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13 avril 2020

DISPARITION DE JEAN-MICHEL FOURCADE(Ed. Henri Roudier)

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Élisabeth Roudinesco

Né à Dax, le 3 mai 1943, Jean-Michel Fourcade est mort à Paris, le 13 avril 2020, des suites d’un cancer. Avec son ami de toujours, Philippe Grauer, vice-président de la SIHPP, il avait participé, entre 2000 et 2007, aux côtés de Serge Ginger et en s’alliant avec Jacques-Alain Miller, à la bataille sur la réglementation du titre de psychothérapeute, bataille perdue après des années de lutte.

Passionné de thérapies multiples, et auteur de plusieurs ouvrages, Fourcade, élégant bourgeois gascon, se rend aux États-Unis, et notamment au célèbre Institut d’Esalen,  petite station de la côte californienne de Big Sur. Au milieu de ce paysage somptueux, propice à toutes les explorations de soi, il y croise l’une des aventures les plus intéressantes du demi-siècle. C’est là, en effet, que s’élabore une nouvelle pratique multipolaire de la connaissance de soi qui  cherche à unir des expériences curatives en tous genres, depuis la méditation jusqu’à la bioénergie d’Alexandre Lowen (1910-2008), élève de Wilhelm Reich, en passant par la gestalt-thérapie préconisée par Frederick Perls (1893-1970), figure dissidente du mouvement freudien allemand — qui avait fui le nazisme — et par le courant de psychologie humaniste, incarné par Carl Rogers (1902-1989). C’est là que Fourcade comprend que ces pratiques permettent d’aborder le domaine des personnalités-limites (borderlines) dont il deviendra l’un des meilleurs cliniciens.

De retour en France, il s’engage dans une cure sur le divan de Lucien Kokh, psychanalyste d’obédience lacanienne, qui diffuse son enseignement tout au long d’un Séminaire de recherche en psychanalyse et champ social (ou « Cheminaire »), en marge des grandes associations freudiennes. Ils deviendront amis.

En 1994, il soutient sa thèse de psychologie sociale clinique à l’Université de Paris VII sous la direction de Max Pagès (1926-2018), lui-même marqué par l’enseignement de Reich et de Rogers, mais aussi par celui d’Edgar Morin. C’est en 1980 que Pagès avait rejoint le Laboratoire de psychologie sociale dirigé alors par Claude Revault d’Allonnes. Il en fait le Laboratoire du changement social, où il crée un groupe de recherches sur « l’émotion », réunissant plusieurs courants de la psychothérapie.

En 1981, Fourcade avait participé à la création du Syndicat national des praticiens en psychothérapie (SNPPsy) et, quatorze ans plus tard, aux côtés de Grauer, et de plusieurs autres chefs de file de l’école française de psychothérapie, il fonde la Fédération française de psychothérapie (FFdP), affiliée à la puissante European Association of Psychotherapy, qui regroupe, hors de France, de nombreux psychanalystes.

Enfin, en 1999, déjà connu pour ses écrits et sa pratique, il participe à la création, toujours avec Grauer, de l’Association fédérative française des organismes de psychothérapie* (AFFOP). En 2010, après l’adoption du décret d’application de la loi de 2008 sur la réglementation du titre de psychothérapeute, désormais réservé aux psychologues, aux psychiatres et à tous les praticiens diplômés dans le champ de la psychopathologie, Fourcade est contraint de changer de titre et de s’appeler psycho-praticien, dénomination absurde qui exclut donc du champ de la psychothérapie la quasi-totalité de ceux qui en étaient, en France et partout dans le monde, les véritables fondateurs.

Aussi peut il s’intituler psychanalyste sans le moindre problème puisqu’il a reçu une formation adéquate.  C’est dans les locaux de son école, baptisée Nouvelle faculté libre, qu’il développera ses idées sur la « psychanalyse intégrative » et qu’il accueillera, de 2005 à 2008, les plus prestigieux spécialistes de l’histoire de la psychanalyse dans le monde, invités par la SIHPP. D’une haute culture, et connaissant sur le bout des doigts tous les courants de la psychanalyse, de la psychothérapie et de la psychiatrie, Fourcade était aussi un passionné d’historiographie freudienne.

Comme l’écrit Philippe Grauer : « Il n’a jamais cessé de soutenir, protéger, défendre, promouvoir, la psychothérapie relationnelle, ou ce qu’elle représentait avant la lettre pour le SNPPsy. »

Élisabeth Roudinesco


* Qui deviendra (après inclusion fin 2005 de la psychanalyse à son acronyme par le SNPPsy) l’Association française des organismes de psychothérapie relationnelle et de psychanalyse. PHG