à propos d’un article de Samuel Dock
par Philippe Grauer
Le Huff publie ces temps-ci un article d’un jeune écrivain psychologue de formation qui informe sur la condition de psychologue récemment diplômé – à l’occasion d’un redoutable concours de fait final. Lyrique cet appel en dit long sur la condition de psychologue. Nos psychopraticiens relationnels connaissent des difficultés dans le secteur libéral, que penser de leurs collègues postés quelques heures ou sans emploi hospitalier du tout ? non formés à la psychothérapie relationnelle à pratiquer en ville, ils ne sont pas en capacité réelle d’ouvrir un cabinet (de psychothérapeute de nouvelle désignation), ce qui n’est pas plus mal car ça évite des désastres dont la population n’a pas besoin de faire les frais, mais n’arrange guère leurs affaires(1)
Notre jeune auteur connaît midi à sa porte. Il ignore à peu près notre discipline et profession. Il décrit les mérites du jeune psychologue nouvellement qualifié et se plaint que des incompétents lui fassent concurrence. On devrait le rembourser au moins autant qu’un sophrologue ! On aperçoit le bout d’un nez corporatiste. Il plaide que sa confrérie est « rentable ». Il ne fait pas que cela. Il se penche par les références qu’il produit sur la question de la formation à la psychologie clinique dans notre pays, question que nous reprendrons dans un autre article. Quelles que puissent en être les limites sa pensée nous semble représentative, avec ses limites et ambivalences. Sa référence par ailleurs à la psychanalyse dans sa biographie ne dissipe pas l’impression qu’il donne de ne pas comprendre au-delà d’une sorte de formatage. L’annonce de l’Apocalypse à la Dostoïevski ne fait pas de la ministre socialiste l’un des quatre cavaliers. Accompagnant le mépris quelque peu de méprise.
Donc pas un monument de la pensée contemporaine. Un produit de la nouvelle génération de psychologues. Entreprenons un premier examen de ce nouveau discours.
Dans les années 80 le SNPPsy avait pris connaissance d’une étude américaine montrant que nos services rendus induisaient d’importantes économies de santé en aval. Au demeurant une de ces études remarquait que les compagnies d’assurance américaines dégrevaient leurs clients s’ils avaient effectué une psychothérapie, mais pas les psychothérapeutes (de l’époque, psychothérapeutes et psychopraticiens relationnels actuels confondus), estimés eux population fragile (même s’ils l’avaient effectuée leur psychothérapie, ou considérant que les psychothérapeutes de l’époque aux États-Unis n’étaient pas tenus d’avoir effectué une démarche personnelle dans leur propre discipline ?).
Quoi qu’il en soit nous avions décidé de ne solliciter aucunement le remboursement de nos soins. Non que nous ne le pensions utile, nécessaire même dans certains cas pas si exceptionnels – souvenons-nous que Freud rêvait d’une psychanalyse gratuite et que les pionniers ne se sont pas gênés pour aider les premiers psychanalysants –, mais parce que le remède du remboursement à nos yeux serait pire que le mal, induisant un encadrement bureaucratique exterminateur du principe même d’une relation de soin non médical – disons de souci, qui requiert l’exercice de la responsabilité, qui mobilise la capacité de prise en charge(2) de qui y recourt. Et que surtout cela a) induit l’irruption d’un contrôle de la bureaucratie d’État dans le cadre de l’intime, b) réduit fatalement la psychothérapie à un protocole dont il faut à mesure rendre compte des progrès de l’application. Noter la séance dont on adresse compte-rendu à l’Administration, entrer dans le système de paramédicalisation qui confirme la médicalisation de l’existence. Non, délibérément non ! Nous ne manquons pas de préoccupation sociale, nous contentant d’adresser au secteur hospitalier les malheureux relevant de la souffrance de seconde vitesse(3), ou de leur consentir régulièrement des conditions financières ajustées à leur état de disgrâce économique(4)
Pour leur part, les services des psychologues sont remboursés. Quand ils travaillent dans le cadre de l’hôpital. L’essentiel de leur pratique. Depuis toujours la psychothérapie comporte deux vitesses. Le CMP dispense pour sa plus grande part une psychothérapie pour les pauvres. Françoise Dolto demandait aux gamins de lui apporter un ticket de métro usagé comme paiement. C’est que la psychothérapie du sujet se présente comme un échange entre deux égaux. Revenons à nos moutons. Oui la psychothérapie même psychologique est « rentable ». On peut le rappeler à la ministre.
