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1 décembre 2015

Il n’y a pas de causes sociales au djihadisme Paul Berman – traduit de l’anglais par Pauline Colonna d’Istria, précédé de « Agir en sorte que jamais Daech ne puisse / Sur ma tête inclinée planter son drapeau noir » par Philippe Grauer.

Agir en sorte que jamais Daech ne puisse

Sur ma tête inclinée planter son drapeau noir

par Philippe Grauer

le cauchemar contemporain

Comme le rappelle Edgar Morin notre époque doit faire face à deux grandes figures de la Menace, le retour du fanatisme – religieux ethnique, nationaliste, et le règne du Casino mondial du capitalisme sous sa forme financière, avec la figure terrifiante de la Dette. Daech contre Goldman Sachs et la Dette, terrible peplum. Ainsi sur fond de montée de la catastrophe écologique terminale, ainsi chauffe notre monde. Comment s’y retrouver avec cette bouilloire de sorcière ? D’abord l’émotion, ça y est, c’est la guerre chez nous (car elle n’a jamais cessé, là-bas, chez les autres) ! Ensuite les analyses et prescriptions. Paul Berman nous dit on arrête avec le discours expert, et le tout ça c’est de notre faute, pas d’affolement, pas d’illusion, la barbarie inscrite en nous ontologiquement, anthropologiquement, refait surface, elle est antique, recourons à la poésie antique pour en saisir le sens et l’effroi. Terrible rappel d’un fondement de la condition humaine. Pourtant la rage et l’emprise, c’est aussi deux de nos matières premières, individuellement nous savons un peu faire (quand on nous sollicite, quand les victimes ou complices nous consultent, rarement les bourreaux). La poésie, oui, mais tout de même continuons de réfléchir.

la rage, mélange toxique

La rage est le mixte d’une émotion, la colère, mêlée à un sentiment d’impuissance. Pour aller vite, quand l’émotion (évaluation des qualités sensibles de l’environnement en vue d’une préparation immédiate à l’action, en situation), passé son moment, ne s’est pas totalement déchargée, son reliquat suit un destin qui va la transformer en un complexe plus durable, appelé sentiment (haine par exemple)(1).

catharsis, crainte et tremblement cadrés

Ensuite, il faut développer une théorisation de la catharsis, qui explique comment, en relation, dans un cadre psychothérapique soigneusement déterminé, par frémissement émotionnel (le frisson relève du registre de la peur, je ne l’ai pris que pour exemple) je me libère de mon trop plein de peur, revenant du coup à une intelligence de ce qui l’a provoqué(e). La rage, les praticiens du psychocorporel (en particulier de l’analyse bioénergétique mais pas seulement) et des psychothérapies émotionnelles (méthodes appartenant à la psychothérapie relationnelle) savent ce que c’est, comment ça fonctionne, comment en quelque sorte la décomposer, comment permettre de la muer en une force à nouveau créative, par quoi la personne qui s’aliénait à elle puisse se recomposer, se reconstruire sur des bases plus conformes à ses propres valeurs, plus humaines (l’humanisme constituant une valeur forte à nos yeux d’héritiers de la psychologie humaniste, précisément). Ainsi nous détenons une théorie et une capacité de traitement de la rage qui l’extrait de l’îlot dans lequel l’a confiné Girard et plus généralement du domaine du sacré poétique. Sans devoir renoncer à la précieuse contribution que nous propose Berman.

fanatisme religieux prosélyte

Car ça, c’est ce qui se passe au niveau psychique individuel. Que se passe-t-il lorsqu’un fanatisme religieux (salafiste) prosélyte en relation avec une organisation politique fonctionnant sur le mode maffieux propose ses services à des éléments fragiles (souvent jeunes, depuis 2000 ans toutes les sectes du monde recrutent mieux auprès de jeunes en période de crise et construction identitaire) laissés en marge d’une société impitoyablement organisatrice du chômage et surtout de ce qu’on pourrait appeler un vide des valeurs ?

