Par Philippe Grauer
CHEVAL DE BATAILLE de l’antipsychiatrie des années 60-70, inhumain traitement aussi ravageur qu’incertain, auquel de nombreux psychiatres refusent toujours de recourir, l’électrochoc rebaptisé (changer le nom au lieu de la chose se fait beaucoup décidément ces derniers temps dans le monde psy) a repris du service activement depuis deux décennies. Le principe de l’ « électropsychiatrose » – découvert lors du traitement infligé aux cochons qu’on saigne pour les matraquer et qu’ils crient moins – est simplicissime. Cela consiste à administrer une longue série de coups de pieds vigoureux dans le caisson de la machine résistant à tout autre dépannage. On passe ainsi de l’émotion non à la commotion mais directement à la convulsion, non sans séquelles. Des fois ça repart – au moins pour un temps. Sauf qu’en cours de route on a grillé la mémoire (sans compter le reste). Cela s’applique en désespoir de cause aux personnes résistant à tout, donc aux médicaments, qu’elles soient psychotiques ou non, parce qu’il faut bien tenter une dernière chose. Parce qu’il faut bien faire. La psychiatrie contemporaine ne sait que faire. Cette phrase à terrible double sens donne une idée des limites humaines dans le domaine de la médecine de l’âme. L’impuissance ça existe aussi.
Certaines fois on se prend à penser que ne rien faire serait tout aussi avisé et nettement moins ravageur, ne rien faire sinon contenir humainement (eh oui, humainement) et dynamiquement (y compris quand le surplace régressé est impressionnant), psychothérapiser en un mot, mais quel mot ! – ça tombe bien, puisque tout psychiatre, de droit divin et génétique, est psychothérapeute (il suffit qu’il s’inscrive sur le registre) – et attendre, la reprise du processus d’évolution de la personne. Ne rien faire sinon se mettre à l’écoute, une écoute tenace, sensible, intelligente, « armée » comme on dit, de psychanalyse et de psychothérapie relationnelle plus que de DSM, et modeste. Du grand art psychothérapique, au sens plein du terme, relationnel.
En pareil cas, où rien n’est ni simple ni facile, psychothérapiser relève d’une patience assidue, d’un sens clinique aiguisé et avisé, peut s’aider utilement de la psychanalyse et de la psychothérapie relationnelle, requiert une humilité thérapeutique à toute épreuve, des séances dépassant largement le quart d’heure classique d’un psychiatre normalement débordé, et bien entendu bénéficie toujours d’un travail en réseau et équipe. La psychothérapie institutionnelle représente une alternative recommandable, sachant qu’aucun système miracle n’existe actuellement, mais que la relation, déclinée sous toutes ses formes, reste le principe sur lequel il reste fondamental de s’appuyer. Les ex psychothérapeutes relationnels – dorénavant psychopraticiens relationnels – peuvent intervenir, en ambulatoire, auprès de personnes en grande difficulté que leur adresse un psychiatre, la navette entre les deux pouvant s’avérer heureusement complémentaire. On comprend pourquoi notre déontologie nous impose une supervision constante.
On remarquera l’aspect technoscience de la terminologie : sismothérapie, électroconvulsivothérapie, ECT. ECT permet d’accéder au summum de la langue de bois scientiste. L’acronyme hygiénise opportunément la réalité qu’il innocente. On reverra à se sujet profitablement de Milosz Forman l’admirable Vol au-dessus d’un nid de coucou. Et l’on se souviendra que dans le corps de la psychiatrie on rencontre d’excellents psychiatres, humains et compétents, tels les 39 contre la Nuit sécuritaire.
La fiche qui suit fiche provient d’une compilation d’informations recueillies sur internet à ce jour (juillet 2011).
La sismothérapie ou électroconvulsivothérapie (ECT) est une méthode de traitement par l’électricité utilisée en psychiatrie, consistant à délivrer un courant électrique de forte intensité sur le scalp, ce qui engendre une crise convulsive généralisée. L’application du courant est précédée d’une anesthésie générale de courte durée, environ 5 minutes. Ce traitement était anciennement plus connu sous le nom d’électrochoc ou d’électronarcose.
Ses indications sont les états dépressifs sévères, pour l’essentiel (les troubles de l’humeur en général, certaines formes de schizophrénie accompagnée de manifestations thymiques). L’anesthésie générale est couplée à une curarisation , ce qui évite les complications qui, entre autres, ont contribué à la mauvaise réputation de la sismothérapie : fractures vertébrales, luxations. Des séries de plusieurs chocs (une dizaine le plus souvent, mais parfois plus selon les individus) sont en général nécessaires pour obtenir un résultat.
Même si la technique a beaucoup évolué, ce traitement reste encore très discuté et nombre de psychiatres refusent de l’effectuer.
