par Philippe Grauer
Le premier devoir – peut-on dire le devoir fondamental par ces temps de fondamentalisme ? – du citoyen de nos sociétés occidentales, accompagnant le geste de se retrouver ensemble endeuillés, c’est de réfléchir, de collecter et élaborer des éléments de compréhension. Au contact avec la sensibilité de nos patients comme nous sous le choc, il nous faut faire face en qualité de professionnels à nos responsabilités dans le domaine intellectuel. Franchie la première étape d’accueillir l’émotion, et non d’y patauger, il serait recommandable d’éviter le double écueil du retrait apolitique et du sécuritarisme. Il nous reste alors, recourant aux bonnes sources, à nous mettre à penser sur la base de notre savoir et de notre pratique. Et de notre culture.
Élisabeth Roudinesco constate que nos psychanalystes contemporains, plus de neuf fois sur dix psychologues (parfois psychiatres) par décision institutionnelle datant d’après guerre, se sont transformés depuis les années fondatrices où la psychanalyse diffusée dans le monde de l’art, de la littérature, de la philosophie, subvertissait la culture occidentale puis mondiale. Devenus psychologues, elle rappelle que cette discipline a déteint sur eux. Certes ils se sont fait héberger académiquement en psychologie (après avoir colonisé la psychiatrie qui s’est depuis débarrassée d’eux) – ne lésinant pas au passage sur leur mépris (une grande spécialité de la discipline, au moins en France, le mépris) pour la discipline hôtesse. Par retournement hégélien connu comme poncif sous le nom d’ironie de l’Histoire, dénaturés dans une peau de psychologues, nombre de nos psychanalystes, désintellectualisés, ravis de leur titre d’exercice réservé à vocation paramédicale de psychothérapeutes, ont perdu leur capacité et qualité première de bousculer la noosphère.
Ça n’est cependant pas parce que la psychanalyse n’est pas une science que son corps de doctrine en tant que science humaine n’a pas besoin de remaniements. Les modernes d’aujourd’hui, rappelle Élisabeth Roudinesco, sont « ceux qui ont la capacité d’adapter la cure aux souffrances contemporaines ». Ce à quoi nous autres de la psychothérapie relationnelle (et de la psychanalyse intégrative, qui en fait partie) sommes naturellement candidats. Elle dessine deux lignes de continuité que la psychanalyse – à laquelle adjoindre notre discipline, en tant que partageant avec elle la base théorique et méthodologique de la dynamique de subjectivation – doit clairement dessiner dans le paysage de la recherche psy contemporaine.
1) il s’agit d’abord de la frontière avec les neurosciences, dont le développement considérable ne doit pas nous émerveiller (laisser le monde du merveilleux à la SF, splendide territoire), car mieux vaut ne pas prendre pour des lanternes les (superbes) vessies neuroscientifiques. L’âme ne s’imprime pas sur les circuits neuroniques. On ne voit pas une émotion quand les voyants de l’imagerie cérébrale s’allument, comme le légendent abusivement les commentaires de ce genre de clichés. On ne la voit pas davantage qu’on ne peut la peser, à la Duncan MacDougall découvrant les fameux 21 grammes. Pas de part des anges en neuroscience. Il convient de discerner les niveaux de réalité et ne pas tout confondre. Par définition les choses de l’esprit sont d’ordre immatériel. Il n’y a pas de mal à ça, ni de mystère là-dedans. À nous de ne pas tout confondre.
2) le deuxième tracé délimitateur se trouve du côté de l’éthologie. De fait nous sommes des singes. Ayant évolué jusqu’à la parole, ce qui constitue un saut qualitatif, le passage dans une quatrième dimension, celle du symbolique. Des singes doués de parole cela change tout. Certains animaux sont remarquablement proches de nous, se reconnaissant dans les miroirs, abordant déjà aux rives du concept d’autre. Partageant avec nous comme le souligne Élisabeth Roudinesco l’attachement, l’abandon, la souffrance, ce qui est considérable. Passionnant territoire de recherche, et même de législation, devant logiquement aboutir à l’élaboration d’un droit de l’animal. Une théorie darwinienne générale de l’émotion comme celle de Robert Plutchik nous ouvre dans ce domaine des perspectives passionnantes. Sans pour autant nous conduire à brouiller les frontières, à oublier le hiatus que l’accès à la parole articulée et au maniement des concepts crée entre nous et nos congénères en animalité. Homo sapiens sapiens, nous constituons une espèce parlante pensante ayant acquis la capacité de refaçonner son environnement (ce dont elle peut mourir), et la responsabilité de le respecter – autre histoire.