une simplicité à tous les sens du terme aveuglante

Que se passe-t-il lorsqu’une « religion » terriblement simplificatrice (croyants/mécréants, enfer/paradis) produit parmi eux des convertis (on connaît le zèle intempestif des convertis en général) devenus de « bizarres » mutants sous les yeux de leurs parents sidérés ? Les valeurs islamo-fascistes, conférant à ses pratiquants la droiture (d’extrême droite au demeurant) d’une doctrine pure, extrémistement orthodoxe, sont d’une simplicité à tous les sens du terme aveuglante : la soumission ou la mort(2). Par le moyen « radical » d’une multinationale de la terreur, un nouvel État de droit divin s’apprête-t-il à dominer le monde, aussi éternel que le IIIème Reich, en nouvel Empire de la Mort (voir pulsion de) ?

penser l’impensable et le complexe

Pour enrayer cette vague de folie totalitaire, contre le par cœur de la récitation coranique sans réfléchir, nous disposons de la réflexion, héritée des Lumières, de l’interrogation kantienne : qu’est-ce qui est juste ? qu’est-ce qui possible ? qu’est-ce que bien faire ? ce que nous appelons la critique, que nous tenons à l’origine de la grande civilisation arabo andalouse nous ayant transmis prolongés d’une création originale 1000 ans de philosophie grecque, combinée (Daech n’aime pas le mélange) à la pensée chrétienne et juive. Une idéologie aussi désolamment rustique que le jansénisme salafiste fallacieusement appauvri a besoin de têtes vides pour s’y développer. Nous avons quoi qu’en dise Paul Berman, la responsabilité de penser la situation en tant que complexe. De toute façon penser l’impensable est possible, ça a déjà été fait, depuis la montée des fascismes jusqu’à la réflexion sur la pulsion génocidaire(3), penser après Auschwitz, comme dit Jonas. À présent concevoir (après Jarry c’est facile) le décervellement. L’absolu de l’hybris poétisée peut y contribuer. Non exclusivement.

intrinsèquement pervers

Il faut aussi penser en termes d’analyse politique. Penser comment le groupe terroriste actuellement le plus riche du monde a pu se hisser jusqu’à la tentative de mise en place d’une sorte d’État d’aspect théocratique intrinsèquement pervers, comme disait Pie XII du soviétisme (autre débat, au passage cependant souvenons-nous que Staline sortait du Séminaire), cultivant la barbarie (monde sans pitié, cf. notre concept d’empathie) comme principe d’action politique. Régnant par le moyen de l’exécution massive des opposants, par la purification ethnique à grande échelle et l’administration de la terreur, par la contagion enthousiasmante d’un cri de guerre invincible (Islam barcia !), une organisation criminelle maffieuse s’implante en balayant les frontières du XXème siècle au cœur d’un Moyen-Orient convulsé depuis la fin de la seconde guerre mondiale. C’est pas de la rigolade, il y a de quoi avoir peur, et être tenté de congédier tous les modèles qui n’expliquent pas tout (mais pas rien non plus). Montrons-nous coopératifs, rassemblons les morceaux, ne jetons rien qui n’ait été soigneusement examiné, montons les en un cosmopolite manteau d’Arlequin.

Il faudra aussi penser la crise post coloniale en Occident, mais certainement pas pour déployer dans ce domaine les couleurs masochistes trompeuses d’une culpabilité à courte vue.

notre modeste expertise

Il va falloir, non congédier les avis de tous les experts, mais les assembler en dépit de leurs contradictions bien réelles, comme nous savons faire avec notre matière psy à partir de la méthodologie de l’intégration et de la multiréférentialité, sachant que nous ne découvrirons pas de modèle unifié parfait imparable, comme nos ennemis le prétendent avec la « vérité » qu’ils se proposent de nous imposer, mais le modèle insuffisant et improbable de la convivialité démocratique, et de ses valeurs d’ouverture. Responsables, produisons sans outrecuidance notre propre et modeste expertise, rassemblons les données, contribuons.

