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24 octobre 2015

Onfray n’y est pas allé finalement Anastasia Vécrin, Michel Rotfus, Philippe Grauer

Onfray n’y est pas allé. Au fait, et vous, vous faites quoi ?

par Philippe Grauer

Onfray et nous

Onfray grillé ? on ne sait comment ces bêtes de scène médiatique sont capables de rebondir. En tout cas cette Mutu tant attendue fit plutôt flop. Le faux bond de Onfray montre un côté du personnage bien connu. En cas de mise en danger par une confrontation sérieuse, l’esquive. Du temps où il vaticinait Freud à tort et à travers, Michel Onfray gros malin, prêchait pour une psychanalyse libertaire quasi existentielle qu’il disait, qu’il se faisait fort de bientôt lancer. Évidemment du vent, mais tout de même, un vent soufflant en travers de nos voiles. Nous ne pouvons pas seulement ignorer ce phénomène. S’il s’occupe de nous, prenons la précaution de nous préoccuper de lui.

nos psychopraticiens relationnels concernés

Mèzalor, comme disait Queneau, en quoi nos collègues psychopraticiens relationnels sont-ils concernés ? par le fait de la responsabilité des intellectuels, et de ne pas augmenter par leur absence le vide dans lequel s’engouffre le vent mauvais du fascisme auquel nos compatriotes semblent reprendre goût. Le monde à nos portes, et même avec les réfugiés dans nos centres de mal accueil, va assez mal comme ça, sans que par abstention nous le laissions glisser sur une si redoutable pente.

question de vision du monde

Notre profession, notre métier, requiert une dose de militantisme humaniste, fondé sur notre base méthodologique, pratique et idéologique, celle d’une dynamique de subjectivation, que nous partageons avec la psychanalyse. Sauf que nous sommes par nature, par l’héritage de la psychologie humaniste américaine, plus portés par la bataille idéologique, et que, non dépourvus d’une vision du monde (la fameuse Weltanschauung dont Freud anti philosophie ne voulut jamais et dont le mouvement psychanalytique à plusieurs reprises pâtit tant), nos prédécesseurs de la génération précédente ne s’en privèrent pas. Ils ne s’en privèrent pas mais parfois leur idéologisme vira soit à ce que certains lui reprochèrent comme de l’angélisme, soit à un spiritualisme envahissant. Nous laisserons de côté le côté prophétique à deux balles de l’Ère du Verseau New Age.

notre dimension idéologique

Il demeure qu’à l’ère de l’individualisme où proposer à un patient de participer à un travail psychothérapique de groupe devient une délicate affaire (par contre certains trouvent le moyen de réunir des assistances nombreuses pour épanouir leur mindfulness, nous reviendrons à ce sujet), et où mobiliser l’énergie associative de nos sociétés savantes et de nos syndicats rencontre parfois quelque résistance à l’avancement, nous avons besoin de revitaliser notre capacité de débat, et de nourrir notre intérêt à la fois pour la dimension politique de notre pratique et pour un sain exercice de la critique (en l’occurrence, avec Onfray dans ce domaine il y a fort à faire).

penchant pour le fascisme

Dans un monde qui recommence à se sentir un penchant pour le fascisme – oui, ne pas s’y tromper, ce que litotiquement on désigne par le vocable d’extrême droite, ça peut se traduire par idéologie hyper nationaliste aux germes totalitaires masqués et ça, ça s’appelle pré fascisme en bon français (!) –, donc dans un monde au penchant vigoureusement hostile à nos valeurs, nous avons la responsabilité de nous préoccuper de leur maintien. N’oubliant pas que psychothérapie relationnelle et psychanalyse riment avec démocratie.

notre responsabilité

Notre combat professionnel à nous, consisterait par exemple à procéder à un examen critique des psychothérapies autoritaires, et corrélativement à nous opposer à la progression de la médicalisation de la médecine – et de l’existence. Bref nous avons à nous préoccuper de la qualité du débat, auquel Michel Onfray a finalement préféré de ne pas s’exposer, laissant ses groupies vociférer en son absence à la Mutualité, sur un mode qu’on aurait pu penser dépassé. Nous avons aussi la responsabilité de savoir démonter la réthorique onfrayenne, exercice critique pouvant prendre place dans une école revendiquant un statut intellectuel honnête.

