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Quel syndicat pour quelle pratique dans quel contexte ?



Psychothérapie relationnelle, problèmes, enjeux, ouvertures.

Panorama de la situation d’ensemble au sein du carré psy, perspectives historiques.

Rapport moral et politique auprès de l’Assemblée générale du SNPPsy prononcé le 20 novembre 2009.


SNPPsy

Psychothérapeutes relationnels & psychanalystes

ASSEMBLÉE GENÉRALE DU 20 NOVEMBRE 2008

PHILIPPE GRAUER

RAPPORT MORAL & POLITIQUE


Ce texte représente une analyse politique de la situation de la psychothérapie relationnelle dans notre pays et dans le monde. Tenant compte du vote de l’article 91 de la loi du 24 juin 2009, toujours non assorti de son décret d’application pris en Conseil d’État, il s’efforce de dégager les problématiques, les enjeux et les ouvertures.

Le SNPPsy constitue l’une des quatre institutions historiques responsables de la psychothérapie relationnelle dans notre pays, initiateur de la fondation du Groupe de liaison de la psychothérapie relationnelleGLPR, qui regroupe le Psy’G, le SNPPsy, la FF2P et l’AFFOP.


Ouverture

Forts d’un combat vaillamment conduit sur six années de crise, qui a vu notre personnalité scientifique, institutionnelle et professionnelle s’affirmer de façon incontournable, nous voici au seuil d’une nouvelle période, marquée par l’adoption d’une loi qui faute de nous éradiquer s’efforce de nous marginaliser en détournant notre titre pour en faire celui d’une autre profession que la nôtre, essentiellement hospitalière. De quel mouvement historique procédons-nous ? comment se dessine le champ paradigmatique dont nous constituons un élément déterminant et irremplaçable ? de quels moyens disposons-nous pour poursuivre notre exercice professionnel libéral dans des conditions de sécurité et de respect de notre éthique et épistémologie ? sous quel nom allons-nous désormais exercer, qui protège nos valeurs scientifiques et professionnelles ? quel syndicat voulons-nous pour quelle pratique se situant résolument dans le champ du processus de subjectivation, que la discipline engagée soit psychothérapique relationnelle ou psychanalytique ?

Confusion des origines

Depuis un siècle que nous avons affaire à la médecine ! Freud, lui-même médecin, s’est battu pour une analyse laïque, soutenant à peu près qu’il était plus difficile à un médecin de devenir psychanalyste qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille. Nos domaines ont des origines communes et lever la confusion des origines reste une préoccupation constante dans le peuple psy, peut-être un des ses symptômes, & pourquoi n’aurions-nous pas des symptômes, pourquoi même institutionnellement n’en constituerions-nous pas ? Les psychologues présentent tous les symptômes de la grande crise allergique quand ils entendent le mot philosophie, c’est quasiment la même chose avec les sociologues pour des raisons similaires de désengagement d’un champ, alors que par le biais du terme clinique les mêmes sociologues marquent un penchant vers nous et les philosophes se prennent à aimer la clinique pendant que nous, nous nous prenons de passion pour Heidegger ou Merleau-Ponty. Sans compter avec le champ de la spiritualité, susceptible de provoquer chez certains des accès de fièvre, mais il n’existe pas de vaccin contre le sentiment océanique.

Psychanalyse : souci de démarquage

On connaît l’effroi et le mépris psychanalytique français pour la psychothérapie au sens générique du terme, et pour le terme relationnel si l’on précise. On connaît la réaction à l’innovation quand elle ne vient pas de chez elle de la psychanalyse et nos difficultés dans ce domaine en qualité de novateurs. On connaît la référence de la psychanalyse à la psychiatrie, des gens sérieux car en France psychanalyse et médecine s’étaient rejointes et ont parfois été jusqu’à quasi fusionner. On a pu mesurer les avancées qu’a pu en tirer la psychiatrie et l’on comprend la fierté de la psychanalyse. Fierté toutefois ne justifie pas arrogance. On comprend par ailleurs que les psychanalystes qui pratiquent de plus en plus de psychothérapie (1*), cherchent à se démarquer de ce qu’ils conçoivent comme une subpratique, une sorte de sous-marque. Sans compter qu’ils se sont bataillés durant un demi siècle contre des écoles d’inspiration phénoménologique qui ne connaissaient pas l’inconscient freudien, pour tout dire des barbares.

Médecine scientiste alternatives magiques ?

