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Nos filières professionalisantes ont bien résisté

Ce texte date de la veille du lendemain, comme aurait dit Pierre Dac, sauf à remarquer que l’endemain en question, le 7 avril donc, marque la date de la seconde concertation au ministère consacrée à la rédaction du fameux décret d’application de la loi 52.

Séance historique au cours de laquelle le ministre Xavier Bertrand, courageusement, cassa la dynamique de la Direction générale de la santé (Dr. Bernard Basset) qui imposait un master de psychopathologue aux psychothérapeutes relationnels en sus de leurs cinq années d’études (doublées par davantage d’années de travail sur soi). Il présenta une formule raisonnablement allégée, ramenant l’obligation de psychopathologie psychologique à 150 heures et quatre mois de stage.
Depuis, sous la pression des universitaires résolus à avoir le dernier mot résolument néoscientiste, le Conseiller Brunelle a fait savoir qu’on en reviendrait au master de psychopathologie, condamnant l’intervention du ministre à ne représenter qu’un effet d’annonce, ramenant son courage à des proportions modestes : engagement de fermeté et de sagesse politique tenu pour un mois.

Nous vous livrons ici une analyse dont les fondements demeurent, susceptible d’éclairer la problématique de base de l’irrésistible montée en puissance de la profession de psychothérapeute relationnel, en dépit d’aléas et retournements politiciens.

PHG — 24 juin 2006



Elles ont résisté

en ce sens qu’elles se sont opposées à leurs liquidateurs, et qu’elles ont tenu bon. L’institutionnalisation de la psychothérapie relationnelle suit son cours. Il ne faut pas rêver, en matière d’institutionnalisation, on a affaire à une périodisation lente. En fait, il s’agit pour la psychothérapie relationnelle de faire admettre qu’elle occupe le territoire depuis quasiment un demi-siècle, s’appuyant sur un mouvement de recherche en sciences humaines ayant pris son essor dans les années 60

a) sous le nom de psychologie humaniste américaine d’inspiration existentialiste (Abraham Maslow, Rollo May, Carl Rogers, Irving Yalom), laquelle se trouva introduite et relayée dans notre pays d’abord sous la dénomination de la non-directivité rogérienne par Max Pagès, André de Peretti, Michel Lobrot ;

b) renforcé par la recherche en sciences sociales impulsés par les travaux de Kurt Lewin, Moreno, Elton Mayo, etc, qui donneront la dynamique de groupe, le psychodrame et la psychosociologie ;

c) adossé dans notre pays aux avancées de la psychothérapie institutionnelle de François Tosquelles (puis Fernand Oury, Aïda Vasquez, Félix Gattary), conjoignant psychanalyse lacanienne et sociologie clinique de l’hôpital, ayant engendré les deux courants de la pédagogie institutionnelle, le psychanalytique et le rogérien libertaire (Michel Lobrot), et l’analyse institutionnelle (Georges Lapassade, René Lourau, puis Rémi Hesse, Patrice Ville) ;

d) s’appuyant sur l’innovation déterminante du psychocorporel qui a bouleversé la clinique et la théorie (Wilhelm Reich, Alexander Lowen, William Schutz).

En tout état de cause, en l’état actuel des choses la question de la création d’une profession peut rester en suspens, puisque aussi bien la loi 52 ne le prévoit pas formellement, l’usage du titre par ceux qui de fait le portent déjà légitimement leur restant acquis. Nous verrons bien ce qu’il en adviendra.

Dans ce domaine la filière de titularisation du Snppsy, avec ces Cinq critères, continue de représenter le circuit fiable de référence d’une reconnaissance professionnelle fondée sur la mise en confraternité et l’exercice de la garantie solidaire et de la déontologie (qui elle aussi bien entendu existe et fonctionne déjà) par le moyen d’un groupe de pairs expérimentés intégrant leurs collègues dans un cadre collectif responsable.

Le reste, le fonctionnement de l’université et de sa psychologie clinique ne nous concerne que dans la mesure où nous pourrions souhaiter passer avec les UFR qui le souhaiteraient, à notre demande, des accords contractuels, ce qui est, le ministère de la Santé le souligne constamment, toujours possible quand souhaité de part et d’autre. On remarquera que le domaine particulier de la psychologie, discipline que son orientation majoritairement TCC constitue comme antagoniste de la psychothérapie relationnelle, ne figure pas sauf exception sur la liste prioritaire de nos partenaires potentiels à l’heure actuelle.