Qui apparemment ne s’embarrasse pas trop de la situation psy dans notre pays. Faute de moyens car Samuel Dock ne semble pas s’en rendre compte mais nous traversons une crise. L’état de désespérance qu’il exprime indique que l’ensemble du carré psy souffre de la dégradation de la qualité de vie dans une Europe occidentale occupée à acquitter une dette dont de nombreux économistes soutiennent qu’en réalité vous et moi ne la devons pas, au regard de l’escroquerie présentée comme allant de soi (comme quoi interroger les évidences ça peut avoir du bon même en dehors de la psychothérapie) organisée par la finance mondiale à partir de l’institution des paradis fiscaux. En termes simples le capitalisme financier par le biais de ces paradis ayant pour contrepartie l’enfer pour ceux qui en pâtissent, ne paye pas l’impôt, et prête (à des taux usuraires de surcroît) le produit de cette rapine aux États par son système détroussés. Ce système se trouve renforcé en Europe par le fait que la Banque centrale européenne prête à 1% de l’argent aux banques qui répercutent à 6 % et davantage aux États-nations sur la détresse financière desquels elles spéculent. Les États s’épuisent ensuite à rembourser leur « dette » en la faisant payer aux contribuables qui en toute logique payent deux fois puisqu’ils empruntent à leur voleur l’argent qui leur manque de leur avoir été par lui dérobé. Si on appliquait à ce format comportemental le dixième de la capacité de discernement de cette psychopathologie dont on nous rebat tant les oreilles, on parlerait de psychose et perversion. Sachant que le pervers requiert une victime qui soit complice et que ce genre de cercle vicieux est difficile à briser, on en déduirait des choses !
Les répercussions sur la vie des gens de cette financiarisation du monde sont désastreuses et ça n’est pas seulement à la ministre qu’il faut se plaindre de sa sourde oreille s’agissant de distribuer un argent dont elle se voit dépourvue. Il faudrait encore décrire le mécanisme des « eaux glacées du calcul égoïste » articulé à la restriction due à l’état du monde tel qu’actuellement conduit, qui rend nos gouvernants actuels parfois dociles à ses impératifs.
Samuel Dock pourrait réfléchir sur les causes de la misère qu’il dénonce et pousser son talent un cran de plus. Du coup sa dénonciation de l’impéritie d’une ministre prendrait une allure non corporatiste. La finance mondiale impose une baisse drastique des services aux populations, pour augmenter et valoriser le service de la dette mais laquelle ? Il faut savoir quel service est jugé politiquement prioritaire et au « service » de quelle dette on se trouve. Cela s’appelle avoir une pensée politique. Alors ou on reste à réclamer ou on rompt les amarres avec l’Europe (ce que même la Grèce a choisi d’éviter) et on se lance dans la révolution (vérifier si elle est faisable en la circonstance). Mais à certains moments protester ardemment contre son camp conduit choisir l’autre, l’ultra libéralisme, par défaut.
Si on préfère s’en tenir à un niveau plus modeste on décrit comme le fait l’Appel des appels le dépérissement d’une profession au grand dam de la population. On proteste avec les 39, du statut de la folie et de son
En attendant un développement de la protestation on appréciera l’acuité de la critique portée par Samuel Dock et la pertinence de sa description de la misère de la condition de psychologue, clinicien et autre, corrélative à l’abandon psychosocial qu’il dénonce. Cette dénonciation ne manque pas d’ambiguïté. Le dispositif complexe du carré psy nécessite une pensée de la complexité qui transcende la plainte agressive partielle puis partiale. On retiendra de celle-ci la force de son écriture. On se souciera de la contextualiser. L’exercice de la psychologie on le voit n’est pas de tout repos et son statut socioprofessionnel pas trop enviable par les temps qui courent.
