RechercherRecherche AgendaAgenda

Actualités

Revenir

8 mars 2015

Raccourcis barbares Gilles-Olivier Silvagni – précédé de « Rester au contre-courant », par Philippe Grauer.

rester au (contre-)courant

par Philippe Grauer

Il existe un pensée de tradition anarchiste sur la folie, de longue date. Elle interroge la citoyenneté et l’éthique de la psychiatrie. Nous autres psychopraticiens relationnels, dans nos cabinets, la folie, nous ne faisons que la frôler. Dans la rue et dans la vie c’est autre chose, la grande majorité des schizophrènes se rencontre dans la rue nul ne le conteste, une grosse partie du reste se trouvant en prison. Cette pensée anarchisante prétendrait aisément que la folie n’est que le symptôme de la folie socio politique ambiante. Probablement pas si simple. Et puis on ne guérit pas de la condition humaine. Il demeure que l’incitation de ce courant de pensée comporte une utilité certaine. C’est dans ce sens qu’avance la réflexion psychanalytique de Gilles-Olivier Silvagni.

DSM & Big Pharma

Mais la folie renommée à l’enseigne de la santé mentale à l’horizon de notre pratique n’est pas notre seul souci. Nous sommes avoisinés, et enveloppés, par l’institution du DSM, à l’ombre de Big Pharma, comme ils disent, rendez-vous vous êtes cernés, comme pourrait le contre-dire Patrick Landman.

changement de paradigme

Le grand perdant dans l’opération, c’est la relation. Donc nous. Donc vous peut-être bien. Nous avons changé de paradigme. Au lieu de perdre son temps à s’interroger sur le sens de notre vie, confions-nous à Tonton Molécule, qui propose une pilule pour tous les types de situation. Bien entendu la médecine et la pharmacopée représentent une aide considérable à l’amélioration de la santé publique. Mais pas seulement. Pas seulement si l’on songe qu’en matière de psychisme les médicaments proposés en de très nombreuses situation ne savent pas soigner, encore moins guérir, mais doivent modestement se contenter de caler un handicap. On peut à peu près calmer un fou, mais pas sans un travail relationnel l’aider à mieux aller, à mieux ou moins mal vivre sa vie. Idem pour un névrosé de base, idem pour un organisation limite, oscillant entre névrose et psychose au quotidien, et en souffrant considérablement.

psychothérapie relationnelle : quand c’est la relation qui soigne

Cela représente une population considérable de personnes que la relation seule doit impérativement prendre en charge – concommitamment dans certains cas à une médication ramenée à des proportions (doses et temporalité) plus modestes que l’abus dénoncé de la médication française pour ne parler que d’elle.

compétents et indispensables

Or nous savons dans le domaine du soin relationnel quoi et comment faire, en s’appuyant sur le principe et du travail intersubjectif, et de la multiréférentialité (avoisinant utilement la pratique intégrative). Nous aussi sommes des spécialistes. Que les courants psycho officiels universitaires actuels nous oublient volontairement, par corporatisme et idéologie scientiste, ne doit point aveugler le paysage. Nous sommes là et bien là, et terriblement indispensables.

maintenir le paradigme de la subjectivation

La psychiatrie a changé de paradigme disions-nous. Elle a abandonné la référence à la psychanalyse. Il faudra comprendre comment et pourquoi, autre débat. Elle a également abandonné celle du champ de la psychothérapie relationnelle. Tout ce qui touche à la dynamique de subjectivation, par quoi je puis par le dialogue psychothérapique redevenir l’auteur ou autrice de mon existence. Nous, nous y tenons, et y tenons. Vital que nous maintenions notre rôle irremplaçable au sein du carré psy.

Les jours s’en vont je demeure

chantait Apollinaire. Nous aussi, demeurons. Paradigmatiques, stoïques (nous descendons des stoïciens), héros du quotidien clinique du travail relationnel. Nous maintenons le précieux héritage, et le faisons fructifier. Nos écoles sont là pour le transmettre, nos praticiens pour en appliquer la clinique, nos recherches pour en diffuser l’idéologie alternative.