L’incertitude, au moment de s’inscrire dans une école comme le Cifp, réside dans le fait d’ignorer selon quelles modalités on exercera à l’issue d’études nécessitant un important investissement en temps, énergie (la plupart du temps de reconversion) et financement. Il faut le répéter, la seule chose que les pouvoirs publics ont le souci de réglementer dans le cadre de la loi 52, c’est le titre, non l’exercice. Les étudiants de nos écoles ne se trouveront en aucun cas en situation d’interdiction d’exercer. Au pire, ils le feront sous une autre appellation que psychothérapeute (relationnel n’est jamais mentionné par le décret), que le Snppsy aura désignée.

La certitude, c’est qu’en vous engageant dans une formation de haut niveau à la psychothérapie relationnelle multiréférentielle, vous vous engagez dans un champ disciplinaire, celui du processus de subjectivation, partagé avec la psychanalyse, que l’école néoscientiste à l’enseigne d’un comportementalisme cognitiviste objectiviste imprégné d’idéologie positiviste, cherche à éradiquer.

En clair, après cette avalanche d’ismes, deux épistémologies, armées chacune d’une pensée politique au sens fort de ce terme, qui fait de cette question une question de société transversale aux partis, s’affrontent sur la scène psy depuis les années 30. Le Carré psy les répartit schématiquement entre objectivistes de la psychiatrie et de la psychologie (dite « scientifique ») d’un côté, et subjectivistes de la psychanalyse et de la psychothérapie relationnelle. Les combinaisons les plus diverses peuvent compliquer la figure, mais ne devraient pas conduire à certaines confusions dégradant l’identité de base.

Les remaniements actuels sont dus aux tentatives d’expulsion de l’influence psychanalytique du sein de la psychiatrie et de la psychologie universitaire, au bénéfice de la réintroduction d’un comportementalisme qu’on avait pu croire périmé (Orange mécanique, ou Mon oncle d’Amérique ça semble daté), qui revient en résolution de problème et thérapie (et non psychothérapie jusqu’à présent) de l’apprentissage et du conditionnement (Pavlov !), régression rafraîchie façon neurosciences avec retour en force des rats, des chiens salivants, des araignées à apprivoiser et des symptômes à gommer.

C’est ainsi que les tenants de l’École scientiste qui se déclare « scientifique » (s’autoproclame serait plus exact, vaste débat), à l’enseigne d’un néo comportementalisme renommé cognitivisme, proposent l’alternative régressive agressive de modèles basés sur des théories de l’apprentissage et de la mémoire, et d’une idéologie managériale qui s’efforcent de prendre le contrôle de l’ensemble du Carré psy — et à partir de là du corps social — à commencer par la mainmise universitaire en médecine et psychologie.

La certitude qui peut être la vôtre en vous engageant dans une formation du type de celle que nous proposons, multiréférentielle mais dans le champ de la subjectivation, consistera à savoir que vous vous engagez, de fait, au sens fort d’une implication humaine et scientifique, dans la voie d’une pratique résolument humaniste, dans le cadre d’une problématique du processus d’avènement du sujet. Dans ce qu’on appelle un cadre heuristique : de découverte à deux de la vérité de soi, qui fait sa place à la réalité de l’inconscient, hors État, débordant tous les comptages, fichages, flicages des enfants de trois ans, cochages, testages, catalogages, marquages, dressage autogéré, expertises, inventaires DSM de troubles à la Prévert.

Votre arrivée sur la scène des professions du psychisme s’effectue au moment où le conflit redouble et se joue jusqu’au sein du Ministère. L’enjeu peut être compris comme un enjeu de démocratie et de civilisation. En tout cas il est d’importance, et nous avons pris le parti d’être du côté de l’homme mesure de toute chose contre celui de l’homme mesuré en toute chose. C’est ce parti que vous rejoindrez, sachez-le, quoi qu’il advienne, avec notre école.

Nous tenons seulement à vous marquer que l’ensemble de notre société se trouve embarquée dans une lutte pour l’humanisme, nous et vous avec, et que mieux vaut en désigner les enjeux que les oublier, faute de quoi ils se rappelleraient à nous en des circonstances devenues inquiétantes. Bienvenue au club si le cœur vous en dit. En vous formant au Cifp dans une perspective à la fois relationnelle et multiréférentielle, vous participerez au mouvement psychosocial de prise de conscience du désir de chacun, à partir d’une palette élargie de disciplines considérant le symptôme comme quelque chose en nous qui fait signe. Non comme une déficience à réduire mais comme un appel.

L’humanisme , comme la vie elle-même, comme la démocratie, est un combat. Rien de grand ne se fait sans passion. Celle de la libération du sujet, à partir du dialogue intersubjectif, peut donner un sens humain significatif à votre vie professionnelle. Ne pas céder là-dessus sur votre désir pourrait se révéler utile, et déterminant, autant pour la société que pour vous-même, et pour l’avenir de la psychothérapie relationnelle dont c’est vous qui hériterez de la responsabilité de façonner le visage.