Le thème de cette barbarie continue de se développer. Dans sa récente réédition de son histoire de la psychanalyse, au chapitre Héritages, l’historienne Élisabeth Roudinesco décrivant la crise de la médecine contemporaine et son dépit de constater le décalage entre les progrès de la médecine scientifique et ses faibles avancées dans le domaine psychique — encore que la découverte des neuroleptiques représente un pas en avant considérable, dépit qui l’a précipitée vers la neurologie et le comportementalisme au mépris de l’héritage freudien, aborde la question de l’alternative à une médecine scientiste. Elle décrit cette alternative comme une mouvance globalement inspirée par la mentalité magique, ce qui la conduit parfois à classer notre psychothérapie, que par ailleurs elle reconnaît parfaitement, dans le lot d’une « multitude de psychothérapies souvent peu sérieuses ». Nombre d’auteurs sérieux nous confondent avec le mouvement du Développement personnel et le New Age pour faire bonne mesure. La dernière confusion en date est celle du coaching, nouvelle forme de conseil conjugué avec la profession d’entraîneur(2*), avec laquelle nous n’avons rien à faire. C’est donc toujours la même histoire, valable pour tous, il faut sans cesse se démarquer. L’excès de démarcation conduit au sentiment nobilitaire.

Moins diplômés

D’autant que les barbares se sont multipliés avec l’arrivée sur la scène psy de la psychologie humaniste. Facteur aggravant, ces nouveaux venus recrutent des personnes du deuxième âge (dire aussi d’âge moyen, jamais de moyen âge) qui ont déjà entrepris une démarche, soit psychothérapique soit psychanalytique, et deviennent professionnels en passant par leurs propres Écoles, des écoles de formation pour adultes, des écoles d’application et de professionnalisation privée, ce qui fait qu’à la finale ils sont moins diplômés (de l’université, car leurs écoles leur dispensent cinq années d’études tout aussi bien, soit 2000 heures et plus, sanctionnées par un diplôme sans valeur universitaire(3*)) que les étudiants en psychologie ultérieurement devenus psychanalystes(4*). Moins diplômés donc ignares donc méprisables. Se démarquer d’eux absolument.

Les médecins récupérateurs

On connaît surtout le goût de la médecine pour la récupération de toute pratique qu’elle trouve bon de s’approprier, vu de son point de vue la proximité avec un champ scientifique ou pratique. Le pire fut l’homéopathie, considérée pour une grande part par la médecine scientifique comme pure charlatanerie, absorbée de peur que la médecine ne souffre de trop de fuites.

La médecine et la thérapie

Avec nous c’est l’idée même de médecines de l’âme qui cloche. Vous pensez : médecines ! et ce terme de thérapie. Ce terme nous revient soutenait le ministre Mattei. De droit médical sinon divin. Restitution ? Et le terme soin ? Ah le terme soin ! prends soin de toi ne veut tout de même pas dire n’oublie pas de passer chez le docteur. En tout cas la médecine, elle, a pris soin de nous. Elle s’est penchée sur le nôtre de cas. Prise de crises d’angoisse elle a vu des charlatans partout. Quand la médecine entre en crise elle hallucine des myriades de charlatans qui s’emparent de la population, l’illusionnent et lui font endurer mille supplices, Jérôme Bosch aurait très bien illustré cela. Nouveau trouble (les symptômes ont disparu nous n’avons plus affaire qu’à des troubles) l’APC/H Angoisse panique de charlatanisme, avec ou non hypomanie, maladie professionnelle à inscrire au DSM — seulement lorsqu’on tiendra une molécule efficace contre, car le plus souvent c’est la molécule qui impulse la catégorie.

Médecine de l’âme et maladies cérébrales

La crise médicale à laquelle nous avons affaire est d’abord celle de la psychiatrie. Cette pauvre psychiatrie naguère glorieuse, du temps où, pacsée avec la psychanalyse, elle se sépara de la neurologie, cela se passait en 1968 — décidément ! C’est que la médecine scientifique l’a tellement devancée. On pouvait s’y attendre, la « médecine » de l’âme n’est pas vraiment médecine, il n’existe grâce à Dieu même après sa mort aucun traitement de la condition humaine. « Traiter toutes les souffrances psychiques comme des maladies cérébrales(5*) « , réduisant l’homme à ses comportements, à des compartiments DSM(6*), fut la réponse d’une médecine ayant cru que le positivisme résoudrait son retard dans le domaine du psychisme. Si on entreprend de se représenter la souffrance psychique comme neuronale et comportementale, si en vient à se faire une idée exclusivement médicale de la souffrance, on en arrive à médicaliser l’existence humaine, on atteint des sommets d’absurdité épistémologique, des hauteurs béantes(7*) vaudrait-il mieux dire, par l’oblitération de ce qui est irréductible dans l’Homme, son humanité, et par l’oubli notamment du caractère relationnel de son existence.