C’est dans cet esprit que nous vous soumettons l’article qui suit. Qu’il contribue à soutenir un courant qui, pour couler à contre-courant, reste d’autant plus indispensable à l’équilibre global ambiant.

voir également

-* antidépresseurs – superbe documentaire [8 janvier] par Pr Jean Pierre Olié de l’Académie de Médecine et le Dr Patrick Landman de STOP DSM
-* la globalisation mondiale du TDAH : l’exemple français [Décembre 2014] par Patrick Landman
-* Qu’est-ce que l’attention ? [Juin 2014] par Patrick Landman
-* TDAH – un discours sur le cerveau qui ne tient pas la route [Mars 2014] par Patrick Landman
-* Pourquoi les neurosciences n’expliquent pas la folie ? [Mars 2014] par par Philip Thomas (trad. Patrick Landman), analyse d’Élisabeth Roudinesco, introduction par Philippe Grauer
-* Qu’est ce que la psychiatrie critique ? [Janvier 2014] par Philip Thomas, M.D., traduction Patick Landman
-* Dangerosité du DSM5 [Octobre 2013] par Patrick Landman
-* Stop DSM – Patrick Landman : tristesse buiseness [Avril 2013] par Gilles-Olivier Silvagni, précédé de « Devoir de résistance » par Philippe Grauer.

Notez que les intertitres sont de notre mise en ligne. PHG


Gilles-Olivier Silvagni – précédé de « Rester au contre-courant », par Philippe Grauer.

Raccourcis barbares

Publié le 22 février 2015
par Gilles-Olivier Silvagni

« Le prétendu ‘art de vivre’ des chemins les plus courts est, dans la logique de ses exclusions, une barbarie ». Hans Blumenberg in Le souci traverse le fleuve.

la folie requalifiée

En matière de santé mentale aujourd’hui, avec la défaite de la psychanalyse et la chosification de la psychiatrie au profit d’une industrie pharmaceutique toute-puissante, le chemin le plus court contre ce que l’on appelait jadis la folie, requalifiée en « maladie mentale », est le médicament.

L’aboutissement aujourd’hui en est une santé mentale érigée en norme internationale et qui désormais régit sous l’autorité absolue de l’État ce qu’il reste d’autonomie aux individus qui ont le malheur insigne de tomber sous sa coupe, et réprime sous couvert de soins les proscrits qui ne se conforment pas à cette normalisation, sans pour autant avoir la capacité de résister mentalement à son oppression.

La « santé-mentalisation » du soin psychique est constituée par les pouvoirs publics en une norme sanitaire mentale plus que jamais contrôlée, maîtrisée, chimiquée, aux mains d’un État qui veille sur notre sécurité et si besoin nous protège contre nous-même.

Big Brother chimiste

La barbarie, à grands coups d’anxiogènes de calmants de pilules roses, de psychotropes, de régulateurs d’humeur, administrés sans états d’âme dès la petite enfance, c’est désormais la normalisation par la camisole chimique : Big Brother aujourd’hui est chimiste, et le « vivre avec » dans des villes peuplées d’insomniaques et de drogués médicaux, impose de survivre « sous » traitements…
Ceux qu’il convient de normer dont il est ici question sont les fous, les artistes, les différents et les différants, les « anormaux », les étrangers, les nomades, mais aussi les enfants turbulents, et les cancres qui font l’école buissonnière, que l’on met sous Ritaline, bref, tous ceux qui volens nolens font des détours, ces fameux détours dont Hans Blumenberg dit qu’ils sont la culture même, « la culture, ce système de protection contre la barbarie ».

trouble > conduite à tenir

Et comme pour mieux prévenir tous débordements, la moindre incartade, la moindre déviance, la plus anodine originalité comportementale sont aussitôt dépistées, codexées, étiquetées comme « Trouble » et se voient d’autorité rapportées à une « conduite à tenir » standardisée et à un traitement-type édicté en laboratoire.
L’instrument psychiatrique de cette normalisation – qui sous couvert de distinguer le normal du pathologique désigne, définit et donc « cible » les déviances, les anomalies, les anormalités, les troubles, liste tout ce qu’il convient de normer, codifie sa logique d’exclusion, et s’érige en référence institutionnelle de l’inculture – est le DSM-5.

