par Philippe Grauer
La situation ne brille pas de feux prometteurs pour la psychanalyse française, menacée par ceux des naufrageurs. Si l’on admet que la doctrine ringarde de la cause de l’autisme par une sorte de folie maternelle à laquelle le père sécateur n’aurait pas trouvé moyen de mettre un terme a causé d’importants dégâts, on comprend comment les parents d’enfants autistes sont remontés contre une discipline que certains ont entrepris de disqualifier radicalement.
Il ne s’agit pas de cela concernant la psychanalyse la vraie. Mais où est-elle et comment se manifeste-t-elle ? Il va sûrement se passer que le combat d’arrière-garde en bon ordre sera représenté en partie par la Cause freudienne, en espérant que ses lacaniens virulents n’appliquent pas la stratégie d’Antigone d’un jusqu’auboutisme qui les fasse dogmatiser mordicus contre les dogmatiques d’en face et seulement cela.
Il faudra convaincre la HAS qu’une démarche intégrative en matière d’autisme ne saurait nuire bien au contraire. Quand on voit le degré d’exaspération atteint on mesure le chemin à parcourir.
Nous autres modestes psychopraticiens relationnels, avons dans nos cabinets affaire à l’autisme via les parents qui recourent à nous. Nous n’avons jamais adopté l’attitude justement décriée de psychanalystes de bazar ajoutant au malheur des parents celui de se voir culpabiliser injustement. Nous ne saurions nous réjouir de la déconvenue méritée certes mais sévère au point de confondre la discipline avec des pratiques aberrantes, de certains de nos collègues hospitaliers psychiatres-psychanalystes (il en reste) – cette phrase ne visant en aucun cas des gens de la qualité du professeur Delion on l’aura compris. De la psychanalyse nous restons soucieux de sauver l’essentiel, le message la théorie et la clinique dans ce qu’ils ont de juste et de riche d’inspiration pour tout praticien de la dynamique de subjectivation, pour tout intellectuel tout simplement.
Ce trésor commun nous devons contribuer à le préserver. Des psychanalystes ouverts, à la clinique juste, espérons qu’il en reste assez pour maintenir la discipline dans la bourrasque. Nous resterons aux côtés de ceux-là.
-* Packing – convoqué par l’Ordre le Pr. Delion s’explique [18 février 2012] entretien Quotidien du médecin, conduit par David Bilhaut, précédé de « Pour une démarche intégrative humaniste, contre la guerre des emmurés » par Philippe Grauer
-* autour des enfants autistes, une bataille de bac à sable [14 février] par Laure Daussy
-* autisme – guerre ouverte contre la psychanalyse [17 février] par Catherine Vincent – Le Monde 17 février
-* autisme – quel jugement pour quelle cause ? [16 février] précédé de « Conviction peu convaincante » par Philippe Grauer
-* autisme – la HAS prend position [14 février] par AFP/PHILIPPE HUGUEN, précédé de Psychanalyse, récifs en vue, par Philippe Grauer
-* Autisme dans Libé [13 février] par ERIC FAVEREAU, précédé de « Pour une démarche intégrative« , par Philippe Grauer.
-* Autisme– les psychologues freudiens entrent dans l’arène [6 février] par InterCoPsychos N° N°327
-* Autisme – à propos du packing [6 février] par Pierre Delion
-* Autisme : Delion, packing, inquiétante comparution [6 février] par sans auteur
-* Autisme : Guy Baillon écrit au Conseil de l’Ordre [6 février] par Docteur Guy Baillon, Psychiatre des hôpitaux
-* Les batailles de l’autisme : hier et aujourd’hui [6 février] par Jacques Hochmann, précédé de « Y voir clair dans la question de l’autisme » par Philippe Grauer
-* Psychanalystes, encore un effort pour ne pas délirer sur l’autisme ni adhérer aux positions d’Edwige Antier [6 février] par Michel Rotfus, précédé de « À droite, droite ! » par Philippe Grauer
-* psychanalyse et autisme : la polémique [31 janvier] par Élisabeth Roudinesco – précédée de « Résister à la bêtise de l’autre démultipliée par la sienne propre », par Philippe Grauer
-* Autisme : la psychanalyse en procès [30 janvier]
-* autisme – appel à soutien à Pierre Delion et David Cohen [29 janvier] précédé de « Ne pas jeter l’enfant avec l’eau du soin humide », par Philippe Grauer
-* autisme packing – Lettre ouverte des 39 par Collectif des 39 [27 janvier 2012]
-* Autisme – dossier [22 janvier]
-* Autisme – une maladie grave aux multiples visages [17 janvier] par Élisabeth Roudinesco
-* Autisme : dogmatismes en duel au tribunal de Lille [Décembre 2011] par Stéphanie Maurice
-* Autisme : les emmurés de l’indicible [Novembre 2010] par Élisabeth Roudinesco chronique Henri Rey-Flaud
-* Autisme : Les enfants de l’indicible peur [Octobre 2010]
-* L’autisme au cœur de l’humain. Approche psychanalytique [Octobre 2010]
-* Autisme — halte à la désinformation ! [Mai 2009] par Caroline Eliacheff. Précédé de « Pas l’un ou l’autre mais l’un & l’autre » par Philippe Grauer
-* Autisme — lettre ouverte aux parents d’autistes, à leurs éducateurs et soignants [Avril 2009] par Pierre DELION — introduction de Philippe Grauer
-* Autisme à nouveau [Octobre 2008] par Par Isabelle Fauvel , du Collectif InterCoPsychos de Saint-Malo, avant-propos de Philippe Grauer
-* Henri Rey-Flaud expose avec clarté les théories, approches et hypothèses sur l’énigme de l’autisme [Mai 2008] par Élisabeth Roudinesco, suivi de 8 commentaires.