Neurologie, surveillance, évaluation

C’est ainsi que, pour reprendre les termes d’Élisabeth Roudinesco(8*) , « la psychiatrie est devenue, pour sa partie clinique une branche de la neurologie et donc des neurosciences, pour sa partie sociale un système de surveillance de la dangerosité et enfin, pour son approche subjective, un discours fondé sur l’évaluation des conduites(9*). « 

Homme-machine

Le ministre Mattei voulait récupérer le radical thérapie, la médecine organiciste croit pouvoir récupérer radicalement l’être humain pour en faire un animal machine, et récupérer du coup la psychiatrie pour en faire une spécialité vétérinaire. Neuro vétérinaire.

La psychologie délestée de la psychanalyse

De son côté la psychologie “scientifique”, scientisticienne, ravie de la jonction de son comportementalisme devenu cognitivisme depuis que Chomsky eut naufragé la linguistique, avec les neurosciences et l’épidémiologie, quoique toujours inquiète du processus de sa para médicalisation en cours, délestée de la psychanalyse, peut se lancer dans l’opération à nous le titre de psychothérapeute.

Psychologues et psychiatres : sécurité conformité santé mentale

Alors survient la révolution épistémologique. La main dans la main, psychologues et psychiatres redevenus neurologues parleront gênes, neurones, déficience cérébrale, comportements à risque. Question de sécurité, la personne, que dis-je, l’usager, devenu entrepreneur gestionnaire de lui-même, réputé responsable de ses maladies car la maladie a supplanté le malaise, est invité à cesser de désordonner ses conduites et par là de devenir antisocial. Le psychologue assisté de tests et questionnaires à cocher l’aidera à s’évaluer, et à entrer dans des programmes préventifs. Il aidera le système à prévenir les risques en évaluant ses enfants dès la maternelle. Il mangera cinq fruits par jour, se présentera à la vaccination et au dépistage contre la dépression, une maladie endémique, si sa tristesse insiste au motif qu’il a perdu son travail sa femme et sa grand-mère dans l’année.

Psychothérapie à protocoles

Un programme de psychothérapie à protocoles, brève car tout ça coûte cher, lui sera administré si sa dépression est diagnostiquée (grâce au DSM, système autoproclamé fiable) accompagné des molécules ad hoc. Si son organisme ou son cerveau résiste au traitement TCC, il sera déclaré handicapé, médicamenté à vie et l’affaire classée jusqu’à nouvel ordre ou nouveau désordre. Orwell n’y avait pas pensé mais nous y voici. C’est pour faire place à cela qu’on nous prie de lâcher notre nom de psychothérapeutes.

Psychothérapeutes NN

Rendus là, on peut penser qu’il vaut mieux ne pas partager l’appellation avec de pareilles pratiques. Une nouvelle profession est née, axée sur la psychopathologie, qui n’a que peu à voir avec la nôtre. Officielle, garantie par l’État et l’université, je propose d’appeler ses agents psychothérapeutes NN, et de prendre note de leur existence à venir, en particulier dans le secteur hospitalier. Où leurs collègues psychologues freudiens auront l’occasion de travailler avec eux, engageant certainement un fructueux dialogue scientifique et méthodologique, c’est l’affaire des psychologues. La psychothérapie est tellement diverse qu’elle supportera bien cette modification de son paradigme. Psychothérapeute au sens générique étant un titre mais non une profession, en toute logique il y aura des psychothérapeutes NN un peu partout, dont chez nous. Les nôtres pratiqueront la psychothérapie relationnelle voilà tout.

La psychothérapie relationnelle, une nouvelle spécialité

Nous, nous aurons à garantir, avec nos moyens, la pratique, peut-être la psychopratique, qui répond à nos cinq critères et obéit à notre code de déontologie. Ceux d’entre nous qui le désireront pourront même imprimer sur leurs cartes psychothérapie relationnelle uniquement, car il s’agira d’une spécialité. Nous étions professionnels de fait, en marche vers la professionnalisation, avec une ébauche de droit ordinal privé avec notre titularisation selon les cinq critères réservant l’accès à ceux qui y répondaient. Nous le demeurons. En face de nous, sur le vis-à-vis du Carré psy, des professionnels de la psychologie useront du titre de psychothérapeute NN, titre et non profession. De ce point de vue nous voici pour l’instant à statut égal. Profession psychothérapeute demeure une virtualité.

Construction identitaire en devenir

Rien d’étonnant dans tout cela, la sociologie des professions foisonne de cas semblables, nous constituons tout simplement une profession en voie d’institutionnalisation, notre construction identitaire se poursuit. « La rénovation de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles » (PCS) est nous dit Jean-David Fermanian(10*) périodique, selon des cycles d’environs 20 années. Nous y voici. La dimension internationale de ladite nomenclature influera sans doute sur son devenir national. Nous participons d’une vaste mouvement, à présent mondialisé, qui joue sur des périodes historiques longues. Considérons ce qui s’est passé depuis plus d’un demi siècle.

