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Psychothérapie relationnelle — contribution à la construction d’un concept. Rapport moral SNPPsy 2008.

Texte adopté à titre de Rapport moral par l’Assemblée générale du SNPPsy.


Toute relation est mortelle

or Socrate est mortel

donc Socrate est relationnel.

Structure et épistémologie de la relation

Ainsi pourrait-on reprendre en le modulant le titre de l’ouvrage de Jacques Durand-Dassier (1*). Parler de relation en psychothérapie cela signifie que se trouvent reliées deux personnes, de façon spécifique. Quand la psychothérapie se qualifie de relationnelle cela représente quelque chose de précis, cela insiste sur le fait que c’est la relation qui soutient le processus psychothérapique et en constitue le support. Cela signifie qu’on se trouve dans la logique et épistémologie du procès de subjectivation, via l’intersubjectivité et le transfert. On peut parler de sens fort de l’expression, employée en toute rigueur.

Ignorez la complexité et spécificité du terme, et vous prouvez que vous vous situez épistémologiquement hors de la zone relationnelle proprement dite. Si vous parlez de pléonasme c’est que vous pensez plat, c’est à plat que tombera votre discours par rapport à l’objet que vous cherchez à traiter. Vous aurez utilisé l’expression au sens faible, léger, voire trivial, le concept vous aura échappé.

On nous oppose parfois le syllogisme implicite suivant, presque aussi loufoque que celui mis en exergue de la présente introduction :

Toute psychothérapie opère à partir d’un cadre

Or tout cadre (psychothérapique) comporte de la relation

Donc toute psychothérapie est relationnelle.

Et passez muscade. Cela permet d’économiser de la pensée, mais n’est pas recommandable. Il fallait préciser ce que relationnel strictement peut signifier.

Le SNPPsy s’est attelé depuis une décennie à construire le concept de psychothérapie relationnelle, qu’il intègre au cadre du Carré psy. Cette année, par la voix de son président(2*) il dresse le bilan de la progression de l’idée, balaye le champ de l’utilisation de l’expression, s’efforce de préciser des définitions.

Voyez si cela peut vous être utile, comment on peut améliorer la chose, et s’il y a lieu d’en débattre. Prétendre présenter un concept, avec l’arrière-plan structural que cela comporte, constitue une entreprise qui nécessite sans doute une élaboration collective, beaucoup de critique et encore plus de modestie. Mais s’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer, il ne l’est pas non plus de renoncer à mettre en œuvre ce qui doit l’être. Je compte là-dessus sur votre sympathie, voire compassion, mais aussi coopération.

Philippe Grauer



SNPPsy — ASSEMBLÉE GENÉRALE DU 21 NOVEMBRE 2008

Philippe Grauer

RAPPORT MORAL

Extraits


J’ai des relations, mondaines

J’ai des relations ! (Charles Trénet)}


Où en est la psychothérapie relationnelle ? Nous séjournons dans le corridor de la mutation programmée de la psychothérapie générique, et ne pouvons que conjecturer sur son avenir. Le nôtre s’y contextualise et autonomise.

Rien ni personne ne nous oblige, nous praticiens en psychothérapie relationnelle, à revendiquer le titre générique peu sûr et mal adapté à notre type de travail et de culture, de psychothérapeute tout court, un peu trop court à l’occasion. Nous confondre avec des pratiques parfois éloignées de nos présupposés méthodologiques et éthiques pourrait se révéler dommageable à notre réalité comme à notre image.

Notre pratique, notre clinique, se fonde on le sait sur le principe relationnel, à savoir que notre psychothérapie consiste à faire en sorte que se déroule interactivement entre le praticien et celui qui recourt à lui pour cela, un processus à chaque fois unique, singulier, au cours duquel la personne en difficulté et souffrance, par le dialogue intersubjectif et la relation interpersonnelle n’ignorant pas la dimension du transfert, accède à elle-même comme sujet de sa propre histoire, engendre le sens par lequel progressivement elle se délivre de son assujettissement et se montre apte à mieux prendre en charge son existence.

