scientifiques sur lesquels sa pratique repose et la recherche en cours actuellement à Lille pourrait amener des lecteurs à s’étonner qu’on veuille faire taire une pratique qui finalement peut répondre à des questions que se posent un certain nombre de cliniciens aux prises avec l’automutilation ? Voilà de quoi réfléchir sur l’importance que ce mouvement accorde au débat scientifique dont il ne cesse de se prévaloir ! Plus loin encore, le président de cette association a récemment écrit à mon directeur du CHRU de Lille, ainsi qu’à celui de mon confrère le Professeur David Cohen, pédopsychiatre à la Pitié-Salpêtrière pour les mettre en demeure de répondre à des questions qu’il pose sur l’utilisation des fonds publics et autres critiques faites à l’exercice de la pédopsychiatrie publique dans les cadres hospitalier et universitaire (la pratique du packing serait une manière de détourner l’argent du contribuable). Les doubles de ses lettres adressées aux partenaires de ma pratique ordinaire (par exemple le Conseil Régional, la Mairie de Lille…) tendent à jeter un discrédit sur mes actions et recherches, et ainsi, par rebonds successifs, à empêcher la réalisation du PHRC incriminé et à me déconsidérer aux yeux des personnes avec lesquelles je suis en contact permanent pour effectuer mes missions de service public. Je rappelle que la pratique du packing représente une infime partie de mon travail de professeur à la faculté de médecine de Lille 2 et de chef du service de pédopsychiatrie du CHRU de Lille.
Enfin, une lettre signée de Martine Aubry lorsqu’elle était candidate à la primaire socialiste, fait état de sa décision de supprimer la packing si elle était élue à la présidence de la République dès 2012. Après information auprès de l’intéressée, il apparaît que l’insertion de la mention concernant l’interdiction du packing a été introduite sans qu’elle soit au courant ; une lettre de démenti de sa part, dans laquelle elle rappelle à juste titre qu’un politique n’a pas à prendre partie dans le soin. Sa lettre est désormais disponible pour les personnes intéressées sur le site de Michel Balat.
Toutes ces informations tronquées produites par le président de cette association, ne retenant que les arguments qui arrangent la défense de sa cause, confinent au harcèlement professionnel et à la diffamation, et on peut s’interroger, à la lumière de telles méthodes, sur le but poursuivi quand il tente d’écarter toute réflexion n’appartenant pas aux courants qu’il juge lui-même importants, et notamment, en simplifiant les problématiques complexes telles que les prises en charge des enfants TED/TSA qu’il connaît de façon partielle.
Je remarque à ce propos que ma position de responsable d’un service de pédopsychiatrie me met au contact avec les enfants qui présentent les problématiques les plus graves et dont l’état de santé nécessite, en plus des approches éducatives et pédagogiques, une approche sanitaire quelquefois importante en temps et en espaces thérapeutiques proposés, ce qui justifie le recours aux hôpitaux de jour en pédopsychiatrie. Il ne s’agit pas pour moi de minimiser les souffrances de ces enfants et adultes porteurs de TED/TSA ni celles de leurs parents avec lesquels j’ai cheminé depuis près de quarante années. J’ai la plupart du temps noué des relations très positives avec eux et je note d’ailleurs que les rumeurs, disqualifiantes à mon endroit, qui circulent sur les forums ne sont écrites que par des personnes que je ne connais pas et qui ne me connaissent pas personnellement. Par contre, il s’agit manifestement d’une entreprise concertée, menée de façon méthodique, pour déstabiliser les « adversaires » qui ne pensent pas conformément à leur point de vue, et prêts à aller jusqu’au bout de leur intransigeance.