Troisième voie

Dans les années 50 aux États-Unis le gâteau psy se partageait en deux parts principales plus une minoritaire. Une psychiatrie-psychanalyse intégrée, normative, d’une part, une psychologie comportementaliste virulente, skinerienne, déshumanisante, de l’autre. Les psychologues ninis de l’époque, ni freudiens ni behavioristes, pris dans cette tenaille, lancèrent avec Maslow une contre-offensive identitaire, la psychologie humaniste, d’inspiration phénoménologique et existentialiste, plus tard devenue Troisième voie, qui se développa et se trouva liée au mouvement anti guerre du Vietnam protestataire de la Beat Generation. L’équilibre des années soixante reposa sur cette trilogie, et aboutit dans les mouvements de 68 qu’impulsa largement celui de la psychologie humaniste.

1945 – 1968 et nous

Notre président de la République voue aux gémonies 68. Il a raison. Nous sommes les acteurs et les héritiers d’un mouvement, qui se manifesta par le soulèvement de la génération d’après guerre qui voulait vivre autrement une autre vie, selon un autre style. L’actuel régime du tout managérial et évaluation, de l’isolement de l’individu qui ne trouve plus pour protester contre l’insupportable auquel le système soumet que le suicide, n’aime pas 68. Un 68 pas si mort que cela sans quoi personne ne se soucierait de vouloir en finir avec lui. 68 n’aime pas ce système déshumanisant contre lequel Roland Gori avec son Appel des appels nous convie à résister en nous unissant. Pensons-y, notre actuelle société vit sur deux soubassements historiques fondateurs, le programme du CNR mis en place à la Libération et 68. Le système politique actuel s’attaque aux deux, cela explique en partie la virulence contre nous.

DSM IV et la suite

À mesure que le courant humaniste se développait on vit la psychiatrie américaine se désengager de la psychanalyse pour devenir scientiste, passant progressivement, avec l’opération DSM4 conduite par l’ancien reichien (!) Spitzer, à une neuropsychiatrie statisticienne d’inspiration comportementaliste. La mondialisation commençait, avec elle celle de l’industrie pharmaceutique. Les catégories DSM, réduisant en miettes le corpus descriptif de la psychopathologie et le concept de symptôme, se mettent à suivre l’apparition de chaque nouvelle molécule. Au point qu’on pourrait parler de psychopathologie moléculaire, s’il ne fallait corriger la figure avec l’action des groupes de pression (où est passé la « science » dont on nous rebat les oreilles dans tout cela ?) pour « reclassifier » » telle catégorie désireuse de ne plus se voir clouer au pilori psychiatrique, par exemple à la rubrique perversion.

Psychanalyse, psychologie et psychologie clinique

En France entre psychologie et psychiatrie les choses se jouèrent différemment. Lagache reprenant une idée de Janet, procéda au mariage de raison de la psychologie et de la psychanalyse sous le nom de psychologie clinique. La psychanalyse se voit alors hébergée en psychologie aux côtés d’une psychologie expérimentale, « scientifique » orientée vers le psychophysiologie et le biologique, orientée vers une médecine organiciste. Hébergement précaire comme on sait maintenant, mais qui semblait installé définitivement. Lacan ayant bousculé et rénové la psychanalyse française par un génial mélange de structuralisme, de philosophie, de surréalisme et de rétro freudisme, la psychiatrie de son côté se convertit en masse à la psychanalyse (pas seulement lacanienne), devenue pour un temps son inspiratrice.

Hégémonie psychanalytique

C’est le moment de l’hégémonie psychanalytique. La psychanalyse étend son influence dans la culture ambiante. C’est le règne de la « discipline reine ». Elle méprise les psychothérapies, entités au mieux ancillaires, au pire l’ennemi à abattre, et le pire, précisément c’est de pire que nous traitent les lacaniens, en l’occurrence est à peu près sûr.

La psychothérapie c’est nous

Lorsque surviendra dans notre pays dans les années 70 la vague du Mouvement du potentiel humain, les praticiens en psychothérapie humaniste nouveaux venus lui rendront son mépris. Trop occupés à rivaliser avec l’établissement psychanalytique et à installer notre secteur identitaire et scientifique flambant neuf, nous nous proclamons La psychothérapie, et ne sommes pas loin de penser que nous allons égaler sinon supplanter une psychanalyse que nous considérions confite dans son ancienneté et arrogance, sans pour autant la négliger ou ignorer car nombre d’entre nous y recouraient par ailleurs.

