Étonnante équation style Sciences humaines. La psychothérapie se répartit entre deux professions et leur nouveau titre, deux para professions et l’altertitre de la seconde. Quatre cadres professionnels, moins (et non plus) – à l’extérieur du domaine proprement défini – la nébuleuse des hors champ. Les professions sont sanctionnées par un diplôme universitaire, les para professions par une reconnaissance de société savante ou un diplôme privé. Les non professions, logiquement, sanctionnées par rien de l’ordre du psychothérapique, ne relèvent pas de l’espace commun au Carré psy. Enfin, un peu partout, il y a les bâtards. On distingue d’une part
progressivement retombant dans la neurologie et précipités dans le maintien de l’ordre psycho public. Victoire à la Pyrrhus des morts-vivants. Les 39 protestent, mieux vaut tard que jamais. Il demeure que la médecine scientiste organiciste triomphe. Couplés au sécuritarisme l’organicisme et les TCC commencent à produire des fruits inquiétants pour la citoyenneté et la démocratie. La santé mentale par son idéologie, son tout neurologique et DSM, son appareillage évaluationniste scientiste, son orientation hygiéniste sécuritariste, se présente comme une institution dangereuse.
Profession annexe : les médecins généralistes font de plus en plus fonction de psychiatres, administrant force neuroleptiques sans la compétence des psychiatres. Ils prétendront au titre médicalisé de psychothérapeute sans grande difficulté, un médecin peut tout faire.
Variété finissante qui jouait beaucoup, dans le domaine clinique, sur le mixage de la psychologie et d’une influence psychanalytique qui pouvait aller jusqu’à avoir effectué soi-même un parcours psychanalytique plus ou moins important, rien n’étant obligatoire.
La spécificité réclamée des psychologues était d’une part la scientificité revendiquée de la psychologie, d’autre part leur formation en psychopathologie (1*). En tant que corps les psychologues cliniciens à la fois lorgnent vers une « scientificité » médicaliste et se gardent de se voir en aucune façon subordonner à la médecine sur son territoire hospitalier. Avec l’actuelle loi, d’ « évidence baisés par la médecine(2*) » ils se retrouvent en qualité de psychothérapeutes subordonnées à elle, comme par l’Académie de médecine prévu et exigé.
La nouvelle législation réoriente les psychologues vers un titre de psychothérapeute, d’orientation médicale, et une éthique orientée elle dorénavant vers le comportementalisme et le cognitivisme. Paramédicalisés les voici premiers dindons de la farce qu’il ont jouée bien volontiers.
L’Appel des appels proteste, à juste et limité titre d’une casse des métiers (en ce qui nous concerne ils ne protestent pas du casse de notre nom auquel ils ont participé), faisant prévaloir à présent le message humaniste. Voleurs volés ils restent incapables en tant que corps de reconnaître les psychopraticiens relationnels, exclus par leurs corporatistes soins de la référence universitaire.
D’autre part, reconnus à ce titre par leurs sociétés savantes et institutions de référence, travaillant dans le domaine de la dynamique de subjectivation, on trouve
psychiatres, médecins ou psychologues de profession ils sont à l’abri d’un diplôme universitaire, et considèrent qu’ils remplissent plutôt une mission, un ministère, celui de l’écoute des formations de l’inconscient. Ils sont formés et reconnus par leurs associations. Un pourcentage non négligeable pratique hors cadre associatif. Voici à présent qu’ils vont se retrouver dans le dispositif d’État du nouveau titre de psychothérapeute, platement à l’écoute d’usagers, hors divan. Pour eux qui ont toujours revendiqué l’extra territorialité, le décalage par rapport à leur profession, le non rattachement direct à un système institutionnel, il s’agit d’une subversion en profondeur de leur identité et mission.
Les psychanalystes raccrochés au titre de psychothérapeute (3*) via leur titre de psychologue à transformer, deviennent ipso facto professionnels de la psychothérapie, d’une psychothérapie sous influence médicale de surcroît, et perdent ainsi le caractère décalé, un peu à part, « extra territorial » qui représentait la spécificité de leur théorie et pratique (qu’ils dénommaient fièrement clinique, en rapport à leur métier de psychologues cliniciens ou de psychiatres ou médecins). Certaines sociétés et certains praticiens à titre individuel refusent le nouveau statut. Mais le mouvement général de mise aux normes accomplis bien le vœu de l’État. Seconds dindons. Politiquement ils n’ont pas été terribles.
