État ou sensation pénible dit le TLF d’entrée de jeu, qui distingue trois niveaux de sens à cette pénibilité éprouvée :
1)
C’est l’état ou sensation pénible physique. Gêne, incommodité, difficulté de quelque chose : ce qui augmentait le malaise à la montée. Le malaise matériel est en dessous de la douleur terme qui n’apparaît jamais dans le dictionnaire de langue.
2)
Trouble passager de la santé. Des malaises fréquents. Cela peut atteindre le niveau médical : malaise cardiaque. Surgit, relevant de la médecine, le terme trouble, que l’on retrouvera dans le DSM.
3)
dit le dictionnaire,
ou
dirons-nous. Emplir de malaise. « Le lourd malaise de l’équivoque ». Inquiétude, mécontentement sourd, insatisfaction, cela peut confiner au politique et au sociologique. Le déséquilibre de l’être humain frustré de son épanouissement normal, sous la plume de René Huygue en 1950 nous rapproche de la signification du terme auquel nous sommes accoutumés précisément à partir de la fin des années 50, l’épanouissement procédant du champ sémantique de la croissance, en vigueur en psychologie humaniste, la décennie suivante. La norme relevant de la tendance au bonheur de vivre, de la tendance du vivant à se contenter, satisfaire, de vivre (joie). Se sentir mal, qu’on peut appeler état de malaise (existentiel), indique que la jouissance spontanée de l’être vivant doué de parole et de capacité sociale que nous sommes est entravée, au-delà de l’angoisse existentielle de base (souffrance psychologique d’intensité moyenne suffisamment contenue), au point de susciter un souci légitime sur notre mode de présence au monde, de fonctionnement psychique.
Attention, les plans peuvent connaître des interfaces.
Nous dirons que le malaise c’est quand on se sent mal, quand quelque chose ne va pas, et au lieu de se dissiper, perdure, et qu’on commence à s’en rendre compte. Le malaise présente un caractère diffus. On ne sait pas trop lequel des trois plans est concerné, et si plusieurs plans le seraient simultanément. Le plan 3 est pertinent pour conduire quelqu’un à consulter un praticien en psychothérapie relationnelle (psychopraticien relationnel) ou un psychanalyste. La personne doit vérifier qu’elle n’est pas malade et le médecin ne doit pas qualifier de maladie ce qui ne relève pas de son domaine (médicalisation de l’existence). Après examen préalable si la personne considère que quelque chose cloche dans son existence elle peut s’engager dans un dialogue psychothérapique pour se délivrer de cette incommodante pression conflictuelle dont elle s’éprouve comme le siège et qui l’empêche de conduire sa vie comme elle aimerait pouvoir le faire. Cela porte un très beau nom femme Narsès, cela s’appelle l’aurore, ou encore entamer une démarche.
Pourquoi ne s’en ouvrirait-elle pas pour commencer de son malaise à son médecin généraliste traitant, qui en amont de toute consultation psychiatrique le lui calera son malaise au risque de l’obturer, le rendre invisible insensible, au risque de tout bloquer tout à fait légalement avec la (les !) dernière(s) molécule(s) psychotropique(s) du moment [cf. Zarifian], depuis son incompétence en psychiatrie et psychothérapie (quelle qu’elle soit) ? la médicalisation de l’existence (assistable par DSM), ça n’est pas fait pour les chiens. On avait pourtant dit au § précédent que le devoir du médecin était de ne pas annexer le malaise au territoire de la maladie. La mitoyenneté des deux domaines pose bien des problèmes de santé publique, d’éthique et imaginez-vous de pouvoir (médico pharmaceutique entre autre) donc pour finir de citoyenneté, voire d’idéologie. Quelle histoire !
Et pourquoi n’engagerait-elle pas notre personne malaisée une démarche en structure hospitalière, CMP ou CMPP (psychiatrie de secteur, progrès considérable de décentralisation psychiatrique signé Lucien Bonnafé –1960, à une époque bien différente où la psychanalyse et même la psychothérapie institutionnelle parfois, était et au pouvoir et à la mode, autres temps autres mœurs) ? Après l’âge de 25 ans vous êtes dirigé vers le psychiatre par votre médecin traitant. Cela complique la figure. Autre problème, la consultation psychiatrique présente souvent un caractère d’urgence. Là le système prévoit plusieurs mois d’attente pour le Secteur. L’urgence n’est plus ce qu’elle était. Bien entendu l’hospitalisation peut encore s’effectuer en cas par exemple de bouffée délirante, soit en pavillon psychiatrique à l’hôpital général (préférer cette option), soit à l’hôpital psychiatrique directement. Mais là il ne s’agit plus du malaise névrotique standard mais bel et bien d’une souffrance psychiatrique, on a changé de catégorie, on y est dans la maladie (sans parler de la folie, noyau dur de la psychiatrie). Le tout sera d’en sortir, de sortir du système maladie-handicap, de se démédicamenter (1)], simple question de réglage du traitement direz-vous. Ne pas oublier non plus que notre psychiatrie se trouve dans une situation critique. Pas toujours simple en vérité, pour personne, la situation en période de crise susceptible d’engendrer un certain malaise. N’empêche qu’on peut s’extraire de la sphère de la maladie, entamer de se reconstruire, par la voie de la psychothérapie relationnelle ou de la psychanalyse par exemple. Si tout cela vous donne le tournis, c’est pas grave, en cas de malaise prenez un petit calmant.
Retour à la situation initiale. Nous définirons le malaise existentiel persistant et insistant comme signe d’une souffrance psychique qui affleure et requiert qu’on s’en soucie et prenne soin de soi auprès d’un autre professionnellement autre, typiquement psychopraticien relationnel ou psychanalyste, capable d’aider à déchiffrer le dérangement de la souffrance comme symptôme porteur de signification. Entamer la démarche de prendre soin de soi et « se faire soigner » relèvent de deux domaines distincts. Ne pas oublier qu’on ne guérit pas de la condition humaine.
PHG
8 août 2014 –