intelligence et stupidité de haut niveau

Et cela, nous devons l’entreprendre dès maintenant. Car il nous faut nous montrer résolus si nous voulons l’emporter, les fous furieux d’en face, combinant de façon redoutable intelligence et stupidité de haut niveau, le sont, eux, résolus. Ce qui représente le grand mérite de notre civilisation, depuis les Lumières, c’est le principe de tolérance, la conviction anti fanatique, l’anti obscurantisme religieux. Ces valeurs sont indispensables à l’exercice de la psychothérapie relationnelle et de la psychanalyse, qui les soutiennent en retour. Voici pourquoi j’ai pensé indispensable de chapeauter de la sorte le retentissant texte anti experts de Berman en appelant à la compréhension par le moment d’arrêt de la pensée qui ouvre sur celui de l’inspiration par la poésie, d’une réflexion sur la nature humaine quand la prend la démesure et la cruauté. Il faut entendre cela, mais ne pas s’en tenir à cela, qui à son tour tournerait trop court.

la bienfaisante catharsis qu’inspire Athéna

Puisque la pulsion de ravage, la violence fondamentale, nous tient tous, nous autres humains, et que qui nous déclare la guerre nous met la guerre au cœur, surtout épargnons-nous la rage, l’aveuglement et l’impuissance qui l’accompagnent. Champions supposés de la bienfaisante catharsis qu’inspire Athéna, trouvons la voie qui nous conduise fermement à contribuer à barrer l’horreur avec vigueur tout en préservant notre propre humanité de la contagion. Ce sera difficile, tâchons d’y contribuer par nos analyses (et notre pratique) et restons déterminés.

voir également

Fehti Benslama, « Pour les désespérés, l’islamisme radical est un produit excitant, »(propos recueillis par Soren Seelow), précédé de « Terrible manifestation de la connerie humaine : incalifiable » par Philippe Grauer [mis en ligne le 14 novembre 2015].
Élisabeth Roudinesco, « La déstabilisation de notre pays voulue par Daech passe par le fascisme » – précédé de « Trouver le moyen de s’orienter de façon juste au cœur de la crise » par Philippe Grauer [Mis en ligne le 16 novembre 2015].
Élisabeth Roudinesco, « La psychanalyse doit s’adapter aux souffrances contemporaines » – propos recueillis par Cécile Daumas. Précédé de « Rester humain au cœur du désastre » par Philippe Grauer.[Mis en ligne le 22 novembre 2015.]
Marcel Gauchet, « Le fondamentalisme islamique est le signe paradoxal de la sortie du religieux« , interview par Nicolas Truong [mis en ligne le 23 novembre 2015].
Henry Rousso, « On ne va pas rouvrir les abris anti-aériens », Tribune dans Libération, 20 novembre 2015 [mis en ligne le 23 novembre 2015]
Jürgen Habermas, « Le djihadisme, une forme moderne de réaction au déracinement »– propos recueillis par Nicolas Weill [mis en ligne le 23 novembre 2015].
Sarah Roubato, « Lettre à ma génération : moi je n’irai pas qu’en terrasse » [mis en ligne le 23 novembre 2015].
Isabelle Filliozat, « Nous sommes unis. Maintenant, qu’allons-nous faire ensemble ? » , précédé de « Malheur aux peuples d’un seul livre » par Philippe Grauer [mis en ligne le 25 novembre 2015].
Tahar Ben Jelloun, « dire la vérité aux enfants », précédé de « Bataclan expliqué aux enfants, et à nous tous », par Philippe Grauer [mis en ligne le 27 novembre 2015].
Anonyme, « Alliances entre fous furieux », précédé de « Comment les méchants deviennent bons et vice-versa mélimélo », par Philippe Grauer (which remains good) [mis en ligne le 29 novembre 2015].
Paul Berman – traduit de l’anglais par Pauline Colonna d’Istria, « Il n’y a pas de causes sociales au djihadisme », précédé de « Agir en sorte que jamais Daech ne puisse / Sur ma tête inclinée planter son drapeau noir » par Philippe Grauer [mis en ligne le 1er décembre 2015].


Paul Berman – traduit de l’anglais par Pauline Colonna d’Istria, précédé de « Agir en sorte que jamais Daech ne puisse / Sur ma tête inclinée planter son drapeau noir » par Philippe Grauer.