nos valeurs en question

Donc ce qui se passe autour de la question de la tendance de certains ultra gauches à pencher par le biais du souverainisme sur le versant d’en face, ne saurait nous laisser indifférents, pas davantage qu’un certain refus de l’universalisme, lequel relève fondamentalement de nos valeurs. Quant à la question de la philosophie, il est constant qu’elle relève de notre prérogative professionnelle, et donc que les propos équivoques d’un philosophe à la mode, spécifiquement, nous concernent.

Les deux articles qui suivent posent des questions que nous ne saurions éviter, en tant qu’intellectuels, citoyens, psychopraticiens relationnels ou psychanalystes. Prenez-en connaissance, et même peut-être de la graine.


Anastasia Vécrin, Michel Rotfus, Philippe Grauer

1)
Libération, 22/10/015
par Anastasia Vécrin

A la Mutualité, le débat n’a pas eu lieu

Au grand désarroi de Laurent Joffrin, Michel Onfray ne s’est pas rendu mardi au rassemblement organisé en son soutien par l’hebdomadaire «Marianne». Des échanges souvent à sens unique dans une salle acquise aux soutiens du philosophe.

A la Mutualité, le débat n’a pas eu lieu

Devant la maison de la Mutualité à Paris, haut lieu historique du militantisme de gauche, une quinzaine de jeunes gens bien vêtus vendent l’Action Française, bulletin du mouvement royaliste et nationaliste. Ce mardi, la salle accueille le meeting, organisé par l’hebdomadaire Marianne, en soutien au philosophe Michel Onfray, accusé notamment par Libération de faire le jeu du Front national. Ce soir, le médiatique penseur n’a pas daigné se montrer. On attendait au moins Régis Debray, Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner et Jean-Pierre Chevènement : niet.

Peut-on encore débattre en France ?

Malgré tout, la salle est presque comble. Sur la scène, une petite brochette, panel de journalistes, hommes politiques et intellectuels engagés, dont Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Daniel Keller, grand maître du Grand Orient de France et l’historien Alain-Gérard Slama, est présente pour répondre à la question «Peut-on encore débattre en France ?» Question derrière laquelle se trouvent les actuels thèmes polémiques : laïcité, intégration, islam, nation, et ce que l’on a droit d’en dire ou pas. Le dispositif laisse perplexe : un seul micro pour débattre, permettant aux monologues de se succéder sans interruption. Donc, on ne s’engueule pas, on ne se coupe pas la parole, on rebondit poliment, avec parfois un peu de mordant, aux discours précédents.

L’éditorialiste Jean-François Kahn commence par s’attaquer à l’écrivain Édouard Louis et au philosophe Geoffroy de Lagasnerie, à l’initiative l’année dernière d’un boycott des Rendez-vous de l’histoire de Blois du fait de la présence de Marcel Gauchet : «Les excommunications, les anathèmes, les criminalisations ne peuvent que renforcer le sentiment faux de décrépitude et faire le jeu des extrêmes. Montrons qu’on peut encore débattre, c’est-à-dire s’entendre, s’accepter, s’écouter.»

«une stature intellectuelle trop grande pour nous»

Sous les huées, Laurent Joffrin, le directeur de Libération, à l’origine de la polémique Onfray, est venu prendre quelques claques et réaffirme son jugement sur le philosophe : «Je soupçonne d’être ici le bien-pensant de service, mais ça ne me dérange pas. Si vous voulez me siffler, n’hésitez pas. Onfray dit que le peuple français est abandonné par ses élites, c’est en partie vrai, mais au profit des étrangers, c’est faux. Cette idée, c’est le cœur de la propagande du Front national. Onfray n’a répondu à aucun argument . Alors qui refuse le débat ? Je viens ici, où est-il ? Je ne le vois pas. Je devine qu’il a une stature intellectuelle trop grande pour nous qui sommes des nains de la pensée, je parle pour moi. Donc on va débattre entre nains.»