Les appareils de convulsivothérapie délivrent des stimulations électriques par impulsions, de durée variant de 0,5 à 2 ms, de fréquence 70 Hz, avec une durée totale de l’ordre de 4 s et une énergie de l’ordre de 70 joules .
Le geste technique se déroule pendant que le patient est sous anesthésie générale brève (de l’ordre de 5 minutes) ce qui permet au patient de ne garder aucun souvenir de l’épisode.
De façon très concrète : le jour même, du fait de l’anesthésie, le patient doit arriver à jeun. Il peut venir d’un service de psychiatrie où il est hospitalisé, mais aussi parfois de son domicile (en particulier en cas de séances « d’entretien »).
Le patient est alors installé, « monitoré », c’est-à-dire qu’on lui installe des appareils de mesure de la tension artérielle, des battements du cœur , de l’oxygénation du sang (oxymétrie colorimétrique), pour la surveillance de l’anesthésie ; et on enregistre également l’électroencéphalogramme.
Une perfusion est nécessaire pour l’anesthésie générale. Les électrodes crâniennes sont installées au niveau du front. Le patient est anesthésié et un curare d’action rapide et courte (de préférence la succinylcholine ) est administré pour éviter les contractions musculaires. On protège les dents du patient avec des compresses, car les mâchoires peuvent se serrer fortement. La bonne oxygénation du patient est assurée par une ventilation manuelle avec un masque et un ballon.
Le courant est alors délivré brièvement. Il provoque une crise convulsive, qui se résout en quelques minutes au maximum. On a observé une meilleure efficacité des séances si l’arrêt de la crise est net.
L’anesthésie se termine, et le patient se réveille. Il est le plus souvent confus au réveil , cette sensation disparaît plus ou moins vite selon les patients. La personne est alors surveillée en salle de réveil, en attendant que l’anesthésie se dissipe totalement.
Le patient peut ensuite retourner dans le service hospitalier, sera autorisé à manger quelques heures plus tard et pourra regagner ensuite son domicile si les critères de l’anesthésie ambulatoire sont remplis
Les effets secondaires à long terme concernent essentiellement la mémoire, en particulier le souvenir de la période de la cure. En 2007 fut publiée une étude démontrant que les électrochocs provoquaient non seulement une perte de mémoire, mais également une baisse des capacités cognitives (apprentissage et pensée) Les troubles de mémoire régressent habituellement, mais la récupération requiert le plus souvent plusieurs mois, voire, persister au-delà.
Les ETC pourraient accroitre le taux de suicide. Le risque serait particulièrement élevé au cours de la première semaine consécutive au traitement, comparativement aux autres patients.
Des troubles de mémoire et de l’orientation sont incontestables. La technologie permettant de mesurer précisément l’impédance du patient, la délivrance de trains d’onde impulsionnels remplaçant les courants sinusoidaux anciennement utilisés, ont diminué la sévérité de ces effets secondaires
L’accord écrit du patient est obligatoire avec consentement éclairé.
Le traitement par électrochoc, ou sismothérapie, consiste en des décharges électriques de 100 à 200 volts à travers le cerveau, d’une tempe à l’autre (électrochoc bilatéral), ou du front à l’arrière et sur le côté du crâne (électrochoc unilatéral).
Son mode d’action est inconnu, quoique plusieurs hypothèses soient avancées. Le but est de produire volontairement un état de « grand mal épileptique » (crise d’épilepsie) au moyen d’un courant électrique à administration trans-cranienne.
Le nombre total de séances à visée thérapeutique se situe habituellement entre 4 et 20, deux à trois fois par semaine. Comme le taux de rechute est assez élevé (entre 35 et 80% selon les études) surtout sans antidépresseur en relais, il faut pratiquer un traitement de consolidation. (ANAES, Indications et modalités de l’électroconvulsivothérapie, 1998)
-1. Lorsque le courant de haut voltage frappe le cerveau, il submerge les mécanismes protecteurs normaux du système nerveux central. Le mécanisme « amortisseur » qui évite que les nerfs ne se stimulent trop l’un l’autre est le premier à disjoncter. Un énorme orage électrique cérébral se déclenche à travers le cerveau et dure plusieurs minutes. Ceci épuise complètement les réserves d’oxygène et d’éléments nutritifs du cerveau et est suivi d’un profond état comateux. Toutes les fonctions normales du cerveau sont détruites.
-2. D’importants changements du métabolisme et de l’afflux de sang au cerveau sont nécessaires pour faire face à la crise. Bien que le cerveau ne représente que 2 % du poids du corps, il utilise normalement 20 % de sa provision d’oxygène à cause de son taux élevé de métabolisme. L’attaque provoquée par le choc électrique accroît le métabolisme du cerveau d’environ 400 %, augmentant ainsi ses besoins en oxygène et en substances nutritives dans les mêmes proportions.
