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Glossairede la psychothérapie

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humanisme

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Humanisme et subjectivité constituent un couple philosophique hérité de la Renaissance, signant l’irruption de la modernité, laquelle conduit à une dédivinisation du monde, l’homme occupant progressivement la place de Dieu, non sans quelques accidents de parcours, opération conduite en quatre siècles.

sub-jectum : fondement

L’humanisme reconnaît en l’homme la conscience de soi et la capacité de fonder (sub-jectum, fondement) son propre destin. « Je suis maître de moi comme de l’univers, » comme le dit Corneille, renvoie à Descartes dont le cogito fonde un « sujet métaphysique — qui s’est avéré passablement colonialiste, antiécologiste (« maître et possesseur ») et positiviste — de la domination totale » duquel il convient de se dégager, depuis Heidegger (1). Démarche qui parallèlement se développe avec Claude Lévi-Strauss, rejoint par Althusser avec le concept d’anti-humanisme théorique, dans le cadre du structuralisme et d’une pensée anthropologique élargie à une sorte d’écologisme philosophique dont le principe édicte que nous dépendons de la variété des êtres pour pouvoir définir rigoureusement en quoi consiste notre dignité.

humanisme anthropologique généralisé

Quand Lévi-Strauss écrit : »Nous croyons que le but des sciences humaines n’est pas de constituer l’homme, mais de le dissoudre », il ne détruit pas le concept d’humanisme, il appelle à le reconstruire, par une pratique du décentrement, qui renvoie indéfiniment à une lecture de soi-même à la lumière de l’autre. Il appelle à construire un humanisme anthropologique, généralisé, où il s’agit de cesser de se définir soi-même dans son identité propre, caractérisé par soi seul au nom de ses propres valeurs auto ininterrogeables par définition, mais à travers les différences qui constituent, fractionnent plutôt, monnayent l’humanité selon lieux et époques (relativisme culturel généralisé).

Il s’agit alors de situer notre pratique du savoir par rapport à d’autres variantes possibles du savoir. On ne peut plus alors, à la manière du Sartre de L’existentialisme est un humanisme, penser intégrer tous les phénomènes humains dans la seule conscience individuelle (à la façon de Descartes). Cette démarche, après avoir dissout l’homme permet ce que nous appellerons un néo-humpanisme, permet de recomposer une figure de l’homme à l’échelle de la planète, une figure où l’universel s’obtient à partir d’une démarche systématiquement différentielle.

Trois raisons complémentaires nous invitent à repenser la question de l’humanisme, la repenser sans y renoncer pour autant :

Freud avec la découverte de l’inconscient ruine à jamais comme illusion psychique et métaphysique la souveraineté du moi. Sans compter avec ce qu’on pourrait considérer comme un inconscient social, celui des forces collectives qui surpassent et dépassent la maîtrise individuelle, et un inconscient ontologique ruinant l’idée de conscience comme transparence à soi.

– l’irruption avec Heidegger(2) du concept de finitude faisant de nous des êtres jetés dans un monde incontrôlable qu’ils ne constituent pas, temporellement propulsés vers leur mort, conduit à dépasser la représentation de l’homme comme souverain et mesure de toute chose, base de l’humanisme classique.

– Avec Althusser, théoricien lacano marxiste, le sujet est produit par l’idéologie, laquelle dépend des rapports de production. L’anti-humanisme théorique (sujet théorique / sujet concret) fit florès dans les années 60, soutenant que « tout est fait pour que chacun ait l’impression d’agir librement et accomplisse seul les actes et gestes de son assujettissement. »

antihumanisme théorique

sujets de l’idéologie

Alors on sort d’un humanisme « naïf » et « (…) peut affirmer qu’il n’est de pratique que par et sous une idéologie et qu’il n’est d’idéologie que par le sujet et pour des sujets. La catégorie de toute idéologie quelle qu’elle soit est la catégorie du sujet. À partir d’exemples concrets (et notamment celui de l’idéologie chrétienne) Althusser montre que toute idéologie a pour fonction de « constituer » des individus concrets en sujet (mais que justement tout discours scientifique est par définition un discours sans sujet). L’idéologie « interpelle » l’individu qui, en se reconnaissant, devient sujet. Nous sommes tous dans l’idéologie et même « l’homme est par nature un animal idéologique. » Ainsi par exemple aussi bien celui qui écrit ces lignes que le lecteur sont des sujets (et donc des sujets idéologiques ce qui, dit Althusser, est une affirmation tautologique). Ceux qui sont dans l’idéologie bien sûr ne le savent pas. Il faut être hors de l’idéologie (dans la science) pour savoir qu’on y était. Althusser précise que Spinoza l’avait vu deux cent ans avant Marx.

Puisque l’idéologie est éternelle les individus sont toujours interpellés par l’idéologie comme sujets et même, comme le montre Freud avant même de naître : dire qu’on attend l’enfant à naître c’est dire qu’il est acquis avant sa naissance qu’il portera le Nom de son Père [en Occident, les majuscules ici étant lacaniennes], aura une identité, sera irremplaçable etc. L’enfant à naître est donc déjà sujet dans et par la configuration liée à l’AIE (appareil idéologique d’État) familial. Or cette configuration est une structure implacable ou l’ancien futur-sujet doit trouver sa place c’est-à-dire devenir le sujet sexuel qu’il est déjà par avance.