Refuser d’aborder tel ou tel thème, parce que ça fait le jeu du FN, n’est pas une stratégie efficace

Alarmé, le journaliste et historien Jacques Julliard appelle à un retour de la raison : «La règle du débat public en France, c’est le désir réciproque d’extermination. La France pratique la guérilla intellectuelle, la pire forme du débat possible.»
Pour le directeur de la rédaction du Figaro, Alexis Brézet, ce sont les techniques modernes de communication qui empoisonnent le débat public. Prenant à parti Joffrin sur Onfray, il est chaleureusement acclamé : «Étiez-vous obligé de parler du ressentiment d’Onfray, de sa méchanceté brutale, de dire que c’est un auxiliaire du lepénisme ? Je ne crois pas qu’on puisse dire ça. Refuser d’aborder tel ou tel thème, parce que ça fait le jeu du FN, n’est pas une stratégie efficace, le FN n’arrête pas de progresser !»

opacificateurs de la pensée critique

Avec sa «typologie des dispositifs d’étouffement du débat et des opacificateurs de la pensée critique» la très laïque philosophe Catherine Kintzler a fait exploser l’applaudimètre. Techniques de l’«évitement» et de la «percussion directe», une analogie avec le rugby qui lui vaut, malgré un propos parfois rance, les faveurs du public. «Aujourd’hui, je me demande si on peut encore être voltairien, ça pourrait dire être islamophobe. Dans ce cas-là, on peut dire que toute pensée critique relève d’une phobie et doit être soignée.»

le problème de la République qui ne fait pas son travail

Belle ovation aussi pour l’économiste Jacques Généreux qui harangue la foule : «Je ne pense pas qu’il y ait un problème d’immigration dans ce pays, mais je conteste aussi le négationnisme disant que Zemmour a tort quand il dit qu’il y a des quartiers entiers qui sont des quartiers de non-droit où ce sont les imams qui font la loi, c’est vrai ! C’est un fait ! Ce n’est pas un problème d’immigration ! C’est le problème de la République qui ne fait pas son travail !»

«La souveraineté de la nation»

Plus de deux heures ont passé. Vient le tour de la journaliste Natacha Polony et de sa rengaine souverainiste : «Depuis 2002, le mot souverainisme a surgi dans tous les éditos et pour certains, c’était ça le mal. C’est un mot que j’assume. Ça nous parle du peuple souverain, c’est l’essence même de la Révolution française et de la République ! C’est quelque chose de magistral d’expliquer que le peuple n’a plus quelqu’un au-dessus de lui qui décide de son destin, qu’il est son propre souverain. Et cela implique la souveraineté de la nation ! La nation d’Ernest Renan et non celle de Maurice Barrès.»

un débat qui n’a pas eu lieu

Alors que la salle se vide, que les bras se lèvent pour demander la parole, Joseph Macé-Scaron ferme la séance. Des dizaines de personnes s’avancent à la tribune pour interpeller les intervenants et provoquer une discussion, un débat qui n’a pas eu lieu. Dehors, sur le trottoir, Jacques Généreux est accaparé par des militants d’Égalité & Réconciliation, l’association d’extrême droite d’Alain Soral. Si le débat avec la salle n’a pas eu lieu a l’intérieur, c’est sur le trottoir que la parole confisquée au public s’est déployée.



Pantalonnade de Marianne à la Mutualité : peut-on encore débattre en France ?

par Michel Rotfus

Hier soir, 20 octobre, la salle de la Mutualité à connu une immense pantalonnade organisée par le magazine Marianne.

Le 18 septembre dernier, Michel Onfray tweetait : « 20 octobre Marianne loue la mutualité pour me soutenir. Avec, pour l’instant, Debray, Finkielkraut, Bruckner, Le Goff, et Chevènement .»

premier temps

Malgré sa présence insistante et continue dans les médias qui lui ont ouvert généreusement micros et colonnes, Marianne a décidé d’organiser une soirée de soutien à Michel Onfray, montré du doigt comme un allié objectif du F.N., qualifié de « néo-réac » par plusieurs journaux et magazines et accusé de faire le jeu du Front national.

Onfray, donc, tweeta.