-* Autisme et impasses de la médecine chroniqués au Monde des livres [Avril 2008] par Élisabeth Roudinesco, avant-propos de Philippe Grauer
-* Sandrine Bonnaire témoigne [Janvier 2008] par Éric Favereau — précédé de « Sandrine Bonnaire sans haine dit la souffrance » par Philippe Grauer
-* Sandrine Bonnaire, sa sœur, l’HP ordinaire. [Janvier 2008] par Libération
AFP/PHILIPPE HUGUEN
Dans un rapport à paraître le 6 mars, la HAS a désavoué la psychanalyse dans le traitement de l’autisme. La présidente de la principale association de parents d’enfants autistes, Danièle Langloys, se félicite de cet avis.
La prise de position de la Haute autorité de santé (HAS) sur les méthodes adéquates pour accompagner les enfants autistes était très attendue. Ses « recommandations de bonne pratique » » seront rendues publiques le 6 mars, mais le quotidien Libération en a révélé aujourd’hui le point clé: « L’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur les approches psychanalytiques, ni sur la psychothérapie institutionnelle« .
Ainsi, le groupe de travail réuni par la HAS classe la psychanalyse parmi les « interventions globales non recommandées ou non consensuelles ». En des termes prudents, il désavoue très clairement ce mode d’intervention, toujours utilisé en France auprès des enfants autistes, alors qu’il ne figure dans aucune recommandation internationale. Les conclusions de la HAS ne constituent pas une interdiction de la psychanalyse, puisque les « recommandations de bonne pratique » ne sont pas opposables sur le plan juridique. Mais elles constituent une référence, quant à l’exercice approprié de la médecine, et les magistrats les prennent en compte lorsque des affaires sont portées devant les tribunaux. Sollicitée par L’Express, la présidente de la principale fédération d’association de parents d’enfants autistes, Autisme France, Danièle Langloys, salue « l’objectivité » de la HAS. « Le désaveu de la psychanalyse est une victoire acquise de haute lutte« , ajoute-t-elle.
Il s’agit en effet d’un tournant historique, dans la prise en charge des troubles envahissants du développement (TED), une dénomination regroupant les difficultés de communication apparaissant dès l’enfance, dont l’autisme. Car deux écoles s’affrontent, en France, dans une guerre totale qui perdure depuis des années. D’un côté, les psychiatres d’obédience psychanalytique, vilipendés sur les forums de discussion fréquentés par les parents sous le diminutif vengeur de « psykk« . Ils considèrent l’autisme comme un problème psychique causé par une mauvaise relation avec la famille, la mère en particulier, bien que ces théories aient été invalidées par les neurosciences. De l’autre, les psychiatres et psychologues qui défendent les nouvelles méthodes éducatives et comportementale utilisées à l’étranger.
Il existe en effet un consensus international pour définir l’autisme comme un handicap, dans lequel les capacités à échanger avec l’entourage sont altérées, et qu’on peut compenser. Ces équipes, encore trop peu nombreuses, comptent d’ailleurs sur l’avis de la HAS pour convertir leurs pairs. Ains, le Dr Nadia Chabane, pédopsychiatre à l’hôpital Robert Debré, à Paris, responsable du pôle autisme depuis 1996, estime que celui-ci clarifie la situation. » Les prises en charge comportementales et éducatives fonctionnent bien, confirme-t-elle. Il faut que l’information passe dans toutes les structures qui interviennent auprès d’enfants autistes ».
quant à la manière d’éduquer les enfants
Les parents, eux, se rangent massivement dans le deuxième camp. En tout cas, ceux qui ont rejoint les associations, nombreuses, pour que l’autisme soit mieux pris en charge. La présidente d’Autisme France, Danièle Langloys, a fait partie du groupe de travail qui a élaboré les recommandations de la HAS. Pour cette femme de 62 ans, dont le fils autiste a aujourd’hui 27 ans, la lutte est plus que jamais d’actualité. « Les psychiatres psychanalystes ont fait la guerre aux familles pendant trente ans, s’indigne-t-elle. Il était grand temps de les contrer« . Et d’ajouter: « Beaucoup de parents, trop isolés, ne connaissent pas leurs droits et sont encore terrorisés à l’idée de s’opposer aux médecins qui suivent leur enfant. Mais la nouvelle génération, mieux informée, est plus radicalisée que la précédente. Elle est entrée en résistance et défend le libre choix, quant à la manière d’éduquer les enfants« . Elle conclut: « Chacun pense ce qu’il veut de la psychanalyse, ce n’est pas notre propos, mais elle n’a rien à faire dans le champ de l’autisme« . Jusqu’ici, les parents militants dans les associations passaient souvent pour des extrémistes, dont la détresse expliquerait la virulence des propos. La position de la HAS lève cette ambiguïté.