Le principe relationnel ne s’accommode pas d’une définition imprécise de ce que relation peut vouloir dire. Au plus général on appelle relation l’opération par laquelle au moins deux termes se trouvent réunis, mis en rapport, conjoints, reliés. Mathématiquement la relation est

– réflexive : Je équivaut à Je (on sait depuis Rimbaud que Je est un autre, ce qui déborde la réflexivité), cela renvoie dans notre pratique à la permanence de l’identité, coïncidence de soi à soi — congruence rogerienne.

– symétrique : Je équivaut à Tu veut dire que chacun des éléments de l’ensemble Je peut être mis en correspondance avec un et un seul élément de l’ensemble Tu. Bi-univocité, dont on retrouve une parcelle dans la sympathie ou l’empathie : une partie de Je peut équivaloir à une partie de Tu.

– transitive : par approximation : les amis de mes amis sont mes amis.

Ainsi un petit peu de congruence, un coup d’empathie, tout cela enseigné à l’université en une centaine d’heures, éventuellement stage à l’appui, et nous voilà en relation, et pourquoi pas en psychothérapie de groupe ! Évidemment, toute psychothérapie par définition s’engage entre au moins deux personnes, dont une professionnelle. En ce sens toute psychothérapie présente un aspect relationnel. Les chercheurs ont même tendance à considérer cette dimension comme décisive. Tous autres facteurs confondus(1*), l’équation relationnelle personnelle du praticien conjuguée à la disposition du patient à son égard l’emporte sur la méthode proprement dite. Ainsi, même minimisée, la relation représenterait la variable cachée déterminante de tout processus psychothérapique.

Cette représentation montre et masque en même temps. Elle manifestel'importance de la dimension relationnelle, elle peut masquer la spécificité de certaines psychothérapies relativement à d'autres pour lesquelles la relation ne constitue pas le ressort méthodologique et théorique fondamental, pour lesquelles la relation reste non seulement légère mais épistémologiquement et méthodologiquement secondaire, de l'ordre de la psychologie au sens classique du terme. Cette représentation masque la différence entre consultation et séance. Le spécialiste dépositaire du savoir observe diagnostique prescrit. Le psychothérapeute relationnel, à l'instar du psychanalyste, ignore, laisse venir et advenir, accueille, écoute corps et âme(2*), se défend, péniblement participe à la découverte. Le savoir qui se constitue est le problématique savoir de soi de la personne venue, dans le jeu de la relation, se chercher.

Par conséquent toute psychothérapie n’est pas de nature relationnelle en soi, par nature. Psychothérapie et relationnalité ne sont pas coextensifs. Psychothérapie au sens générique implique cadre et relation, mais pas nécessairement que la relation y soit déterminante, en constitue le moteur. Elle engage et conjoint deux protagonistes. Elle ne les engage dans une structure où la relation représente le ressort psychothérapique essentiel, au sein d’un cadre provoquant une rencontre et nourrissant un processus entre deux sujets fortement impliqués, que dans un dispositif de type relationnel. Qui ne peut s’effectuer qu’avec un praticien répondant à nos cinq critères.

La psychothérapie relationnelle procède de la même épistémologie, de la même heuristique du sujet que la psychanalyse. Disciplines proches cousines. Dans la mesure où la psychologie clinique, création Janet définition Lagache, « étude approfondie de cas individuels », de la personne totale en situation, procédant à « mains nues » ou « armée » de tests et d’échelles, mêle des méthodologies disparates, objectivistes et subjectivistes, comportant une psychopathologie jusque ici d’inspiration freudienne, on pourrait la croire mixte. De fait elle se range souvent en définitive du côté d’un objectivisme psychologique teinté d’organicisme médical tempéré par de la technique relationnelle, une méthodologie qui ne requiert pas un engagement profond du praticien. A contrario nos amis les psychologues freudiens, psychanalystes opérant sur le terrain de la psychologie hospitalière ne présentent aucun doute quant au caractère relationnel de leur clinique.