Il se passa ensuite que Joseph Mace Scaron tweeta à son tour.
Il tweeta qu’il était ravi de l’apprendre. Ce qui ne manque pas de sel quand on sait qu’il est directeur de la rédaction de Marianne.

Mace-Scaron Joseph ‏@MaceScaron 18 sept.
@michelonfray Ravi de l’apprendre

Toute la suite fut de cette eau-là.

Le 19 septembre, il déclarait encore au Monde, que vous allez voir ce que vous allez voir : « Nous allons dire que nous ne sommes pas avec Marine Le Pen et que nous existons à gauche, que nous ne sommes pas instrumentalisables. Nous sommes de gauche. Ceux qui nous traitent de fascistes ne veulent pas penser. »

Je les regarde tous, essayant vainement de me récupérer

Seulement, voilà, dans un deuxième temps Onfray réfléchit et il pensa. Puis il déclara qu’il n’irait pas. « Je les regarde tous, essayant vainement de me récupérer », lâche-t-il dans « l’Obs », le 30 septembre. C’est qu’on n’est jamais assez méfiant : Marianne qui le soutient inconditionnellement pourrait le récupérer. Tout comme Debray, Finkielkraut, Bruckner, Le Goff, et Chevènement certainement aussi. Procès d’intention ou jugement étayé sur des preuves ? On ne saura pas…

L’argument ne semblant pas suffire, dans un troisième temps, il renchérit et déclara aux Matins de France Culture le 18 octobre, qu’il n’irait pas à la soirée-que-Marianne-organisait-pour-le-soutenir, car il n’irait pas débattre avec Bernard Henri Lévy !… qui n’était pas de cette soirée.

Onfray refusait d’aller débattre à cette soirée où l’on s’interrogerait gravement : « Peut-on peut encore débattre en France ?” et dont il était l’épicentre. La soirée a eu lieu, et personne, à la tribune comme dans la salle ne s’est étonné du refus de débattre-pour-savoir-si-l’ on-pouvait-encore-débattre, de la part de celui qui est au centre du débat.

débattre sur la possibilité de débattre

Il faut dire que les choses avaient bougé : le soutien de Marianne à Onfray avait disparu du titre. On allait débattre sur la possibilité de débattre et Onfray n’était plus là qu’à titre d’illustration. Pas pour illustrer le refus de débattre, mais de façon exemplaire, comme victime des invectives qui diabolisent, excommunient, anathémisent.

changement de tribune

D’autre part les participants avaient changé : ce n’est qu’une fois installé dans la salle que le public découvrit la tribune. Debray, Finkielkraut, Bruckner, Le Goff, et Chevènement étaient remplacés par Jean-François Kahn ex-directeur de Marianne et essayiste, Laurent Joffrin (directeur de la rédaction de Libération), Jacques Julliard (Marianne), Alexis Brézet (directeur de rédaction du Figaro), Catherine Kintzler (professeur émérite de philosophie de Lille 3), Jacques Généreux maître de conférence à l’I.E .P. de Paris et ex-secrétaire national du Parti de Gauche), J.P. Delevoye (présidant du Conseil économique, social, et environnemental), Daniel Keller (chef d’entreprise français, et grand maître du Grand Orient de France ), Alain-Gérard Slama (journaliste et historien), Natacha Polony ( papillone dans diverses émissions de radio et télé, collabore au Figaro). Joseph Macé-Scaron, directeur de la rédaction de Marianne distribuait la parole.

Débattre entre soi ou le débat sur la façon de débattre

Toute la soirée, on se demanda si l’on pouvait encore débattre et comment débattre. Jean-François Kahn ouvrit la séance en traitant la question, en dénonçant le sectarisme qui règne et empêche le débat. en affirmant la volonté de faire ressurgir le débat, c’est à dire en s’écoutant et en répondant. C’est là, dit-il, la façon républicaine de combattre.

L’exercice de Jean-François Kahn fut repris et décliné de diverses manières par chacun-chacune des autres intervenant(e)s avec salves d’applaudissements frénétiques chaque fois qu’il fut question de la République, de ses valeurs, de la Démocratie, etc.