Pour ma part, j’ai tenté depuis de nombreuses années de proposer et de réaliser des actions au niveau de ma pratique, de mes recherches et de mes enseignements universitaires qui visent à intégrer les différentes données en présence, aussi bien sur les plans scientifiques et de recherche que sur celui de la qualité de la relation humaine, dans laquelle l’approche psychanalytique nous apporte, parmi beaucoup d’autres approches qu’il s’agit d’intégrer au service des enfants autistes, une précieuse contribution. Actuellement dans mon service du CHRU de Lille, les enfants porteurs de pathologies TED/TSA sont pris en charge de manière intégrative en appui sur le trépied « éducatif toujours, pédagogique si possible et thérapeutique si nécessaire » et sous l’égide des parents. Tous ceux qui aujourd’hui colportent le contraire se livrent à de lâches calomnies (il est tellement facile de répandre ces rumeurs sur le « net » en sachant que l’on n’aura pas à en répondre en conscience, les yeux dans les yeux, devant quelqu’un que l’on connaît personnellement). Des parents dont j’ai soigné les enfants sont en train de préparer des témoignages qui viendront s’ajouter aux quelques deux mille messages de soutien recueillis sur le site de Michel Balat à la suite de ma lettre ouverte aux parents et aux professionnels d’enfants autistes. Au niveau du Centre Ressources Autismes du Nord Pas de Calais dont mon équipe CHRU est partenaire puisqu’elle assume la responsabilité de l’Unité d’Évaluation Diagnostique, notre politique suit la même logique intégrative et essaye de développer cette philosophie de travail auprès de tous les collègues de notre région. Au niveau de la faculté de médecine, mon enseignement va également dans ce sens, tendant à conjuguer de façon ouverte et apaisée, les articulations entre neurosciences et psychopathologie au service des patients présentant des pathologies pédopsychiatriques, dont les TED/TSA font partie, ainsi que beaucoup d’autres pathologies du développement. Notre équipe de recherche n’a pas à rougir des nombreux résultats obtenus dans ces domaines (interactions fœto-maternelles en imagerie cérébrale fonctionnelle, hallucinations chez l’enfant, carences affectives précoces des bébés…). Enfin, les pratiques et les réflexions engagées pour permettre aux disciplines pédopsychiatriques et neuropédiatriques de collaborer autour des problématiques complexes (THADA, TED/TSA, épilepsies, déficiences,…), par exemple en organisant des consultations conjointes, afin de rendre les meilleurs services aux enfants et à leurs parents, sont issues de la nécessité d’articuler aujourd’hui les approches neuroscientifiques et psychopathologiques.
Nos détracteurs peuvent continuer à faire comme si nous étions d’un autre âge, d’une autre planète, d’une autre complexion, disqualifiant en passant beaucoup d’acteurs majeurs de notre santé publique, et notamment les nombreuses équipes de pédopsychiatrie qui se préoccupent, quoiqu’on en dise, des enfants porteurs de TED/TSA. Cela facilite sans doute l’accumulation d’arguments aussi fallacieux que simplificateurs, caricaturant une pratique dans laquelle je ne me reconnais absolument pas, ni mon équipe hospitalo-universitaire.
En revanche, j’assume ce que nous sommes vraiment, des praticiens enseignants chercheurs nourris de l’humanisme de nos pères, engagés dans le soulagement des souffrances des enfants et de leurs parents et déterminés à faire cesser cette entreprise, aussi insensée que cruelle, de désinformation générale de nos concitoyens, dont les conséquences rejaillissent sur les enfants concernés et sur leurs parents et sur ceux qui les aident au quotidien.
Qu’on prétende faire la guerre à l’autisme, soit !, encore faut-il ne pas se tromper d’ennemis.
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-* L’autisme au cœur de l’humain. Approche psychanalytique [Octobre 2010]
-* Autisme — halte à la désinformation ! [Mai 2009]
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-* Autisme à nouveau [Octobre 2008]
-* Henri Rey-Flaud expose avec clarté les théories, approches et hypothèses sur l’énigme de l’autisme [Mai 2008]
-* Autisme et impasses de la médecine chroniqués au Monde des livres [Avril 2008]