L’appellation de psychothérapie relationnelle nous l’avons mise en avant lors de notre AG de 1999 pour la première fois, cela ne fait pas même dix ans, elle s’est suffisamment répandue, grâce à notre militance et insistance dans le débat intellectuel. Il s’agissait de différentier notre pratique de celles des professionnels œuvrant dans le champ psy, et de ne plus revendiquer pour nous seuls le titre [appellation serait le terme juste. À l’époque notre terminologie vacillait encore. NdlR août 2014] générique de psychothérapeute. La création de l’AFFOP se disjoignant de la FF2P fut concomitante (fin 1998). Notre définition partait d’un article fondateur de Jean-Michel Fourcade, repris d’une communication au premier colloque de la FFdP à Dourdan en juin 1997, appelé « Quatre modèles heuristiques pour mieux distinguer les psychologies et les psychothérapies« , Le concept de psychothérapie relationnelle que nous décidions d’installer comme base prenait place et consistance à partir de cette théorisation, dans le cadre du carré psy.

À tout seigneur tout honneur, c’est notre vieil ami Jacques Durand-Dassier, l’un des pionniers des Nouvelles thérapies et fondateurs de notre syndicat, qui le premier à ma connaissance a parlé en 1971, dans son ouvrage Structure et psychologie de la relation, de groupes de psychothérapie relationnelle. Il s’agissait d’une forme nouvelle de psychothérapie de groupe, issue des recherches de deux organisations de psychothérapie institutionnelle pour drogués, Daytop et Synanon, que Jacques avait fréquentées en chercheur dans la fin des années 60(3*). Il avait fourni à une époque où généralement nous préférions pratiquer plutôt qu’écrire, un effort de conceptualisation, qu’il soit salué ici comme le précurseur dont nous sommes fiers de prolonger la pensée.

Comme celle qu’il décrit dans ses livres, notre pratique consiste, par des méthodes souvent qu’on pourrait dire actives, mobilisant émotion et mouvement du corps, à atteindre le point critique de la catharsis(4*)où l’intelligence et la sensibilité de sa situation se conjoignent pour produire ces moments de révélation de soi à soi en présence d’un témoin et assistant longuement formé à cela, qui permette à celui qui s’y engage de se dégager de ses entraves psychiques et de surmonter et résoudre son malaise.

N’oublions pas au passage que malaise n’est pas maladie, et que nous ne nous occupons à proprement parler qu’à la marge de cette chose appelée de nos jours santé mentale. Le malaise n’est pas non plus réductible au psychosocial. Malaise renvoie au fond d’angoisse existentielle de la personne dans une société individualiste face aux difficultés de l’existence, de la conduite de sa vie, étant donné son histoire son contexte et son projet, lesquels peuvent se brouiller au moment de la crise au point d’éprouver le besoin d’aller voir quelqu’un pour, se livrant en sa compagnie au souci de soi, tâcher de s’y retrouver.

Il s’agit dans un tel cadre par nos moyens originaux et spécifiques d’atteindre les points de vérité intime à partir de quoi on redevienne, dans la mesure des possibilités que notre réalité nous alloue, en tenant compte de nos besoins, et en en trouvant les moyens, notre désir mieux identifié, de l’accomplir et nous avec, à partir de quoi on devienne ou redevienne vraiment soi, à partir de quoi on advienne à soi pour parler comme Freud. Sujet du déroulement de son existence. Il s’agit à partir du jeu d’une relation mieux ajustée de devenir l’auteur (5*) de sa vie, acteur, acteur de sa propre destinée, au lieu de se voir balloté au gré de répétitions qui aliènent notre parcours de vie et notre capacité de l’inventer.

Dans un tel cadre c’est la relation et son évolution qui soigne. Elle permet un discours sur soi dans le cadre d’un dialogue en un Je et un Tu, deux sujets, qui deviennent sujets l’un pour l’autre, l’un avec l’autre, la conscience de moi passant par le fait qu’elle est conscience de quelqu’un d’autre : aller voir quelqu’un . Dans la dyade professionnelle le quelqu’un est professionnel du rapport humain, de la relation, et s’implique. Il s’implique nécessairement avec mesure mais intensément. Expérimenté dans l’art de l’écoute de l’autre à partir de celle de lui-même en relation et dans sa dimension contre-transférentielle, il procède à cette écoute à partir d’une grille et d’un cadre, ceux-là même qu’il propose comme cadre psychothérapique.