3) j’ajouterai une troisième ligne de séparation sensible, celle du monde de la spiritualité, mitoyen de notre domaine propre. En attendant l’occasion d’y revenir contentons-nous ici de la signaler.
Suivant les linéaments de mon propos je n’ai pas perdu de vue que nous praticiens de la psychothérapie relationnelle, peu introduits en psychologie, sommes du coup épargnés de la contamination culturelle qu’elle comporte. Cela nous situe au mieux, côté clinique et philosophique. Mais du côté du prestige culturel nos praticiens relèvent d’études académiques relativement courtes. Pas assez de docteurs chez nous. Et notre discipline n’a pas encore atteint le brio culturel que pouvait présenter au XXème siècle la psychanalyse littéraire et philosophique. Dans la tectonique des plaques psys notre continent émergeant prend sa place. Dans les années 70 la psychologie humaniste a secoué en profondeur la sensibilité culturelle contemporaine mais l’université positiviste a barré notre vague, qui n’a pas atteint la puissance irrésistible d’un mouvement intellectuel incontournable. Préparons notre prochaine poussée. À l’écart des pouvoirs publics. Surtout ne sollicitons pas d’eux une reconnaissance(1) qui ne serait que corporatiste, au demeurant illusoire, une reconnaissance que nous devons nourrir de nous-mêmes, soyons logiques. Nous valons et représentons mieux que ça.
Cette réflexion sur l’identité ne doit pas nous empêcher de penser déjà à tenir notre rôle dans le concert de réponses à apporter à la vague de barbarie qui bouleverse notre société. Élisabeth Roudinesco parlant pour la psychanalyse se tient au plus proche de notre vision du monde. À nos yeux tout aussi bien l’angoisse, donnée existentielle (cf. à ce sujet Yalom et Noël Salathé), signe de la condition humaine, se distingue de la peur, émotion de base, qu’on peut – ensemble – contenir. À nos yeux également l’expression « faire son deuil » représente une sorte de poncif mécaniste vide de sens. Quant à l’obscurantisme religieux anti Lumières par lequel elle qualifie l’islamofascisme, il trouve un remarquable écho dans l’article de Marcel Gauchet que nous présentons par ailleurs.
Nous devrons revenir sur les différentes façons de se représenter la complexe crise dont les vagues internationales d’attentats, signes de la mondialisation et d’une certaine façon, oui, de l’occidentalisation en marche de la planète, c’est-à-dire de la propagation irrésistible des universaux des Lumières et de leur paradigme culturel d’un individu responsable de lui-même parmi les autres, représentent des hoquets de l’Histoire.
L’intérêt de penseurs de la qualité d’Élisabeth Roudinesco c’est de nous permettre de déployer notre propre réflexion, et de nourrir notre Résistance à une représentation élégante et intelligente des secousses qui ces temps dernier nous assaillent. Tout n’est pas dit en un seul article. Il va falloir soutenir la nécessité de répondre à la guerilla terroriste faite à l’Occident et au déchaînement de la barbarie au quotidien sur de vastes territoires martyrisés, par une détermination et une fermeté anti-totalitaristes sans faille, et par un positionnement à l’opposé du discours de haine et de guerre, par une attitude humaniste. Mais ça fonctionne comment l’humanisme quand des millions d’être humains en droit d’être recueillis déferlent sur vos frontières ? ça fonctionne comment quand les bombardiers doivent s’envoler vers Rakka ou quand notre armée tente de contenir les crétins monstres de Boko Haram ?