Notre montée en puissance

Notre montée en puissance n’est pas négligeable, notre installation en profondeur au sein de la société française date de cette époque. Nous correspondons à la sensibilité du temps et aux besoins des gens, las de la poker face psychanalytique mutique et des deux ou trois séances hebdomadaires à cinq minutes mais pas à cinq francs. Nous nous institutionnalisons et donnons ses cadres à la profession qui avec nous amène sa fraicheur, sa créativité, sa capacité de recherche clinique engagée, sa liberté d’allure, sa dimension émotionnelle, psychocorporelle, groupale, sa fraternité, sa chaleur, le tout dans le cadre d’une déontologie responsable. Nous sommes des rénovateurs de la clinique. Notre littérature est tonique et vivifiante, notre pratique change du tout au tout les habitudes psys de l’ensemble de la population. Jusqu’au langage qui change. Dès les années 80 on ne va plus comme en 60 voir un psychanalyste quand on commence à aller mal, on va voir son psychothérapeute. Nous.

Profession psychothérapeute

À côté du Psy’G (1966), davantage profession libérale, nous créons le Snppsy (1981), qui fonctionnera durant vingt ans comme instance ordinale et idéologique. Nous avons de l’élan. Nous voulons faire reconnaître notre nouvelle profession. Nous nous présentons sur la scène. On nous voit comme les autres, comme les trois autres professions psys cardinales, hanter notre ministère de tutelle, normal, nous sommes la société civile responsable. Nous allons jusqu’à engager des pourparlers pour faire homologuer nos services aux nouvelles normes Afnor. On peut ricaner a posteriori sur cette idée de se faire normer comme les chauffe-eau. Nous avions décidé de nous saisir de tout ce qui nous permettrait d’avoir pignon professionnel sur rue, comme nos collègues. Ni plus, ni moins. Nos Écoles en dix ans sont devenues rigoureuses. Nos écoles, pas n’importe lesquelles, nous disposons d’un système de reconnaissance des écoles qui en garantisse la qualité. Nous prévoyons une maquette intégrée de formation mixte École professionnelle Université sous le titre d’École pratique des hautes études en psychothérapie, ignorant qu’au même moment sous le même sigle René Major prévoyait une formation à la psychanalyse. C’était dans l’air de l’époque. C’est l’époque où Serge Leclaire édite son État des lieux de la psychanalyse. Bientôt nous publierons Profession psychothérapeute.

Déploiement institutionnel

Bientôt nous signerons la Déclaration de Strasbourg (1990) et nous situerons dans le contexte européen. Bientôt nous co-fonderons avec le Psy’G la FFdP (1995) puis en sortirons pour fonder l’AFFOP (1998). Notre psychothérapie se diversifie et étend ses connexions à l’ensemble du continent. Bientôt nous définirons la psychothérapie relationnelle comme telle (1999), dans le cadre conceptuel plus large du Carré psy. Le projet de loi Jean-Michel Marchand date de 1999-2000.

Un syndicat professionnel responsable

Dans notre pays nous soutenons au Ministère qu’il suffirait, nous-mêmes disposant de notre système de titularisation selon nos cinq critères, que le Ministère fasse savoir dans un document descriptif que nous existons à la population pour qu’elle s’oriente et s’évite si elle le souhaite tout recours à des praticiens hasardeux garantis par rien d’autre qu’eux-mêmes. Nous ne demandons surtout pas davantage, désireux de n’engager aucune chasse aux sorcières, convaincus qu’il vaut mieux prêcher d’exemple que d’exhortation. Nous offrons notre collaboration à la lutte antisecte auprès du Premier ministre. Nous agissons en syndicat responsable.

Opération Accoyer-SPP (Vasseur) — Groupe de contact (Sédat(11*))

C’est à ce titre que nous sommes sur la brèche lorsque pour la première fois en 1998 Bernard Accoyer entame de nous attaquer par un premier amendement, qu’il retirera bientôt. À la deuxième tentative nous réagissons par la proposition de loi Jean-Michel Marchand (99-2000). Puis c’est l’amendement de 2003, jusqu’à l’actuelle loi de confiscation au bénéfice de l’association Medecine & Psychology United, sous direction médicale — en coopération avec les psychanalystes du Groupe de contact, du titre privé sur lequel nous avions soigneusement veillé.

Qu’allons-nous faire ?

Nous nous sommes bien battus sur tous les terrains. Maintenant que l’affaire a progressé jusqu’au vote de la loi, qu’allons-nous devoir faire ? Sachant ce que nous sommes comment allons-nous honorer à l’avenir notre identité, notre activité scientifique et professionnelle ?