En ce qui nous concerne il s’agit de l’établissement d’un champ intersubjectif rendant possible le déploiement de la subjectivité de la personne qui effectue la démarche, par et dans le dialogue, celui-ci, laissant sa part à la régression, pouvant revêtir une dimension psychocorporelle (mouvement, respiration, toucher) et émotionnelle, mise en partage avec pertinence et mesure.

Cette relation comporte un coefficient de confiance dans la personne garante du cadre qu’elle propose et dans la méthode qu’il comporte. Elle ne peut fonctionner que si la personne qui effectue la démarche peut dire à celle auprès de qui elle recourt « je crois en vous »(6*). En vous comme personne de confiance dont la méthode est certifiée par celle que vous m’inspirez, sur une base éthique sûre. Cet acte de confiance est mutuel car il engage les deux protagonistes et c’est parce que le psychothérapeute relationnel croit en la personne qui vient croire en elle qu’une alliance psychothérapique peut prendre place. Notons cependant que l’alliance thérapeutique est plus large que l’engagement relationnel, car elle peut reposer sur une méthode qui n’engage le thérapeute que superficiellement, et dont la structure objectiviste minimise la dimension intersubjective.

Rappelons brièvement quels sont les composants de la relationnélité qui nous intéressent. Cela commence avec le rapport mesmérien, devenu en un siècle hypnose puis transfert, matrice freudienne de toute rencontre (attachement et identification du patient au psychanalyste). Se dégage ensuite le contre-transfert, lieu de résistance ordinaire du praticien, résistance parfois contournée avec le concept d’alliance thérapeutique(7*).

Avec Carl Rogers, empathie, congruence, acceptation inconditionnelle précisent l’attitude de base du psychothérapeute dans la psychothérapie relationnelle, qui peut s’enrichir d’une posture existentielle. Enfin si l’on distingue avec E. Bordin (1979) encore deux facteurs relationnels, le lien, capacité du patient et du psychothérapeute à s’attacher l’un à l’autre, et leur accord sur but et tâches psychothérapeutiques, le tout rapporté au référentiel et au dispositif psychothérapique, on tient les principaux facteurs relationnels de la psychothérapie éponyme.

Ce rapide tour d’horizon pour certifier que relationnel loin de constituer un déterminant creux ou une réthorique de la platitude, représente l’engagement d’une méthodologie et posture psychothérapique complexe et spécifique. Il nous représente bien.

Si bien qu’il est repris par des auteurs, il se diffuse dans la culture environnante, ce qui contribue à établir sa légitimité, et la nôtre qui en découle pour peu que nous adhérions à l’identité qu’il représente. Notre assise politique se consolide autour de nous. Nous existons non seulement à nos yeux mais dans le paysage et aux yeux des autres. Il y a encore peu, le sénateur Sueur dans un bel article faisait allusion à nous sous l’appellation de psychothérapie relationnelle, expression qu’Élisabeth Roudinesco reprenait bientôt. Puisque j’en suis à parler d’elle, celle dont Le patient le thérapeute et l’État (8*) a marqué la crise au moment de la bataille politique et intellectuelle, et qui disait à l’époque que « les psychothérapeutes » avaient en fait déjà gagné, a pris le parti de parler à son tour de psychothérapie relationnelle. Sous le clavier de cette historienne l’expression sonne fort. Prenons-en la mesure. Prenons la mesure de notre importance et influence. Nous représentons une profession émergée, en pleine ascension, au titre de profession précisément relationnelle.

Lise Demailly dans un récent ouvrage(9*) aborde la question des métiers de la relation, au centre desquels elle place la psychothérapie — elle ne dit pas relationnelle pourtant c’eut été l’instant propice, mais elle ne fait pas, elle, depuis son point de vue, le détail, comme un de ces nouveaux métiers de l’humain où l’on peut constater un réenchantement(10*).