Reste qu’une plainte corporatiste risque fort de comporter de la stigmatisation de professions voisines. Nous ne sommes pas loin ici du compte. Samuel Dock témoigne, le Huffigton Post publie. Prenons-en note sans pour autant nous laisser embarquer. Ni indirectement manquer de respect. Il suffit de considérer le § final que nous intitulons molécules, coaches, sectes. Personne n’est dupe : nous existons dans ce discours en filigrane sous cette grossière approximation amalgamée, on n’est pas trop loin des charlatans de Bernard Accoyer. Ce mépris à peine masqué révélerait-il une référence de l’auteur à la psychanalyse française actuelle ? toujours la même chanson avec ceux qu’on pourrait appeler les psychonalystes(5).
Quant à nos psychopraticiens relationnels, profession de santé mon médicale œuvrant en libéral dans un univers alternatif à celui de la médicalisation de l’existence, formés la plupart du temps à leurs frais en reconversion dans des écoles qui leurs transmettent sérieusement leur métier et le principe d’une responsabilité professionnelle indépendante des subsides ministériels, certains ont tendance à préférer une logique social démocrate à l’ultra libérale mais par ailleurs ils n’ont pas de déception à afficher sur des subsides qui ne les concernent pas directement ceux d’entre eux qui optent pour un autre système n’auront qu’à le faire savoir et ouvrir le débat. La question n’est pas indifférente.
Les intertitres au texte de Samuel Deck sont de notre Rédaction.
par Samuel Dock
Psychologue clinicien et écrivain
Huffington Post, Publication: 02/01/2014 07h01
Marisol Touraine, Pôle Emploi, Coaches, Concours, Crise Économique, Fonction Publique Hospitalière, Fonction Publique Territoriale, Mafia, Ministre De La Santé, Molto, Précarité, Psychanalyse, Psychiatre, Psychologue, Actualités
Madame la Ministre,
Psychologue clinicien, je souhaiterais vous dire aujourd’hui toute l’urgence, toute la gravité de la situation que traverse ma profession. Cette lettre ouverte se veut informative. Je n’imagine pas une seule seconde que vous puissiez pleinement connaître ce que mes confrères et moi-même vivons chaque jour, témoins impuissants de l’avachissement du domaine médico-social en France, observateurs inquiets de la lente dégradation de nos conditions de travail, de ces sursauts comme autant de signaux, nos dernières tentations symboliques avant extinction.
Je parle d’urgence. Vous savez, celle-ci a un prix. Celui de l’affect, d’une sensibilité circonstancielle qui condamne le langage à n’être qu’une expression d’angoisse, un espace insignifiant où s’éteignent finalement les émotions comme les idées. Mais cela fait bien longtemps maintenant que nous avons dépassé ce stade, cela fait une éternité que les idées, que les émotions ont cédé la place à un désespoir résigné. J’ai attendu. Je vous ai attendu.
Lorsque j’ai voté pour François Hollande, je croyais de tout mon cœur qu’à défaut d’un changement (la naïveté clinicienne neutre et bienveillante a ses limites), surviendraient des mots, une définition de cet orage contemporain et pourquoi pas quelques actes, quelques mesures à objecter à la dévastation de ma profession. J’attendais une simple pensée, un raisonnement, un peu plus que du « rien… » Que vous vous souveniez de notre existence.
Votre troisième engagement ministériel était d’ailleurs de rétablir le dialogue social. Certes, il ne s’agissait pour vous que de rencontrer les syndicats, d’instaurer un « pacte » de confiance, même pas un vrai contrat. Mais il y avait l’évocation d’une discussion, soit d’un échange, d’un retour au langage contre la violence. Je pensais qu’une fois les maux reconnus, le plus dur serait passé et que « le moins pire » serait à venir.
Mais pourriez-vous en toute bonne foi promettre que vous savez où nous en sommes arrivés ? Aujourd’hui que reste-t-il de vos engagements ? Que reste-t-il de ces dialogues officiels ? Que reste-t-il à attendre de vous ? Concrètement ? Comme un grand nombre de mes confrères, j’ai moins de trente ans. Comme eux, j’ai beaucoup travaillé pour payer mes études et pour les réussir, pour obtenir le droit d’exercer ce métier que j’aime tant. Comme eux, j’ai accepté la précarité de cette profession, de travailler plus, toujours plus pour survivre. Comme eux, vos simulacres ne suffisent plus à me rassurer. Comme eux, je commence à douter. Que ferez-vous de nous quand nous aurons définitivement cessé d’espérer ?