Sachant ce que nous sommes

Ce sachant ce que nous sommes condense notre spécificité scientifique, éthique et professionnelle. Je ne le développe pas ici par souci de gain de temps. Nous sommes si l’on devait se résumer le syndicat et les praticiens des cinq critères. Nous sommes le syndicat de l’agrément des écoles tel que l’a mis en place avec notre collaboration l’Affop. Pour ne donner qu’un exemple une de nos collègues du CA nous faisait part il y a peu qu’elle avait retrouvé munis du CEP les étudiants que son école avait refusé de garantir. Il faut de tout pour faire un monde et nous prenons garde de nous différencier, sans renoncer pour autant à l’indispensable unité d’action avec les trois autres centrales historiques de la psychothérapie relationnelle.

Inscription au Registre sans problèmes

Dans nos rangs nous comptons des praticiens d’une autre profession, titulaires du diplôme indispensable, psychologues, médecins ou psychanalystes régulièrement inscrits dans leur association, qui jouissent du titre annexe de base, du passeport, nécessaire à cette prétention. Leur inscription au Registre ne devrait pas faire de problème, pourvu qu’ils remplissent les conditions en matière de formation en psychopathologie figurant au décret d’application, ce qu’une Commission examinera.

« Psychothérapeutes à titre unique »

Il y a ceux que Alain Naissant appelle justement les psychothérapeutes à titre unique, qui n’ont dans leur poche qu’une carte d’identité non valable, celle que leur délivre notre syndicat (12*) devront exercer sous un autre nom pour ne pas se trouver en état d’usurpation de titre.

Commissions guillotines

Ils pourront présenter un dossier d’homologation devant les Commissions régionales — Commissions guillotines nous connaissons le modèle et le fonctionnement scélérat, dont les dircab’ successifs nous ont tous assurés du plus jamais ça — qui sera massivement rejeté. Ils le pourront s’ils justifient d’au moins cinq années de pratique de la psychothérapie à la date de parution du futur décret d’application. Nous devrons les aider s’ils désirent à tenter de se faire homologuer. Nous pourrions même présenter le plus de (bons) dossiers possibles afin de faire éclater le scandale de leur rejet. Sans compter que pendant la durée de la procédure, la prétention au titre devrait pouvoir courir, c’est l’affaire de mesures transitoires qui ne sont point parues, évidemment au décret non publié.

Le facteur temps

Autre facteur, le facteur temps. Le temps passe, il ne fait même que passer. Depuis 2003, six ans ont ainsi passé, et nous avec. Continuez de compter : d’ici combien de temps votre dossier sera-t-il diligenté, et où en serons-nous alors ? Il pourrait être avisé à tout hasard de déposer un dossier. De plus, dans l’attente du résultat généralement la règle veut en matière de mesures transitoires que le demandeur puisse continuer à faire usage de son titre précédent (de psychothérapeute donc). Tout cela peut demander des années, du temps, toujours du temps. Et quand on a perdu on recoure, et le temps recourt.

Poème bureaucratique

Toutefois ce dossier ne vous donnera pas le précieux titre. Il vous délivrera — délivrerait, l’accès à la formation officielle universitaire en psychopathologie à suivre pour l’ensemble des praticiens désireux de s’inscrire au Registre national des psychothérapeutes (regroupant les inscriptions aux registres départementaux), lequel débouche sur le boulevard du droit à l’usage du titre. C’est beau tout de même un poème bureaucratique.

Sous quel nom exercer

Certains et j’en connais plus d’un pourront aussi ne pas vouloir de ce titre et s’en faire gloire. Nous les suivrons aisément sur ce sentier de la gloire. Il ne s’agit pas tellement d’honneur mais du refus de se voir paramédicaliser. Sous quel nom garanti par leur syndicat vont-ils décider d’exercer désormais ? Il est éminemment souhaitable que les quatre institutions historiques de la psychothérapie relationnelle en France tombent d’accord sur un titre commun qu’elles garantiraient ensemble par une charte.

Vers une nouvelle Coordination

Nous sommes en pourparlers à ce sujet. L’un des quatre soutient une option différente. Les trois restantes pourraient au moins s’unir, et au moins passer un accord d’alliance avec le quatrième. Nous trouvons la FF2P imprudente et nous demandons comment la soutenir si elle maintient sa position et subit des attaques en conséquence. Nous trouvons même qu’elle nous fragilise. Je ne mentionne que pour mémoire l’attitude suicidaire et provocatrice d’une organisation qui a déposé le titre de psychothérapeute à l’INPI et prétendant maintenir ses plaques risque de faire recevoir claque pour plaque à tout praticien qui se hasarderait dans cette politique. Si nous parvenions à reprendre l’idée d’un groupe de liaison(13*) pour ensemble soutenir notre juste cause, sous quelque nom que ce soit, nous nous réjouirions. Nous mettrons en œuvre toute l’énergie nécessaire pour aboutir en ce sens(14*) .