-3. Afin de répondre à la demande d’oxygène et d’éléments nutritifs nécessaires pour conserver le cerveau en vie durant la convulsion, l’afflux de sang au cerveau doit être augmenté aussi d’au moins 400 % . De ce fait, la pression sanguine s’élève de 200 % dans le cerveau avec des résultats catastrophiques.
-4. Cette tension artérielle extrêmement élevée dans le cerveau et la défaillance de la régulation de ce flux pendant l’attaque, provoquent l’éclatement de petits, et parfois même de gros, vaisseaux sanguins. De nombreux décès, pendant ou juste après l’électrochoc, sont dûs à ce facteur d’hémorragies cérébrales.
5. Le choc électrique endommage la protection sanguine du cerveau. Cette protection est en fait un mécanisme défensif qui protège l’intégrité chimique du cerveau des matières et des fluides étrangers qui pourraient s’infiltrer et ainsi modifier ou endommager la structure délicate et la fonction du cerveau. La perte de cette barrière protectrice expose les tissus à des composants du sang desquels ils sont normalement protégés. Ceci inclut des drogues de toutes sortes, des protéines, des toxines et autres petites molécules qui ne traverseraient pas normalement cette protection sanguine du cerveau.
-6. La combinaison de l ‘élévation de la tension artérielle dans le cerveau, des hémorragies et de la rupture de la barrière de protection sanguine provoquent un gonflement du cerveau. La haute pression chasse les protéines et autres substances hors des vaisseaux, désormais poreux, vers le cerveau, et les fluides suivent à leur tour. Les tissus commencent à enfler , pressant le cerveau contre la boîte crânienne. Ce processus, une fois amorcé, devient un cercle vicieux. Comme la pression augmente et comprime le cerveau contre le crâne, les capillaires se ferment et leur enveloppe est endommagée par le manque d’oxygène, les rendant ainsi encore plus poreux. Ceci conduit à un gonflement et à des dégâts plus importants.
-7. Le gonflement restreint l’apport de sang à certains neurones, le réduisant au-dessous du niveau élémentaire indispensable. Les cellules nerveuses et autres tissus, privés d’oxygène et d’éléments nutritifs, sont détruits et meurent.
-8. Quand bien même cet oxygène est fourni, les neurones meurent lorsqu’ils ont épuisé les sources d’énergie dont ils ont besoin pour fonctionner. Comme le cerveau tarit sa source d’éléments nutritifs, il est irréversiblement endommagé. Si bien que, même quand de l’oxygène est fourni, la raréfaction de ces substances nutritives nécessaires endommage le cerveau et provoque l’état comateux qui suit toujours l’attaque.
-9. L’électrochoc entraîne donc la modification de la composition chimique du cerveau. La synthèse de l’ ADN et des protéines est inhibée. Un dérèglement des neuro-transmetteurs et d’autres enzymes associées apparaît. La fonction de « centrale de distribution » de la structure chimique du cerveau est ainsi détériorée. Il en résulte une perte de mémoire et de l’orientation spacio-temporeIle.
-10. A la suite d’électrochocs, il y a une élévation notable de la quantité d’acide arachidonique dans le cerveau ( acide gras présent dans les cellules vivantes). De grandes quantités de cette substance causent de petites attaques partout dans le cerveau. Comme avec la rupture des gros et petits vaisseaux sanguins, ces dégâts au cerveau surviennent au hasard et ne sont pas limités à la zone assaillie par le choc électrique, et peuvent conduire à la mort.
Ces données médicales proviennent des études suivantes :
– Dr Peter STERLING, Professeur de Neurobiologie de la Faculté de médecine de Pensylvanie, Les dommages causés au cerveau et les pertes de mémoires dues aux électrochocs.-
– Dr John FRIEDBERG, neurologue, Les traitements de choc sont mauvais pour votre cerveau, Publications Glide, San Francisco.-
– Léonard ROY FRANCK, Histoire du traitement de choc, éd. NAPA, San Francisco.-
– Dr Thomas SZASZ(1), psychiatre auteur de Insanity – The Idea and its Consequences (La folie – l’idée et ses conséquences), John Wiley & Sons, New York,1987.-
De nos jours, une anesthésie générale et d’autres injections accompagnent l’électrochoc comme il est précisé dans l’Encyclopédie médico-chirurgicale.
– la prise de narcotiques : « a pour but d’alléger l’angoisse mentale »
– la curarisation : a pour but » de prévenir des accidents traumatiques
secondaires aux convulsions engendrées par l’électrochoc « Une anesthésie générale précède la curarisation afin que le sujet ne soit pas impressionné par la paralysie des muscles respiratoires. » Si ces éléments réduisent les manifestations spectaculaires (angoisses, tétanisations et secousses du corps), les dégâts causés au cerveau – décrits dans les 10 points précédents – sont eux toujours présents.