Nicolas Sarkozy avait supprimé la notion de « prise en charge psychologique » des textes de loi, je pensais que peut-être vous auriez su vous inscrire dans un courant inverse : sauver ces meubles, ces contenants en transit que nous sommes devenus, au moins symboliquement. Mais non. Pas un mot sur les « psys… »« (1) J’ai fait des recherches mais je n’ai pas été en mesure de vous lire sur les graves problématiques de santé mentale induites par toute crise économique (à ce sujet lire « L’impact des crises économiques sur la santé mentale des travailleurs »).
Je vous attendais encore. J’attendais un cri, fut-il policé et aseptisé, lourd de ce jargon, de cette parole désincarnée qui empêche d’avancer. Je vous attendais tandis que vous vous empariez de la cigarette électronique comme d’un nouveau moyen pour électriser, distraire ou exciter les consciences avant que le vide reprenne sa place. La cigarette électronique, vous me répondrez que chacun a ses priorités. Mais peut-être vaut-il mieux le vide que la souffrance ? Le shoot à l’absence plutôt que le sens. Cette image qui abrase la pensée, encore. Peut-être vaut-il mieux tuer le langage plutôt que de le regretter.
Vous avez été interpellée le 18 novembre par la Cfdt qui vous a présenté un certain nombre de revendications des psychologues (rénover le Code des psychologues, revisiter la formation, etc.) mais j’aimerais revenir à la réalité et vous dire le drame que recouvre ces mesures sur lesquelles je porte pour ma part un œil désabusé, si lointaines que je les trouve de ce que nous vivons sur le terrain.
Je voudrais vous parler des légions de psychologues, en moyenne plus de 600 par offre d’emploi, qui bataillent pour quelques heures de travail par semaine, vous dire la précarité de la profession corrélative à cet afflux, vous dire les salaires de misère, même pour les expertises psychologiques qui réclament des mois de travail. Les destins des personnes qui perdurent entre nos mains, nous interdisent la même désinvolture que celle avec laquelle le marché de l’emploi nous considère.
Je voudrais vous décrire ce processus par lequel Pôle Emploi fait de nous, ironie suprême, des conseillers à l’emploi, à défaut de nous en proposer un, à défaut d’être en mesure de comprendre la nature exacte de notre métier, de changer quoi que ce soit à une situation qui les dépasse très largement; vous raconter encore comment la nature de notre profession est ainsi mutilée, comment le « psy », aujourd’hui, devient « n’importe quoi », une chose inepte, un gadget avant le néant.
J’aimerais vous dévoiler le parcours d’un psychologue aujourd’hui. Dans ma promotion, nous étions plus de 1000 prétendants à l’obtention du titre(2). Seuls 25 l’ont obtenu. Bien moins de la moitié ont pu trouver un poste. Les autres ont abandonné, pour ailleurs, pour autre chose. Certains vont se battre pour justifier inlassablement leur RSA devant des conseillers en économie sociale dans les services sociaux où ils pensaient pouvoir un jour travailler, aider.
Peut-on encore accuser l’université ? Prenez le temps de disséquer la chute, prenez tout le temps qu’il vous faut. Pendant ce temps, le « psy » disparaît, précarisé, assimilé, redéfini, brisé, digéré par un système inique et aliénant. Le prochain concours pour un poste dans la fonction publique territoriale sera en 2015. En 2015. Cinq ans après le dernier. Que reste-t-il à ajouter? Plus d’emploi ou un emploi que l’on craint de perdre à tout instant, des grilles de salaires pétrifiées depuis des années. Comment accueillir et soutenir l’Autre dans ces conditions ? Comment mettre notre psyché à disposition de notre patient quand notre propre avenir est terrifiant ?