Sauf par Laurent Joffrin qui a voulu lui, ne pas en rester à des généralités et parler de ce qui a été la raison de cette soirée. Il rappela donc le contenu de son long article de trois pages où il analysait les propos d’Onfray dans le Figaro.

le mythe du grand remplacement

Michel Onfray comme Zemmour ou Finkielkraut et quelques autres ne sont pas que des écrivains à succès. Il ont envahi l’espace médiatique par leurs discours alarmistes en glosant sur l’immigration, l’éloge des frontières ou sur le déferlement migratoire et en jouant à demi-mots sur le mythe du grand remplacement promu par Renaud-Camus. Ensuite ils agitent l’épouvantail de la difficulté, voire de l’impossibilité pour les migrants de s’intégrer, non pas ceux venus des États-Unis ou de l’Espace de Schengen mais les autres, musulmans pour la plupart, en brandissant l’effroi d’une confrontation radicale des civilisations. Enfin, ils alertent de la menace qui pèse sur l’identité française, comme le faisaient Barrès, Maurras ou Déroulède (1).

la moindre atteinte à l’image du Maître

Dès qu’il fut question d’Onfray, Laurent Joffrin eut du mal à parler car les réactions de la salle ne furent guère républicaines : huées et sifflets tentèrent de l’empêcher de parler. Le public d’Onfray était là, et il n’a pas supporté la moindre atteinte à l’image du Maître. Démonstration fut faite de l’efficacité émancipatrice de son enseignement : pendant cette soirée, on venta sur tous les tons la vertu de l’école républicaine qui vise à instaurer des citoyens réfléchis, libres et responsables. Ce soir-là, on était loin du compte !

transformer la scène politique et intellectuelle

À la tribune aussi : car dans plusieurs interventions, à commencer par celle de J.F. Kahn, les deux auteurs d’un texte publié dans le Monde (27-28 septembre) furent désignés comme l’exemple même de cette intransigeance qui empêche tout débat.

vide laissé par les intellectuels de gauche

Geoffroy de Lasganerie et Edouard Louis dans leur texte, pointent le manque d’engagement, le vide laissé par les intellectuels de gauche devant les multiples raisons qui nécessitent qu’ils sortent de leurs travaux savants et de leurs université et qu’ils s’engagent afin de transformer la scène politique et intellectuelle dominée par un discours et des injonctions réactionnaires, mais aussi par une situation politique, économique et sociale qui doit être changée tant elle est insupportable. Je renvoie à la lecture de leur texte. Et aussi à la dernière émission de Daniel Schneidermann, Arrêt sur images(2) où Edouard Louis est invité.

haine de l’universalisme

Ce qui pourtant est clair c’est que la curée dénonciatrice à laquelle les participants de la Mutualité se sont livrés, derrière ces deux auteurs en visent d’autres. Ces penseurs qui dérangent tous ceux qui, autour de certains médias, dénoncent la « bien-pensance des élites », tous ceux qui, souverainistes et xénophobes, fascinés parfois à l’insu de leur plein gré par le discours lepéniste haïssent l’universalisme de leur pensée. Et, ce qui fait système, ils s’en prennent aux homosexuels, aux femmes, aux étrangers, aux réfugiés, aux immigrés qui pourraient défigurer « l’identité française ». Ils se dressent contre ces penseurs si admirés hors de France : Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, Michel Foucault à qui on reproche ses mœurs et le sida, Louis Althusser toujours haï comme meurtrier de sa femme, Gilles Deleuze comme toxicomane, Roland Barthes et Jacques Derrida comme déconstructeurs de la philosophie et de la langue, tous décrits comme des monstres physiques et intellectuels. Et donc responsables du prétendu « déclin » de la France, de la « décadence » de l’École et « donc », de la République.

montée d’un désir de fascisme

Ce n’est pas sans ironie qu’on peut se souvenir comment ces penseurs se sont trouvés en butte aux nouveaux philosophes, à leur envahissement médiatique, et à la façon dont ils usaient de catégories et de concepts grossiers, comme taillés à la hache. Dans un autre contexte et avec d’autres enjeux, une situation semblable se répète. À la différence que nous sommes aujourd’hui devant la montée nauséabonde d’un « désir de fascisme »(3)