Il faudra aussi procéder à une analyse du désastre qu’a constitué la seconde guerre d’Irak, la guerre fondée sur le mensonge de Bush, ayant directement engendré Daech. Il faudra pousser plus loin l’analyse historique et géo-politique des accords Sykes-Picot (1916), prendre en compte le génocide arménien et son impact à long terme, se pencher sur le traité de Lausanne (1923), comportant entre autre l’oubli de la promesse d’un Kurdistan. Sans parler ni de l’imbroglio alaouite syrien ni de la politique actuelle d’Israël. Comment désinflammer tant de malheur collectif ?
Décidément rester humain en situation sur-inhumaine devient difficile. Pourtant il va bien falloir. L’actuelle dignité dans la piété populaire aux autels spontanés rassemblant leurs bougies est toute de même rassurante, de maturité humaine et politique collective dans notre pays.
– Fehti Benslama, « Pour les désespérés, l’islamisme radical est un produit excitant, »(propos recueillis par Soren Seelow), précédé de « Terrible manifestation de la connerie humaine : incalifiable » par Philippe Grauer [mis en ligne le 14 novembre 2015].
– Élisabeth Roudinesco, « La déstabilisation de notre pays voulue par Daech passe par le fascisme » – précédé de « Trouver le moyen de s’orienter de façon juste au cœur de la crise » par Philippe Grauer [Mis en ligne le 16 novembre 2015].
– Élisabeth Roudinesco, « La psychanalyse doit s’adapter aux souffrances contemporaines » – propos recueillis par Cécile Daumas. Précédé de « Rester humain au cœur du désastre » par Philippe Grauer.[Mis en ligne le 22 novembre 2015.]
– Marcel Gauchet, « Le fondamentalisme islamique est le signe paradoxal de la sortie du religieux« , interview par Nicolas Truong [mis en ligne le 23 novembre 2015].
– Henry Rousso, « On ne va pas rouvrir les abris anti-aériens », Tribune dans Libération, 20 novembre 2015 [mis en ligne le 23 novembre 2015]
– Jürgen Habermas, « Le djihadisme, une forme moderne de réaction au déracinement »– propos recueillis par Nicolas Weill [mis en ligne le 23 novembre 2015].
– Sarah Roubato, « Lettre à ma génération : moi je n’irai pas qu’en terrasse » [mis en ligne le 23 novembre 2015].
– Isabelle Filliozat,« Nous sommes unis. Maintenant, qu’allons-nous faire ensemble ? » précédé de « Malheur aux peuples d’un seul livre » par Philippe Grauer [mis en ligne le 25 novembre 2015].
par Élisabeth Roudinesco
propos recueillis par Cécile Daumas
Libération, 20 novembre 2015
C’est le point de vue d’Élisabeth Roudinesco, historienne et psychanalyste, qui, pour L’Inconscient expliqué à mon petit-fils, a recours aux grandes épopées cinématographiques, tel Titanic. Revenir à l’origine de ce concept philosophique, c’est aussi se poser la question de la place actuelle de la psychanalyse dans le débat d’idées et dans les enjeux sociétaux (famille, éthique, etc.).
Remise en cause notamment par Michel Onfray ou par les neurosciences, cette école de pensée peut-elle encore apporter des réponses à une société en perpétuelle évolution ? Réponse enflammée et engagée d’Élisabeth Roudinesco.
L’inconscient est un concept philosophique dont Freud a hérité. On ne peut pas prouver l’existence de l’inconscient, mais dans toutes les cultures et depuis la nuit des temps, les êtres humains ont expliqué cette chose qui est ailleurs qu’en eux. Pour montrer qu’il existe un inconscient, il faut raconter des rêves, montrer des tableaux, voir des films, raconter des mythes. Rendre accessible l’idée que les humains ont quelque chose qui parle derrière eux.
Avant Freud, l’inconscient est un mythe, un destin qui s’accomplit à l’insu de l’homme. C’est Œdipe ou Ulysse. Mais l’inconscient est aussi un concept de la psychologie. Avant Freud, on l’appelait supraconscient ou subconscient. Le mot existait, mais Freud a donné une autre formulation au concept en disant, et c’est son apport majeur, que l’inconscient est le lieu inconnu de la conscience. Aujourd’hui, on dit « inconscient » et on pense immédiatement à Freud.