CAT

Cet instrument diagnostic peu ou prou obligatoire regroupe tout à la fois le repérage exhaustif des troubles et anormalités qu’il conviendrait de traiter, et un livre de recettes pharmacologiques édictant les prescriptions précises – et les sacro-saintes « CAT » lire : conduites à tenir – prescrites à des psychiatres institutionnels sans états d’âmes, devenus perinde ac cadaver, auxiliaires d’une médecine d’État.

Face à cette situation désastreuse, quelques courageux psychiatres, sont fort peu nombreux[1] qui osent s’élever contre une médecine étatique et sans âme : laquelle, à mesure qu’elle s’automatise et se déshumanise prône toujours plus les vertus improbables mais rassurantes d’un « care », véritable compassion d’État remixée à la sauce anglo-saxonne en triste travaux pratiques d’une éthique administrative, véritable ersatz de la solidarité et du respect de la dignité humaine, visant plus à pallier les inquiétudes morales des personnels et des fonctionnaires de santé eux-mêmes que le mal-être des patients.

trouble à l’ordre public

Avec la disparition des lieux de soins et de traitement, la norme thérapeutique aujourd’hui plus que jamais est la camisole chimique, chaque jour mieux perfectionnée, dont le tout premier objectif est d’empêcher qu’un supposé « trouble » individuel puisse causer quelque « trouble à l’ordre public ». Et l’on voit bien que d’un trouble à l’autre il s’agit avant tout d’éviter tout désordre social, rejoignant ainsi une tentative de psychiatrisation à outrance de tout ce qui est peu ou prou en dissidence et a fortiori dissident, afin que règnent sur une société sédatée, la loi et la norme d’un système de santé mentale aux ordres d’un régime politique en guerre contre les libertés fondamentales inscrites aux frontons de ses palais officiels.

Camisole de force, camisole chimique, camisole d’État

Hier encore, à l’aube du XXe siècle, le but premier de la médecine était d’étudier et de classer les maladies, sans véritable idée de soins autres que « palliatifs », pour employer une terminologie d’aujourd’hui qui s’applique pourtant assez exactement à la pratique médicale d’alors, mais réservée à ceux-là seuls qui en avaient les moyens financiers.

Faute de moyens thérapeutiques, la médecine presque toujours impuissante de cette époque tâchait d’appliquer à la lettre le fameux primum non nocere : avant tout, ne pas nuire, soulager toujours, guérir si Dieu le veut.

pavillons des agités

Pourtant à cette époque où la règle était d’enfermer les aliénés, d’abord afin de soustraire à la vue du public leur spectacle scandaleux et inquiétant, ensuite afin de garantir la sécurité publique, le soulagement des souffrances des fous n’était pas à l’ordre du jour. De sorte que si l’on veut résumer ce que le grand public peut savoir de cette époque du tout asilaire, l’enfermement et, au sein de l’institution asilaire, l’immobilisation forcée par les camisoles de force, qui comme on le sait avaient quelque peu humanisé les chaînes dont Pinel avait libéré les fous, étaient la règle, et la liberté de mouvements au sein même de l’asile, l’exception.

Les spectacles cauchemardesques et souvent présentés aux lecteurs de la presse et bientôt d’œuvres littéraires[2] avaient popularisé dans l’après-guerre l’existence au sein des asiles psychiatriques de ces fameux Pavillons des agités, lieux dantesques en effet réservés à des damnés de la société ligotés sur leur lit ou dans des baignoires.

fermeture des asiles

C’est seulement à la fin des années 1950 que sont arrivés les premiers médicaments permettant de calmer les fous enfermés dans les asiles, avec une efficacité tellement spectaculaire qu’ils permirent dans les décennies suivantes d’en finir avec les asiles bientôt remplacés par des hôpitaux psychiatriques où l’hospitalisation n’est plus de règle que pour des séjours limités à une mise sous traitements poursuivis en ville, et récemment au domicile des patients.
L’enfermement est ainsi depuis lors devenu l’exception, réservé aux cas les plus difficiles réputés dangereux, comme le dit la formule répétée à satiété par nos gouvernants, « pour eux-mêmes comme pour autrui ».