Dans la religion, l’individu est interpellé en sujet (libre) pour qu’il se soumette librement aux ordres du Sujet (Dieu) donc pour qu’il accepte (librement) son assujettissement. « Ainsi soit-il » signifie « il faut qu’il en soit ainsi » pour que la reproduction des rapports de production soit. Pour le dire autrement, tout est fait pour que chacun ait l’impression d’agir librement et accomplisse seul les actes et gestes de son assujettissement. »

1961 – la Troisième voie

– Il faudra enfin interroger l’humanisme de la psychologie du même nom, venu au monde sous l’impulsion d’Abraham Maslow (avec Carl Rogers, Rollo May et une dizaine d’autres), qui donna le Mouvement du potentiel humain, le Développement personnel, les Nouvelles thérapies et ce que chez nous on appela les psychothérapeutes. Ce Mouvement, protestant contre une psychanalyse normalisatrice et médicaliste américaine, et le comportementalisme, constitua une Troisième voie alternative à cette double réduction de la subjectivité. Un côté idéologie du bonheur américain improprement attribué fut utilisé par ses détracteurs pour discréditer un message qui mérite d’être préservé et transmis.

filiations et parcours

Notre approche humaniste se trouve exprimée par l’existentialisme sensible (émotionnel), du véritable manifeste que constitue l’ouvrage collectif Psychologie existentielle (Existential psychology, 1965), paru à l’Épi en 1971, 107 p., sous les signatures groupées de Gordon Allport, Herman Feifel, Abraham Maslow, Rollo May, Carl Rogers. L’excellent ouvrage d’André de Peretti, Présence de Carl Rogers, en ligne, représente une excellente introduction à une conception et sensibilité de l’humanisme vivant dont la psychothérapie relationnelle est l’héritière directe.

En un § nous sommes passés de la psychologie à la psychothérapie, et d’existentielle à relationnelle, c’est la marche du temps. Depuis les Lumières, qu’il faut faire remonter à la Renaissance, dont nous sommes les continuateurs, en passant par le Freud qu’Otto Rank a transmis à Rogers, et Martin Buber et Paul Tillich, à quoi ajouter la gestalt-thérapie de Perls Goodman Hefferline, puis la Troisième force de Maslow, Esalen et le Mouvement du potentiel humain, incluant l’approche néo reichienne (Alexander Lowen,) quel parcours ! Et ça ne s’arrête pas là(3).

anti-humanisme ultra-gauche

Un certain anti-humanisme ultra gauche a tenté d’aller plus loin que l’althussérisme, s’efforçant de démontrer que les Lumières auraient débouché sur Auschwitz, l’humanisme universaliste des Lumières et de la Révolution française ayant pour vérité ultime le déchaînement de l’inhumain d’un univers totalitaire accomplissant en effet un programme de souveraineté sur le réel, une politique de domination totale, par l’administration totalement, totalitaristiquement, rationnelle de « sujets » devenus si bien éclairés que transparents au regard de Big Brother, qu’ils ne seraient plus que les supports interchangeables anonymes en définitive chosifiés d’une manipulation étatique (voire démocratique au sein d’une « république totalitaire » consumériste) de sujets à l’intimité forcée, autrement dit violés, laminés (idée connexe, cela peut s’effectuer en douceur, d’où le concept de totalitarisme soft et de vigilance citoyenne qu’on retrouvera dans l ‘Appel des appels ) jusqu’à la condition d’objets. Pousser trop loin le bouchon rate la cible en la détruisant purement et simplement. Inutile en l’occurrence de « désespérer Billancourt » et la psychothérapie relationnelle.

néo-humanisme

On peut considérer à y regarder de plus près qu’après la déconstruction peut venir la reconstruction de la subjectivité et que le concept d’autonomie proprement construit peut présenter quelque intérêt. On assiste à l’heure actuelle à un retour au et du sujet, que nous avons nommé sur ce site même néo-humanisme, pour le distinguer d’un humanisme affadi, éventuellement niais, confondu par ailleurs avec le sujet de la thérapie du bonheur dénoncée en son temps par Jacques Lacan, voire l’objet d’une psychothérapie autoritaire(4), qui coïnciderait partiellement avec celui de la psychologie humaniste américaine (5). Du point de vue de ce néo-humanisme l’idée de sujet débarrassée de ses illusions, « ré-écologisée » comme appartenant au contexte de l’univers dont elle aurait cessé de se prendre pour le centre, se trouve maintenue comme valeur indépassable (fondement des droits de l’homme). Cela conduirait à une complexification du concept de sujet, d’un sujet post-moderne conjoignant humanisme critique, individualisme et cadre de la relation.

on pourra consulter à ce sujet (!)

L’ouvrage de de Peretti, en ligne, est remarquablement bien fait.

ALLPORT Gordon, FEIFEL Herman, MASLOW Abraham, MAY Rollo, ROGERS Carl, Psychologie existentielle, Épi, 1971, 106 p.- Non réédité. 0 lire absolument.

BUBER Martin, Je et Tu, Paris, Aubier Montaigne, 1992.-

De PERETTI André, Présence de Carl Rogers, Érès.-

KECK Frédéric, DEBAENE Vincent. Claude Lévi-Strauss : l’homme au regard éloigné. Gallimard, 2009.-

LÉVINAS Emannuel. L’humanisme de l’autre homme. Paris, Librairie générale française, 1987, 122 p.-

RENAUT Alain. L’ère de l’individu. Paris, Gallimard, 1989, 303 p.-

SALATHÉ Marie-Noëlle, L’approche existentielle en psychothérapie.

SARTRE Jean-Paul. L’existentialisme est un humanisme. Gallimard [1996] 2009, 108 p.-

5 juillet 2011 – 14 sept 2012 – 2 octobre 2012 – 7 avril 2013 – Filiations & parcours date du 12 mars 2014 –


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