Il n’y a pas de causes sociales au djihadisme

par Paul Berman, traduit de l’anglais par Pauline Colonna d’Istria
LE MONDE 30.11.2015

causes profondes

Nous, les modernes, croyons en la doctrine des « causes profondes », selon laquelle de fortes pressions sociales sont toujours à l’origine de la rage meurtrière, mais les poètes de l’Antiquité ne voyaient pas les choses de cette manière. Ils considéraient la rage meurtrière comme un trait constant de la nature humaine. Ils pensaient, comme l’a écrit André Glücksmann, que « le principe destructeur nous habite ». Ou alors ils attribuaient cette fureur à des dieux irascibles dont les motivations, emportées et fantasques, ne nécessitaient aucune explication.

la rage elle-même

Pour les poètes, n’importe qui était susceptible de plonger dans une rage meurtrière – un peuple vaincu, une femme blessée ou une victime des dieux. C’est la rage elle-même qui suscita leur attention, non pas ses origines ou ses causes supposées. Ils consacrèrent toute leur science, poétique, à l’examen de la fureur : à ses rythmes, ses mètres, son vocabulaire, ses nuances, ses degrés d’intensité. L’Énéide est aussi bien une traversée de la Méditerranée qu’un parcours à travers les différentes mutations de cette rage.

une certaine logique impersonnelle de cause à effet

Nous, les modernes, préférons néanmoins les chercheurs en sciences sociales aux poètes, parce que nous pensons fondamentalement que le monde est soumis à une certaine logique impersonnelle de cause à effet, que les sciences sociales précisément nous révèlent. Nous sommes convaincus que, si un mouvement terroriste se déchaîne à travers le monde, sa cause est nécessairement à chercher dans un principe de destruction extérieur aux terroristes eux-mêmes.

Il y a autant de « causes profondes » du terrorisme islamiste qu’il y a d’experts en sciences sociales. Et elles disent tout et son contraire

autant de causes que d’experts

Nous nous tournons alors vers les spécialistes en sciences sociales qui, apparemment, n’ont aucune difficulté à en cerner la cause : c’est une question d’identité professionnelle. Que nous disent les économistes ? Que la folie terroriste a bien une cause profonde : la pauvreté. Et les géographes ? Que c’est l’aridification du Moyen-Orient qui a provoqué cette vague de terrorisme. Il y a autant de « causes profondes » du terrorisme islamiste qu’il y a d’experts en sciences sociales. Et elles disent tout et son contraire.

au final, ils préféraient se massacrer entre eux

On nous explique que la cause profonde du djihad islamiste est l’invasion et l’occupation militaire de puissances étrangères, comme en Tchétchénie et en Palestine, alors même qu’à Rakka, et ailleurs qu’en Syrie, ce sont les djihadistes eux-mêmes qui représentent des occupants étrangers. On nous dit que le chaos qui suivit le renversement des dictateurs ayant sévi pendant des décennies est à l’origine des mouvements terroristes, comme en Libye, alors que, dans le cas des terroristes marocains, c’est la frustration suscitée par l’impossibilité de renverser la monarchie qui est en cause. On nous explique que c’est le despotisme du général Sissi qui a entraîné l’explosion du terrorisme en Égypte, mais que c’est la fin du despotisme de Ben Ali qui en est la cause en Tunisie. On nous dit que le sionisme est la cause du terrorisme islamiste partout dans le monde, mais, en Syrie, les leaders mondiaux de l’antisionisme nous ont fait comprendre que, au final, ils préféraient se massacrer entre eux.