Reconvertis pour la plupart, ayant fait leurs études dans d’autres branches, parfois n’ayant pas fait de longues études (bac + 3 ou 4) – à quoi il faudra tout de même ajouter les nombreuses années (4*)passées à apprendre leur nouveau métier –, les psychopraticiens relationnels sont dans leur masse réputés moins intellectuels – il faudrait dire moins universitaires, mais cela peut changer(5*) – que leurs collègues (par contre mieux assis dans leur expérience de vie, ils s’agit généralement de quadras), qui ne manquent pas de leur appliquer les principes de la distinction bourdieusienne, allant jusqu’à ne pas dédaigner de les appeler charlatans histoire de hurler avec les loups populistes et corporatistes du moment.
Ils ont effectué une longue psychothérapie ou psychanalyse, fourni 2 000 heures de formation dans une école spécialisée, aux pédagogie et didactique expérientielles, de qualité vérifiée par des institutions historiques au niveau d’exigence affiché et décrit (6*), comportant une part importante de psychopathologie. Ils connaissent bien leur art et métier, la psychothérapie relationnelle qu’ils pratiquent en conscience et éthique, sachant qu’ils participent d’un mouvement humaniste et citoyen au sens exigeant de ce terme, qui requiert une certaine militance, vigilance en tout cas, idéologique et disciplinaire. Ils règlent leur activité professionnelle et leur recherche sur les Cinq critères du SNPPsy. Ils relèvent uniquement d’une des quatre organisations nationales historiques regroupées sous le sigle GLPR.
Ils pratiquent en libéral, l’hôpital leur étant fermé. Garantis par leur institution de référence, ils sont vraiment à l’écoute des gens(7*). Qui s’en rendent compte et les apprécient.
Attention, terminologie sensible. Distinguer le nom de métier : psychopraticiens, de l’altertitre, garanti par le GLPR, de psychopraticien relationnel.
Les voici à présent proches de la situation privilégiée où se trouvaient il y a encore peu les psychanalystes, de décalage par rapport à l’État. Ils bénéficient imprévisiblement d’une extra territorialité qu’ils n’avaient pas sollicitée, et se disposent à en user au mieux, soutenant le privilège d’un certain indice de subversivité, appréciable en ces temps d’étatisation de tout, d’hyper réglementarisme et d’évaluation à la mode Ubu. Les gens pourront recourir à eux en dehors du cadre étatique étatisant miné et laminé par le mal de l’évaluation et les soucis et pressions RGPP.
Ces exclus bafoués confondus volontairement avec les « charlatans » dont ils se sont toujours démarqués, se retrouvent en position de para profession, de profession à demie déniée, puisque leur système de reconnaissance syndicale et fédérale historique n’a pas l’autorité d’État du cumul avec une des deux professions à prestige, médecin ou psychologue, et que tant l’État que leurs collègues du Carré psy ne veulent le plus souvent – institutionnellement parlant – entendre parler d’eux autrement qu’en mal ou à titre d’invisibles(8*). Ce mal typiquement français les place en position alternative avantageuse, par un incroyable retour des choses.