Elle affirme qu’il existe une polarité concernant l’usage de la relation comme outil central ou non de la pratique. Elle parle des cas où « la consistance propre de la relation fournirait une donnée essentielle de la définition de la pratique professionnelle ». Nous y retrouvons la problématique que je viens d’exposer. Elle conclut le chapitre dans lequel elle raconte par le détail la crise Accoyer, que : « Les métiers relationnels se sont (…) installés fortement dans le paysage de l’emploi, portés par de nouveaux besoins sociaux, des possibilités de professionnalisation et des acteurs intéressés. » Elle poursuit : « le cadre de cette mutation est l’importance accordée à l’individu, au psychologique et à la parole d’une part, au maniement rationnel et réflexif des interactions de l’autre, en tant que ce dernier, avec la gestion (des ressources, des populations et la connaissance) devient une composante importante des rapports de production. »

Le avec, dans « avec la gestion », nous le réorganisons en polarité. Nous représentons l’alternative au tout gestionnaire d’un libéralisme débridé qui transforme la bourse en casino et les êtres humains en objets à manipuler, harceler, mesurer de façon grotesquement scientistifique(11*), en êtres calibrables et jetables. Au point de déconsidérer la pensée scientifique, devenue entre les mains de clercs repartis à trahir, une religion produisant ses intégristes, menaçant la société d’une nouvelle espèce de totalitarisme, celui du Chiffre(12*), qui dans le secteur du psychisme infiltre sa logique dans le DSM et le comportementalisme scientistique. Nous représentons ce que j’appellerais un courant néo humaniste, pour intégrer la critique heideggérienne qui nous a conduits dans les années 80 à prendre nos distances avec un humanisme insuffisamment critique venu d’Outre Atlantique.

Notre parti pris procède des courants qui se sont de longue date installés en résistance à l’aile droite, autoritaire, technocratique et en même temps populiste, gouvernant à coup d’émotion médiatisée (l’exact contraire de notre catharsis), de la mondialisation gestionnaire, réclamant le droit à respecter la santé dans l’alimentation, en même temps que dans la gestion de la planète, à ne pas se laisser embarquer dans la mécanique sans âme du comportementalisme ou l’affadissement médicalisé d’une certaine psychanalyse rompant avec son potentiel de révolte du sujet pour devenir normative et dispenser le message du conformisme. Nous ne pouvons à cause du jeu des mots nous dire bio psys ou psybios, puisque justement l’organicisme tend à tout biologiser et substituer le génétique au psychique. Mais il me semble que nous pourrions nous situer dans le champ de l’alternative bio(13*). Après tout l’Écologie de l’esprit relève de notre littérature, et l’on peut imaginer un mouvement de psychothérapie relationnelle « à l’ancienne » qui représenterait le contre-courant de leur titre générique de psychothérapeute normé science fiction à protocole + molécules et remisage des rebuts dans le handicap consolidé chronicisé par psychotropes . Il pourrait y avoir place dans l’imaginaire social pour un tel mouvement, à condition bien entendu que nous commencions nous par le fantasmer puis en déduire l’objet de notre désir et capacité d’inscription dans le réel.

Nous pouvons partager avec le professeur Jean-Claude Maleval, qui raconte bien l’histoire de la psychothérapie relationnelle en l’appelant par son nom dès 2005, l’idée que le mouvement de la psychologie humaniste, avec sa dimension existentielle, qui se tient à notre origine a repris et diffusé loin au large de la psychanalyse dans l’ensemble de la société un message de même nature que le sien, de centration sur la souveraineté et profondeur de ressource du sujet — c’est le sens de la dénomination rogerienne de client, sur sa tendance à la réalisation de soi, sur le mérite contagieux de la relation de confiance, sur l’intérêt phénoménologique de la présence à soi dans l’entre-deux d’un dialogue sensible et rationnel, palpitant de vie.