Ah non ! Il y a une histoire de la découverte de l’inconscient qui remonte aux temps les plus anciens. Freud désigne autrement une réalité qui avait été nommée avant lui. C’est ce que j’appelle une révolution symbolique et non scientifique. Freud n’a jamais été un scientifique au sens des sciences de la nature, c’est un penseur, un savant au sens du XIXe siècle. C’est pour cela que la psychanalyse est une médecine de l’âme et non de l’organe. Et c’est pour cela aussi qu’elle ne peut pas évoluer comme une science.
On n’appelle pas ça évolution, car ce qui était avant reste vrai. Il s’agit plutôt de remaniements. Avec la théorie de Galilée, vous ne pouvez plus appliquer Ptolémée à la compréhension de l’univers, alors que vous pouvez toujours appliquer Freud à celle de l’inconscient. L’évolution ne porte pas sur le corps de doctrine. Mais, à chaque moment, il faut remettre en cause ce qui devient un dogme. Une ouverture de la psychanalyse aujourd’hui serait d’appréhender les problèmes de la société tels qu’ils sont, c’est-à-dire différents de ceux des années 50 et encore plus de ceux du temps de Freud.
Cette demande a été un changement de paradigme en Occident. Il faut donc comprendre et penser cette modernité : pourquoi les homosexuels veulent rejoindre l’ordre familial ? Telle aurait été la démarche de Freud. Hélas, la plupart des psychanalystes ont basculé dans une attitude réactionnaire. Mais c’est en train de changer. Aujourd’hui, les praticiens de 40 ans ne disent plus que le complexe d’Œdipe interdit l’adoption d’un enfant par des parents de même sexe. Pourquoi ? Parce qu’ils reçoivent ces patients en consultation. Ils ne peuvent pas les mettre dehors en disant que le concept leur interdit d’exister.
Non, les concepts ne bougent pas comme cela. Quand on pense de nouvelles formes de famille, la seule chose qui tient n’est pas une psychologie de l’Œdipe, mais le simple fait que les enfants ont des parents. Ce qui tient et ce qui reste, c’est la famille. C’est un nouvel ordre de la famille à penser. Aucun concept valable n’exclut une situation, sinon ce n’est pas un concept. Ce que certains psychanalystes ont considéré comme hors de l’humain, hors du symbolique, n’était que l’évolution normale d’une société. Les modernes aujourd’hui sont ceux qui ont la capacité d’adapter la cure aux souffrances contemporaines. Comment l’adapter ? En faisant comme Freud : il accueillait des gens très différents. Un analyste aujourd’hui doit s’occuper de tous les patients sans distinction. Si une personne demande un accompagnement sur un ou deux mois, on ne la refuse pas, on l’écoute telle qu’elle est. Les névroses ou les problèmes psychiques se retrouvent partout, dans toutes les familles, quel que soit le niveau social.
L’idéologie scientiste est de deux ordres : montrer que l’inconscient est purement cognitif et, donc, le produit des plasticités cérébrales. En poussant le raisonnement jusqu’à sa limite, on arriverait à cette idée que les neurones pourraient écrire À la recherche du temps perdu sans le recours à une subjectivité. Que la neurologie évolue, c’est très bien, mais on ne trouvera pas de trace de l’inconscient dans les neurones. Le deuxième débat, plus important, met en scène des primatologues et spécialistes des animaux qui voudraient faire la jonction entre les primates supérieurs, les singes donc, et nous.
Qu’est ce qu’il y a de commun entre le monde animal mammifère et le monde humain ? L’attachement, l’abandon, la souffrance. Mais pas plus. Il n’y a pas le langage, ni la symbolisation, ni la pensée. Chez l’homme, l’inconscient est approchable par le langage, par les lapsus et les rêves. L’inconscient cognitif relève, lui, de l’instinct animal. Tous ceux qui voudraient faire parler les singes, et plus tard décréter que les robots sont des humains, me paraissent aller dans la science-fiction, qui est merveilleuse mais irréaliste. Dans La guerre des étoiles, qui raconte la lutte éternelle entre la liberté et la tyrannie – thème très actuel –, j’ai adoré que les animaux parlent, que les robots soient des humains, c’est magnifique parce que cela relève d’une mythologie humaine. Il y a cependant une césure entre les espèces animales et nous. C’est pour cela qu’on ne pourra jamais épouser les animaux.