À part, enfin, on trouve les
– usurpateurs d’identité
En dehors de cela une masse indistincte de praticiens de toutes sortes, associant le spirituel à l’accompagnement de développement personnel ou de coaching, au chamanisme, à dix autres activités, respectables ou non sous leur nom selon des critères qui leur appartiennent, mais pas sous un faux nom. Certains de ces praticiens s’ils se piquent indûment de « thérapie », constituent le lot (sans doute pas considérable en effectif, le gonflement de leur nombre aux proportions du fantasme relève de l’opération panique à bord) des vrais charlatans. Ils le sont seulement en qualité d’usurpateurs de notre nom, s’ils s’autoproclament psychothérapeutes ou psychopraticiens, et désignent indûment de ces noms leurs services, qu’aucun corps identifiable et reconnu historiquement et scientifiquement ne garantit et valide à ces
– malformés
Une deuxième catégorie de personnes dangereuses regroupe les insuffisamment formées, ayant déserté leur école avant terme ou ayant pratiqué une école de qualité insuffisante, non répertoriée et garantie dans l’un des organismes reliés dans le cadre du GLPR. Le plus souvent dépourvues de supervision – en tout cas de supervision digne de ce nom, elles se jettent dans l’arène quand elles ne sont pas du tout sûres de vaincre. Elles se mettent en danger elles-mêmes, ainsi que ceux qui recourent à elles. Souvent elles attirent peu de monde, et il n’y a que demi mal de ce fait, mais certains psychopathes peuvent se révéler dangereux et populaires. Pas d’affolement, ils ne sont pas non plus légions. Mais c’est pour éviter ces mauvaises rencontres que les institutions historiques du GLPR ont mis en place le cadre sain de leur profession. D’où l’intérêt quand on entreprend une psychothérapie de s’assurer des références du professionnel auquel on a affaire.
– organismes à garanties insuffisantes
Une troisième catégorie se constituerait de fédérations ou organismes n’offrant pas toutes les garanties nécessaires, au sein desquelles viendraient se loger des praticiens insuffisants. Nous ne pouvons les lister ni n’avons à le faire, le maccarthisme s’est toujours révélé un remède pire que le mal, paradoxalement de nature comparable à celui-ci au bout du compte. Il est plus intéressant et politiquement sain de lister les bons, d’informer sur leurs critères et systèmes de garantie, que de blacklister les mauvais (dont les lois de la République répriment déjà normalement les activités répréhensibles).
– dérives sectaires
Mentionnons enfin les sectes, franchement faussaires si l’on peu dire, pour mémoire. Les sectes prétendent utiliser une vague terminologie psy et quelques techniques psychologiques détournées à leurs fins manipulatrices. Elles relèvent d’une logique nocive aggravée. Elles n’ont bien entendu rien à voir avec ceux dont elles singent la pratique. Plus dangereuses, elles nécessitent vigilance et application de la loi concernant leurs activités répréhensibles.
C’est en agitant comme chiffons rouges tous ces dangers bien réels, contre lesquels se sont à temps prémunies les organisations responsables regroupées dans le cadre du GLPR, que les psychologues en particulier, à présent sous les couleurs du nouveau titre de psychothérapeute qui les paramédicalise, les pauvres, et certains psychologues-psychanalystes qui ne distinguent pas à l’œil nu un psychopraticien relationnel d’un cognitiviste (l’un est leur allié l’autre leur adversaire) affectent d’amalgamer les psychopraticiens relationnels clairement identifiables et éthiques, aux imposteurs qui leur sont parfaitement étrangers.
choisir d’évoluer en terrain suffisamment sécurisé
En effet qui s’adresserait aux imposteurs en les amalgamant au domaine des professionnels du psychisme prendrait des risques graves. Il importe de s’adresser en la matière balisée par le Carré psy à un praticien repérable et assignable. De ce point de vue l’honnête electron libre devient un cas de figure hors cadre, l’exception confirmatrice de la règle. Remarquons qu’aucun système même totalitaire n’est jamais venu à bout des électrons libres. Il restera toujours des zones grises et des zones franches, elles sont systémiquement inévitables. Le risque zéro relève seulement du fantasme. Les lois de la République protègent, suffisamment on l’espère, mais jamais absolument (totalitarisme, sécuritarisme). Persécuter les hors champ ne servirait à rien, on n’a jamais supprimé les marges. On peut se contenter de fréquenter le territoire où l’on obéit aux lois de l’Empire.
Ne pas oublier que c’est de cette nébuleuse à la marge que les institutions historiques de la psychothérapie relationnelle, depuis un tiers de siècle se sont démarquées, délimitant les frontières de leur domaine, se donnant leurs bonnes règles, assises sur le principe des Cinq critères, héritées de la psychologie humaniste et d’une psychanalyse alors libre.
Entrée 121 au glossaire en date du 24 juin 2011.