Il existe pourtant un grand nombre de solutions. Certaines, je vous rassure, tout à fait « rentables ». Citons par exemple Anne Dezetter dans ses « Analyses épidémiologiques et socio-économiques de la situation des psychothérapies en France, en vue de propositions sur les politiques de remboursement des psychothérapies » : « Comme la littérature le démontre, notre analyse a montré qu’une prise en charge de la psychothérapie permettrait, aux régimes de santé et à la société, d’épargner, suite au traitement psychothérapeutique, des coûts directs et indirects induits par les troubles de santé mentale. Ceci, d’autant plus que notre évaluation médico-économique a estimé les bénéfices économiques des psychothérapies ‘au plus bas’. C’est à dire, en évaluant seulement leurs impacts sur les coûts immédiatement imputables aux troubles de santé mentale, cela sans intégrer les bénéfices collatéraux que ce traitement aurait sur les troubles somatiques. »
Les études ouvrant la voie à de nouvelles manières de penser la santé mentale et sa prise en charge ne manquent pas. Il n’est peut-être pas trop tard. Il reste peut-être encore des façons de sauver la profession… et les patients. Pourriez-vous m’expliquer, en des termes simples, pourquoi un kinésithérapeute-sophrologue-hypnothérapeute-acuponcteur-homéopathe peut prétendre au remboursement à la sécurité sociale, quand cela nous est toujours impossible ?
Dans le fond, qui cherchez vous à sauver ? Les psychiatres, les laboratoires pharmaceutiques ou les patients ? Vous-même en vous gardant d’aller déranger cette aberration férocement instituée ?
L’extinction progressive et délétère du métier de psychologue clinicien n’est de toute façon pas le problème, ce n’est pas là que se situe la véritable souffrance, celle qui devrait compter.
Non. La seule souffrance qui devrait vous interpeller, c’est celle des personnes faisant la queue devant les CMP débordés pour essayer de trouver quelqu’un capable de les écouter et de les soutenir sans camisole langagière ou chimique.
La souffrance appartient aux patients dans les services d’oncologie qui espèrent, qui attendent des semaines ou des mois de rencontrer une personne qui ne « s’angoissera pas devant l’angoisse » pour reprendre le mot de Dolto, une personne qui les accompagnera à travers la maladie, qui les portera contre la mort, qui, figurez-vous, n’a pas magiquement cessé de faire peur quand nous sommes entrés en crise économique. La sacro-sainte « demande » n’a pas diminué quand la crise a pris de l’ampleur, elle a explosé.
La souffrance intolérable, encore, c’est celle des enfants qui subissent les coups de leurs parents, qui parfois y succombent sans que les signalements à répétition soient suivis d’effet. Pour autant, l’expertise des parents en dysparentalité(3) n’est pas accordée à des personnes formées à la psychopathologie. Je comprends, les éducateurs spécialisés, les assistantes sociales, coûtent bien moins cher. Vous parliez de l’importance de la prévention dans l’une de vos interviews. Si la mort d’un enfant maltraité ne mérite pas d’être prévenue, qu’est-ce qui le mérite ?
Reste que bientôt seule la souffrance psychique des populations les plus riches pourra bientôt bénéficier de soins psychiques. Est-ce là le rêve fait par la Gauche ? Est-ce l’hérésie que nous devons accepter ?
Madame la Ministre, la société propose tout un tas de nouvelles « solutions » concrètes et rentables : des molécules formidables pour ne plus penser, ne plus sentir, ne plus désobéir par le truchement du symptôme, des coachs au rabais, en habillement, en cuisine, en bien-être, autant d’experts sans aucune formation universitaire, des sectes aussi apparemment contenantes, soutenantes que destructrices en vérité, autant de mafias de la santé mentale qui interviennent lorsque le cadre légal sur lequel les usagers peuvent s’appuyer est menacé. Qu’allez-vous faire ? Qu’allez-vous faire de ce chantier, de ce chaos qui n’a pas besoin de mesurettes amusantes, de divertissements supplémentaires mais d’une réflexion profonde, d’une réévaluation analysant les dynamiques structurales en jeu ? Qu’allez-vous faire de nous ? Quand allez-vous prendre en considération les maux de l’esprit du peuple que vous êtes chargée de représenter ?
Si je vous écris aujourd’hui, c’est peut-être parce que j’attends toujours un espoir, une pensée, une réponse qui ne soient pas galvaudés.
Si je vous écris Madame la Ministre, c’est pour que vous rappeliez vos engagements, pas ceux que vous avez prononcés mais ceux, profonds et intimes, qui vous ont conduit à faire ce métier, à accepter des responsabilités politiques.
Si je vous écris, c’est peut-être pour ne plus vous attendre.
Si je vous écris, c’est peut-être encore, tout simplement, pour que vous vous souveniez de nous.
Avant notre extinction.