Il y a un reflux de la pensée conceptuelle dans la psychanalyse. L’œuvre de Freud et la pensée psychanalytique appartiennent aujourd’hui aux historiens, aux érudits, aux littéraires. Les psychanalystes, eux, sont devenus essentiellement des praticiens parce qu’ils ont quitté les études d’histoire, de philosophie et de littérature pour la psychologie. Pour être psychanalyste, il est devenu quasi obligatoire d’avoir des diplômes de psychologie ou de psychiatrie. Le savoir psychanalytique se transmet, mais de façon un peu trop figée. Du coup, quand un événement de type nouveau survient dans la société, les psychanalystes ne sont pas saisis par des transformations intellectuelles, sociales et politiques. Ils sont dépolitisés et désintellectualisés. Il y a même une tradition d’apolitisme dans le milieu psychanalytique, c’est un vrai problème.
Oui, mais sans faire de la psychologie de bazar décliniste : la perte du père, la perte de ceci, la perte de cela. Il faut arrêter de psychanalyser la société de façon très psychologique. L’idée qu’il n’y a plus de père, plus de repères, on disait la même chose à la fin du XIXe siècle. On a toujours perdu le père, et ce depuis 1889, année où est promulguée la loi de la déchéance de la puissance paternelle. Un progrès considérable, mais à cette époque déjà on criait à la fin du père ! Tout cela, ce sont des fantasmes. S’ils parlent, les psychanalystes doivent rester sur leur pratique et leur clinique. Un psy ne peut pas devenir, comme leur demandent souvent les médias, un déchiffreur de la sexualité des hommes politiques. Combien de fois m’a-t-on demandé de porter un diagnostic sur les pathologies des gens célèbres ! Notre société veut que la psychanalyse montre des choses absolument évidentes et qui relèvent du bon sens. A-t-on vraiment besoin de la psychanalyse pour affirmer ce que tout le monde voit ?
On ne se remet jamais d’un tel événement, on le traverse, puis on surmonte lentement la douleur. C’est pourquoi il est inutile d’asséner aux gens des phrases du genre : «Vous devez faire votre deuil.» Je n’aime pas cette expression. Le deuil, c’est un travail qui se fait seul, c’est le remplacement de l’histoire traumatique par la mémoire, et cela commence par le fait de donner une sépulture aux morts et de manifester des émotions. La pratique, qui s’est généralisée, d’évaluer la souffrance psychique sur une échelle de 1 à 10 est une aberration. On a calqué cette prétendue évaluation sur celle de la douleur physique. Et on l’utilise pour les assurances et pour prescrire des psychotropes. En réalité, une telle souffrance ne s’évalue pas, et chacun réagit différemment en fonction de son histoire. Pour traverser une période de grande souffrance, il n’est pas nécessaire de consulter à tout bout de champ des «experts». En cas de traumatisme, chacun peut devenir son propre thérapeute. La plupart d’entre nous vivent ces attentats par procuration. La peur et l’angoisse peuvent être là, comment les combattre ?
L’angoisse et la peur sont deux choses différentes. L’angoisse est existentielle. Nous sommes tous angoissés. Mais la peur doit être surmontée. Elle peut être combattue, justement dans des rituels collectifs et dans la décision de ne pas y céder. J’ai beaucoup apprécié la réaction de tous ceux qui ont décidé de descendre dans la rue et de continuer à vivre, non pas comme avant mais pour aller de l’avant. J’espère que tout le monde aura compris que ces attentats sont dans la suite de ceux contre Charlie Hebdo ou l’Hyper Cacher. C’est l’obscurantisme religieux contre les Lumières. C’est au fond assez simple. Il faut cultiver l’esprit de résistance face à la tyrannie et à la barbarie et savoir que c’est la guerre. Il faut se souvenir de ceux qui ont su résister au nazisme et au fascisme et ne pas céder à la haine de l’autre.