Nous devons prendre en considération le fait qu’il diffuse en retour depuis des décennies au sein de la psychanalyse, auprès de laquelle il est allé s’enrichir de la liberté d’allure et créativité de Ferenczi, Balint, Jung(14*), Reich, Lacan, Bion et mille autres, une créativité revigorante dont elle se saisit parfois, de toutes sortes de manières qui mériteraient d’être inventoriées, étudiées, débattues, entre partenaires se traitant avec le respect mutuel qu’ils méritent l’un et l’autre. L’interpénétration considérable des deux domaines mérite d’être prise en considération, et prolongée par des échanges davantage formalisés. Il y va de leur intérêt scientifique comme politique.

N’oublions pas non plus que l’actuel DSM est un contrefeu allumé par les psychiatres américains non seulement contre une psychanalyse américaine en mutation mais contre la montée en puissance de la concurrence des Nouvelles thérapies, c’est-à-dire encore de nous. Décidément nous appartenons à l’Histoire, nous devons en prendre conscience. Les forces en présence se heurtent tant au niveau économique qu’en conflits idéologiques et de société, et qu’en conflits pour le pouvoir corporatiste allié aux multinationales de la pharmacie.

Nous devons en prendre la mesure et continuer d’y prendre notre part. La loi peut-être passée, plus que jamais, tant sur le plan syndical qu’idéologique et politique, le combat continue, plus que jamais parfois sans même nous en rendre compte nous appartenons au mouvement alternatif au tout gestionnaire tout protocole tout cochage fichage médicamentage, mouvement alternatif qui dans le fond pourrait bien être en train de gagner, qu’on se réfère à l’extraordinaire surgissement du phénomène Obama. Pourquoi ne continuerions pas de soutenir, reprenant l’élan de la puissante flambée du mouvement humaniste des années 70, ce Yes we can qui a porté une première fois notre mouvement au pouvoir ?

Si la loi passe n’oublions pas que ç’aura été au terme d’un combat épique qui vit notre fragilité et notre importance s’inscrire durant des années dans la vie politique française. Pas si mal. Il est temps pour nous de reprendre à notre compte la formule de cet ahuri de Mac Mahon, qui ne l’était pas lorsqu’il l’a télégraphiée depuis Sébastopol : j’y suis, j’y reste. Ainsi, dans la partie de l’univers culturel, de soin non médical, disons de souci de soi, et politique, que nous occupons, il importe de nous situer idéologiquement aux côtés de Vincent de Gaulejac, de Roland Gori, de Jacques-Alain Miller, d’Élisabeth Roudinesco, de Bernard Golse, et de dizaines d’autres dont les noms vous viennent au moment où j’en prononce une toute petite poignée, dans un combat commun pour la juste cause de l’humanisation des êtres humains, par le partage et la pratique de la relation entendue au sens fort. J’y suis j’en suis, de la psychothérapie relationnelle, je le reste. Je m’adapte un minimum, mais je reste campé sur mes positions acquises, un nom, des institutions solides, une réputation, des alliances, ma détermination, on ne m’en délogera pas si facilement.

Pour conclure notre nom et nous-mêmes ne nous portons pas si mal, à la veille d’une mutation onomastique prévue de longue date, dont si nous jouons intelligemment de la situation, nous pouvons tirer notre bonne épingle du jeu, pour peu qu’elle continue d’arborer le qualificatif tout à fait porteur de relationnel.

Et surtout, nous avons à tenir notre place et rôle dans la lutte pour une psychothérapie relationnelle démocratique aux côtés d’une psychanalyse qui se sache solidaire, contre le puissant mouvement d’idéologie conservatrice managériale dont un mythique président populiste du nom d’Évalusconi pour évaluation, mensonge et déshumanisation à tous les étages prendrait sans notre vigilance aux côtés de ce que Jacques-Alain Miller dans sa campagne de forums psys restée mémorable appelait l’opinion éclairée, la relève de Big Brother. Notre place c’est de prendre part à ce combat qui est le nôtre et celui de la démocratie sans laquelle il n’est pas de psychothérapie qui vaille.