En somme, tout se passe comme si l’on avait voulu inculquer au public l’idée d’une progression continue dans l’amélioration du traitement des aliénés : des chaînes, on était passé aux camisoles, et de ces camisoles de force à des « camisoles chimiques » c’est-à-dire à des moyens de sédation remplaçant l’emploi de la force et les moyens de contention de jadis.

fou calmé = devenu raisonnable

Ainsi pour le public non informé comme pour tous ceux qui préfèrent ignorer les réalités de la psychiatrie, la suppression de la violence barbare des chaînes, puis des contentions brutales des camisoles de force, est ainsi perçue comme inscrite dans une démarche médicale de progrès et de plus grande humanité. Voire même vers un espoir de guérison, dans la mesure où l’on passe d’une violence intolérable, extrêmement spectaculaire, à des moyens « modernes », non violents, indolores, efficaces, de calmer les malades mentaux en crise ou susceptibles de prévenir des passages soudains à des actes insensés. Le grand public, en particulier les proches des malades, s’imaginant à tort, plus ou moins explicitement, qu’un fou calmé est déjà en somme, un fou que l’on commence à guérir, sinon un fou redevenu « raisonnable » – et supportable en société. C’est qu’en matière de santé mentale, ce que le public ignore ne nuit pas aux gouvernants.

rendre la folie invisible

Et le public ignore d’autant plus, que stricto sensu, il n’y voit rien : c’est que les méthodes modernes de contention chimique sont précisément imperceptibles aux passants des villes où désormais circulent les malades sous traitement, et sont recherchées notamment pour cette vertu qu’elles ont de rendre la folie invisible, de la sortir d’un spectaculaire redoutable et redouté des tenants de l’ordre public, offensant les bonnes mœurs et la vue des gens raisonnables.

ne pas confondre camisole chimique et traitement psychiatrique

Outre le fait que, contrairement aux idées reçues, les camisoles de force sont toujours employées à ce jour, faute de meilleure solution lors de crises de violences incoercibles afin d’éviter d’exposer les personnels comme les malades eux-mêmes à des risques extrêmes, ce que recouvre exactement l’expression trompeuse de camisole chimique est très largement ignoré du public, qui confond allégrement camisole chimique et traitement psychiatrique.

Relevons que ce dernier point est faux, sans pour autant être entièrement dénué de fondement. Ce qui explique en effet dans une large mesure cette confusion tient au fait, hélas toujours vérifié de nos jours, qu’il n’existe que très peu de traitements médicamenteux qui soignent la maladie mentale autrement qu’en atténuant voire parfois en supprimant ses symptômes, pour autant que le traitement soit constamment suivi : et encore s’agit-il de traitements à vie, tant il est vrai qu’il n’existe aucune possibilité de guérison définitive dans l’univers de la maladie mentale toujours susceptible de se manifester à nouveau malgré parfois jusqu’à plusieurs années de rémission apparemment complète.

tiers exclu : la relation

Dans la logique impitoyable de profit qui s’applique via le DSM, pour les plus grands bénéfices de l’industrie pharmaceutique au détriment de tous les systèmes de santé de la planète, le tiers exclu en matière de santé mentale se trouve être la relation, le relationnel : disons, pour faire court, toute approche fondée sur une relation interpersonnelle.

Là se trouve tout à la fois exclu et proscrit sous l’étiquette de charlatanerie, tout l’ensemble complexe empirique, inventif, cosmopolite bariolé imprévisible et non évaluable constitué par ce « relationnel », ou, si l’on veut, par les thérapies fondées sur la relation humaine, interpersonnelle : à commencer par toutes les psychothérapies d’inspiration analytique avec dans le viseur la psychanalyse, au travers de toutes ses écoles et de toutes ses disciplines.

Si celles-ci continuent pourtant à être pratiquées en milieu psychiatrique, le relationnel proprement dit est en voie de disparition dans nombre de services psychiatriques où la logique économique l’emporte de plus en plus sur les cliniques de la parole et de la relation, réputées par nature incertaines, non évaluables, et coûteuses.

Vers un bonheur sous contrôle

Les conditions dans lesquelles cette logique économique est en passe de l’emporter sur la logique psychiatrique dans un mouvement de « santé-mentalisation » sont remarquablement décrites par le psychiatre Mathieu Bellahsen[3] dans son livre sur la santé mentale, très explicitement sous-titrée Vers un bonheur sous contrôle. L’histoire de ce concept proprement dit est retracée jusque dans son emploi aujourd’hui dans une conception particulièrement pernicieuse d’une « gestion des masses » d’où le singulier est exclu et a fortiori toute approche relationnelle de la psychose.