Contradictoires et fantasques

Avant 2011, on considérait que la présence américaine en Irak était à l’origine du terrorisme qui sévissait dans une partie du monde ; après 2011, c’est le retrait américain qui en est devenu responsable. Les inégalités économiques expliquent tout… comme les contrariétés de la vie dans les républiques égalitaires scandinaves. Le chômage explique tout ? Pourtant des terroristes surgissent au Royaume-Uni, où le taux de chômage est remarquablement bas. Le manque d’éducation explique tout ? Pourtant l’État islamique est dirigé par un homme diplômé en sciences islamiques, qui est à la tête du réseau de propagande sur Internet et sur les médias sociaux le plus sophistiqué du monde.

causes qui ne tiennent pas la route

On nous dit que l’islamophobie est la cause du terrorisme islamiste – alors que l’immense majorité des terroristes islamistes viennent de pays musulmans où l’islamophobie n’est vraiment pas le problème. Ailleurs dans le monde, en France, par exemple, c’est l’exigence intolérante faite aux immigrés de se conformer à la culture française qui aurait fait naître le terrorisme islamiste ; au Royaume-Uni, ce serait au contraire le refus multiculturaliste d’exiger d’eux une adaptation.

Il se pourrait que ce soit la doctrine des causes profondes elle-même, telle qu’elle se trouve développée en sciences sociales, qui échoue totalement à cerner les causes du terrorisme

mettre en cause la doctrine des causes profondes elle-même

Les causes profondes du terrorisme islamiste se révèlent, au bout du compte, aussi nombreuses que les divinités antiques, et aussi contradictoires et fantasques qu’elles. Il se pourrait que ce soit la doctrine des causes profondes elle-même, telle qu’elle se trouve développée en sciences sociales, qui échoue totalement à cerner les causes du terrorisme.

au cœur du sujet : la rage

Les investigations des sciences sociales réussissent à peine à identifier ce que Glucksmann appelait des « circonstances favorables », qu’il serait certainement crucial de connaître, si seulement nous parvenions à distinguer les interprétations valides des interprétations fallacieuses. Et pourtant, même la synthèse la plus pertinente et la mieux renseignée des circonstances favorables ne pourra jamais nous amener au cœur du sujet, à savoir la rage.

Doctrine antipoétique

C’est pourquoi la doctrine des causes profondes est profondément erronée. Elle encourage à prêter attention à tout sauf aux rythmes, aux mètres, au vocabulaire, aux intensités émotionnelles et aux nuances de la rage terroriste elle-même, c’est-à-dire à l’idéologie islamiste et à ses modes d’expression. La rage terroriste repose sur la haine, et la haine est une émotion qui est aussi un discours, en l’occurrence un discours élaboré composé de tracts, de poèmes, de chants, de sermons et de tout ce qui peut alimenter un système idéologique parfaitement huilé. Pour comprendre le discours, il faut disposer de ce que l’on pourrait appeler une « poétique ».

laisser son non sens à la rage insensée

Or, la doctrine des causes profondes est antipoétique. En cela, elle représente une régression par rapport à la poésie antique. Elle nous empêche de comprendre ceux-là mêmes qui veulent nous tuer. Pire : la doctrine des causes profondes nous induit à penser que la rage insensée, étant le résultat prévisible d’une cause, ne saurait être vraiment insensée. Pire : la doctrine des causes profondes nous conduit au soupçon que nous pourrions nous-mêmes en être la cause.

« ils l’avaient bien cherché »

Après les attentats du 11 septembre 2001, de nombreuses personnes ont considéré que l’Amérique avait eu ce qu’elle méritait. Il y a dix mois en France, on entendait que les caricaturistes de Charlie Hebdo l’avaient bien cherché, que les juifs l’avaient bien cherché. Et on commence déjà à entendre la même rengaine à propos des supporteurs du Stade de France, des gens venus dîner au restaurant ou écouter du rock. De cette manière, la doctrine des causes profondes, qui promeut une certaine forme d’aveuglement, nous enlève jusqu’à l’envie de résister.

Paul Berman est un écrivain et essayiste américain. Il est notamment l’auteur des Habits neufs de la terreur (Hachette Littératures, 2004) et de Cours vite camarade ! (Denoël, 2006). The New York Review of Books, The New Republic, ou la revue d’études juives Tablet ont publié ses articles. Historien de la gauche, il en a critiqué les positions à l’égard de l’islam radical, qui sont à ses yeux trop conciliantes. En 2003, il a défendu l’idée de la guerre en Irak, tout en condamnant la manière dont elle a été conduite par l’administration Bush.