La question du nom

Examinons à présent de plus près la question du nom. L’année dernière notre AG se plaçait sous le signe et patronage du relationnel de l’appellation de psychothérapie relationnelle. J’y définissais dans mon rapport moral ce dernier terme, et nous situais scientifiquement et politiquement dans ce champ.

Renommer notre côté du Carré psy

Cette année, la loi tombée, sous les quolibets goguenards de M. Abou « ils n’auront qu’à s’appeler coaches » et l’impavide « la psychothérapie ça n’existe pas » de notre ministre de tutelle, il ne nous reste plus qu’à déterminer la façon dont nous allons devoir nous désigner, pour renommer notre côté du Carré psy débaptisé par la médecine alliée de la psychologie et pour une bonne part de la psychanalyse même.

Trois possibilités

Les pourparlers entamés à notre initiative avec le Psy’G, l’Affop et la FF2P tournent autour de trois noms ou groupes nominaux :

Praticien en psychothérapie : inchangé

Psychopraticien relationnel : ligne Snppsy

Psychopraticien tout court, accommodable à volonté de l’adjectif relationnel.

1) Praticien en psychothérapie.

L’avantage de la première formule est qu’elle demeure inchangée. Notre façon de nous dire cliniciens fut de nous réclamer de la pratique. Et puis le terme dure depuis la création du syndicat : inertie positive. Paradoxe, les autres détournent à leur profit notre nom, nous le conservons.

Cette force fait sa faiblesse. Ce qui est confisqué c’est le titre pas l’activité. Nous demeurons libres de pratiquer la psychothérapie — que nous désignons comme relationnelle pour éviter toute confusion, pourvu que ce ne soit pas sous le titre de psychothérapeute. Or comment appelle-t-on celui qui pratique la psychothérapie ? le dictionnaire le plus simple vous le livrera sans peine : un psychothérapeute. Se définir par la définition même du terme interdit, agir en cruciverbiste de niveau un, c’est prendre des risques. L’inconvénient réside dans sa dangerosité sémantique : trop de proximité avec le signifiant confisqué. Le bon sens saura bien guider quelque psychothérapeute NN un tant soit peu corporatiste à faire observer à un tribunal qu’il existe vraiment trop peu de dissonance cognitive entre le terme et sa définition(15*). Nous ne prenons pour l’instant aucune décision.

[…]

2) Psychopraticien relationnel

Avec le premier terme, psychopraticien, nous croyons changer de nom, nous conservons praticien, avec psycho nous conservons le radical qui permet à tous de nous repérer comme relevant du champ psy. Considérons un instant le retournement effectué. Praticien de l’initiale vire à l’aphérèse (autobus) pendant que psycho en position apocopique (comme le ciné de cinéma) débarrassé de l’encombrant radical médical thérapie, institue une nouvelle désignation. Ça c’est du retournement !

À nominalisme, nominalisme et demi. Opération indispensable. D’autant qu’avec relationnel nous gardons notre prénom. Précieux. Nous maintenons par ce mot notre affichage syndical et épistémologique depuis une décennie, depuis avant la crise Accoyer. De plus, le terme existe dans la littérature. À l’article Psychothérapie le TLF conservateur en la matière signale : « En partic. Thérapeutique moins profonde, moins complète et moins intensive que la psychanalyse. Psychothérapie directive, relationnelle. » Et nous avons vu l’année dernière ici même que notre Jacques Durant-Dassier avait pratiqué et soutenu en 1975 le premier la notion de psychothérapie relationnelle.


3) Psychopraticien

[…] À la réflexion ce toilettage sémantique a du bon. Il met fin à de gênantes sources de confusion. On ne nous confondrait plus avec ces psychothérapeutes NN para médicalisés avec la pratique desquels nous avons trop peu en commun. Je n’en suis pas si sûr. Dans un premier temps le public pourrait continuer d’appeler indifféremment psy tout psy susceptible de l’aider sans égard au type d’aide proposé. Mais on peut faire confiance aux gens pour s’orienter, pour peu que les désignations restent bien distinctes.

4) Fantaisie irresponsable

Ligne fantaisiste : « conserver nos plaques ». Continuer de se dire psychothérapeute, relationnel ou non, constitue à nos yeux une provocation et surtout un infraction. Nous n’avons pas l’intention de tâter de l’illégalité. Conserver sa plaque pour recevoir sa claque semble périlleux.