Ici encore, la mise sous-produit se substituerait de plus en plus à toute thérapeutique interpersonnelle tout au moins au sein de l’Institution pour se retrouver exilée hors de l’hôpital public, alors même que s’esquissent des pistes et des idées porteuses d’espoir pour une renaissance ou une reconstruction de la psychiatrie, comme le montre l’excellent Dialogue avec moi-même de Polo Tonka[4]. Ce témoignage bouleversant et fécond apporte un éclairage unique sur ce qu’est l’expérience vécue de la psychose et trouve chez le psychiatre Philippe Jeammet un écho indispensable. Ce dernier, psychiatre renommé, n’hésite pas à montrer les effets délétères de cette soumission de la psychiatrie à une conception de la santé mentale qui induit une rupture catastrophique entre la psychiatrie, la psychanalyse et la société dans son ensemble.

Cette rupture délibérée, cet écart voulu entre santé mentale et psychiatrie suscite heureusement, au-delà des positionnements courageux et encore très minoritaires des 39, des initiatives remarquables, tant par leur inventivité que par ce qu’elles révèlent en retour d’abandon des pouvoirs publics : puisque l’Hôpital se ferme à la relation, il faut bien que cette dernière trouve une hospitalité ! A la question posée par les 39 « Quelle hospitalité pour la folie ? » le psychiatre Guy Dana répond par la création d’un hôtel thérapeutique, « l’Inattendu »[5], installé à deux pas de l’hôpital général de Longjumeau, démuni des moyens nécessaires à un accueil et un soutien psychologique capable de répondre à ces détresses.

mise au pas du singulier

Face à une entreprise sournoise de mise au pas du singulier, objet d’une méfiance d’État, face à la négation sinon à l’évitement pur et simple de la réalité du conflit psychique, la question est posée des conditions mêmes de prise en charge de la psychose, de la vie, de l’existence psychotique, au bénéfice de traitements mutilants et asservissants, sous contrôle : et cette question est clairement une question politique.

En ce monde de folie…

Il y a seulement quelques années de cela, au siècle dernier, une question était entendue clairement dans toutes ses acceptions culturelles morales et politiques : la capacité de bien s’adapter à une société malade est-elle un signe de bonne santé mentale ? Ce propos qui aujourd’hui passe pour une platitude, un lieu commun, un cliché, devient pourtant en ce monde de folie chaque jour d’une plus grande actualité.
Le voyage dans l’effroi et la nuit de la folie en évoque un autre, ce distique anonyme des mercenaires suisses de jadis :

« Notre vie est un voyage
Dans l’hiver dans la nuit,
Nous cherchons notre passage
Dans le ciel où rien ne luit. »

Nul espoir à l’horizon de voir un jour le politique oser enfin sans détours cette question que tous ceux qui approchent la psychose et qui gardent sur le monde contemporain un regard lucide ont en tête, en cette époque d’atrocités :

Qui est le plus fou

l’illuminé fanatique en djellaba armé d’un couteau de cuisine qui décapite un touriste de passage au nom de son dieu tout puissant et se couvre de sang ? Ou le fonctionnaire bien normé qui d’une pression du doigt, annihile la vie de « targets » pixélisées sur les écrans d’un drone, à des milliers de kilomètres de là ? Ou bien enfin, mon pareil, mon frère, mon semblable, qui meurt de peur devant le spectacle insupportable de ce monde de douleur, et, oui, de folie ?

[Refusé par la revue Cités pour son n° 61, cet article a été rédigé en septembre 2014]

________________________________________
[1] Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire. http://www.collectifpsychiatrie.fr/
[2] Hervé Bazin, La tête contre les murs (1949).
[3] La santé mentale. Vers un bonheur sous contrôle, Paris, La Fabrique, septembre 2014.
[4] Dialogue avec moi-même, Paris, Odile Jacob, 2013.
[5] http://www.longjumeau.fr/Solidarites/Sante/Une-reponse-inattendue-a-la-crise.
Ce contenu a été publié dans psychanalyse. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.
← La mort est leur métier?!