Front uni

En la conjoncture il me semble souhaitable de constituer un front uni autour d’un nom commun. Que pensez-vous de l’idée d’une charte commune protégeant sur un titre unique les psychothérapeutes — nous pouvons encore nous dénommer ainsi, agréés et couverts par leur organisation ? […]

L’impact de la nomination

Notons cependant que pour une part nous devons exagérer l’impact de la nomination. Les gens viennent à nous sur équation personnelle, sur notre capacité à employer la relation (d’où l’intérêt d’utiliser ce mot) comme ressort du processus qu’auprès de nous et avec nous ils viennent engager. Relation implique processus de subjectivation, ce qui nous situe du côté du Carré psy que nous n’avons jamais quitté, jouxtant la psychanalyse qui devrait bien finir un jour par s’en apercevoir. Une appellation commune, regroupant sous la poussière des méthodes et techniques un axe lisible, de communication simple, faciliterait notre repérage en période de mutation sémantique et institutionnelle. Jacques-Alain Miller utilise le nom dont il dispose, Jacques-Lacan, pour lancer son université populaire. Alfred Pritz a mis en place son Université Sigmund-Freud. Un vent nominaliste souffle sur la plaine psy. C’est à qui se dotera de la meilleure visibilité sémantique et respectabilité connotative. Promouvons nous un bon nom.

Deuil et renaissance

Il demeure que la perte de notre nom par la volonté du législateur, parfaitement licite du point de vue légal, constitue bien une perte. À l’issue d’une confiscation ou d’une récupération selon l’angle de l’observateur avec le fait. En fait il s’agissait de disposer d’un système d’encadrement, dont nous avions pris l’initiative sans être de taille. À l’occasion de quoi la médecine française a fait un coup, dans le cadre d’une politique de longue haleine visant à prendre sous son contrôle de tout ce qui peut avoir à faire avec la santé si la psychothérapie peut se définir comme un traitement (la psychanalyse propose bien des cures, à des patients). Le médico psychologisme nous a volé notre nom, qui simplement lui faisait envie, comme la médecine en France a l’habitude de procéder. La médicalisation de l’existence et du titre de psychothérapeute vont de pair. À l’heure ou la psychiatrie se réoriente vers les neurosciences et le comportementalisme renommé cognitivisme (eux aussi se renomment périodiquement), les psychothérapeutes NN sont appelés à dispenser des traitements paramédicalisés sur l’aire jadis occupée par la psychiatrie. Qui contrôle le nom contrôle la chose. Le fait que nos adversaires se soient emparés du nôtre nous laisse libre sous un autre. Faisons notre deuil et renommons-nous.

Honnêtes fourmis psys sur le terrain

Le remaniement en cours nous concerne peu dans la mesure où le soin que viennent prendre d’eux-mêmes par souci de se comprendre et de comprendre quelque chose à leur histoire et existence ceux qui viennent auprès de nous s’adresser à quelqu’un, concerne du malaise et non de la maladie. Qu’il s’effectue à l’occasion de la confiscation du nom que nous portions depuis la fin des années 70 (16*) nous peine car des solutions plus élégantes, non corporatistes, auraient pu coordonner nos écoles agréées, nos institutions historiques responsables, dont notre syndicat et ses cinq critères, et une université ouverte sur l’innovation et la créativité que nous représentons. Rejetés dans les ténèbres extérieures du fantasme médical du charlatanisme, nos praticiens consciencieux correctement formés et encadrés poursuivront leur travail de fourmis psys sur le terrain, là où les attendent ceux que n’intéresse toujours pas une psychothérapie style santé mentale, carnet à souche et consolidation en handicap assisté par médicaments.

« Tout est toujours improbable en politique »

Il y a place pour tous les goûts et styles psys, nous ne demandons que le bonheur de la psycho diversité, d’exercer en marge de la sphère d’influence médicale (tout en, comme nous l’avons toujours pratiqué, travaillant en réseau avec les médecins auxquels nous continuerons d’adresser nos patients dès que nécessaire) et du champ idéologique du scientisme, à quoi nous continuons de préférer la rationalité humaniste et la scientificité des sciences humaines cliniques. La situation est difficile, partiellement seulement, les conditions qu’on s’apprête à nous faire ne nous conviennent pas, elles « exigent de l’énergie et paraîtront improbables. Elles le sont. Tout est toujours improbable en politique. La seule chose sûre est qu’il ne sert à rien de désespérer « . La seule chose sûre c’est que les luttes déjà engagées, les succès rencontrés en cours de route, les acquis de notre expérience, l’union entre les principaux acteurs de la psychothérapie relationnelle, la dynamique de notre discipline, constituent autant de raisons de croire en notre nécessaire avenir et peut-être bonne étoile.